Pourquoi faire une étude sur l’efficacité et le ROI [retour sur investissement] de la publicité télé ? Vous en doutiez ?
David Larramendy. Nous sommes dans un contexte de démultiplication des points de contact entre les marques et leurs clients ou leurs prospects. Cela rend à la fois plus important et plus complexe la compréhension de l’efficacité publicitaire de chaque média sur les ventes. Pendant longtemps, les médias digitaux ont surfé sur un modèle qu’on appelle le « last click », où l’attribution d’une vente était faite au dernier clic sur internet juste avant que le consommateur se rende par exemple sur un site e-commerce. C’est une version simpliste et fausse de la réalité, qui met de côté tout ce qui s’est passé avant, notamment toutes les interactions que le client a pu avoir avec la marque en amont de ce passage à l’acte. Pour les médias analogiques, il y avait peu de moyens d’associer les différents points de contact à leur impact sur les ventes. Cette étude permet de combler ce manque.
François Pellissier. Avec cette étude [lire encadré], nous voulions combattre les idées reçues. Ces dernières années, le digital est venu rajouter des indicateurs de mesure d’efficacité directe ; la télévision devait donc aussi se munir de chiffres prouvant son efficacité. On considère souvent la télévision comme le média du branding et on oublie son impact réel, à court, moyen et long terme, à la fois sur les ventes et sur le ROI. C’est ça qu’on voulait démontrer avec cette étude.
Que dit cette étude concrètement ?
D.L. Elle permet de remettre l’église au centre du village. Les résultats pour le média télévision sont très bons, au moins sur quatre items. D’abord, la contribution aux ventes : 65 % des ventes qui sont générées de manière directe par la publicité sont imputables à la télévision. Le deuxième point, c’est le ROI : vous investissez un euro en communication, vous avez 4,90 euros de ventes additionnelles avec le média télé. C’est un montant élevé d’autant que la part de voix de la télévision est très importante.
F.P. Le troisième point important, c’est la rémanence, qui, dans le cas de la télévision, est de 26 jours. Cela correspond au nombre de jours après l’arrêt d’une campagne pendant lesquels elle conserve la moitié de son impact sur les ventes. À titre de comparaison, la rémanence est de sept jours pour Facebook, dix pour la presse.
D.L. C’est un élément important car s’il y a souvent de la part des annonceurs une demande de ROI à court terme, il ne faut pas mettre de côté les effets à long terme de la télévision. Les marques, parce qu’elles ont été vues et revues à la télévision, finissent par faire partie de la vie quotidienne des consommateurs et n’en partent plus. Enfin, le quatrième point à retenir porte sur les synergies avec les autres médias. En moyenne, les autres médias, quand ils sont activés avec de la télévision, surperforment de 25 % par rapport aux résultats qu’ils obtiennent seuls.
La radio a aussi un ROI de 4,9. Pourquoi dites-vous que la télévision est plus efficace ?
D.L. C’est l’association du ROI et de la part de voix qu’il faut regarder. Normalement, le ROI d’un média atteint son maximum assez tôt et chute si on continue à investir dans ce média. C'est le principe des rendements décroissants. Ce n’est pas le cas pour la télévision : vous pouvez continuer à investir, monter à 65 ou 70 % de votre investissement média en télé, et garder ce ROI élevé. Les causes sont multiples : le grand écran, le son, la qualité des contenus au milieu desquels la publicité est diffusée, l’engagement des téléspectateurs face à leurs programmes… La publicité télé reste par ailleurs dans l’esprit des gens plus longtemps. Cette rémanence est à mettre en corrélation avec l’effet à long terme sur les ventes : l’indice à long terme atteint 210 pour la télévision contre 150 en moyenne pour les autres médias. Cela veut dire que si vous avez 100 ventes à court terme grâce à la télé, vous en aurez 99 de plus à plus long terme, deux fois plus que les autres médias.
F.P. La qualité d’insertion est extrêmement importante en télévision. On est dans des contenus extrêmement qualitatifs, ce qui contribue fortement à l’efficacité des campagnes. Le meilleur exemple, ce sont les pure players, spécialistes du ROI, comme Amazon, qui sont aujourd’hui de gros investisseurs télé. La télévision réussit le trio : la contribution (je vends beaucoup), un ROI élevé et qui, en plus, dure longtemps. La télé est gagnante sur tous ces tableaux.
Avec cette étude, espérez-vous regagner des parts de marché par rapport au digital ?
D.L. Je ne dirais pas que c’était l’objectif. L’idée est de fournir un outil d’aide à la décision pour les annonceurs. Je pense que cette étude va rassurer ceux qui depuis longtemps ont continué à investir de manière massive en télévision et que ça va convaincre certains, qui n’ont peut-être pas sauté le pas ou qui sont encore un peu prudents sur la télévision, d’y aller franchement. Le but de cette étude n’est pas du tout de dire qu’il ne faut faire que de la télévision, ce n’est pas notre propos. Nous disons que les annonceurs ont raison de continuer à investir massivement en télé. Cette étude explique a posteriori pourquoi la télé a aussi bien tenu ces dix dernières années et on espère qu’elle va nous donner des arguments pour qu’elle continue à progresser, et qu’elle progresse davantage.
F.P. On ne va pas se mentir : si on peut orienter une meilleure allocation des investissements publicitaires, on sera ravi. Plus largement, on a trouvé que c’était le bon moment de prouver notre efficacité car certains gros annonceurs, qui étaient allés fortement sur le digital, commencent à se poser des questions, à la fois sur l’efficacité et sur le branding. Donc si on peut associer les deux, on sera d’autant plus convaincant pour les aider à revenir massivement vers la télé.
D.L. Pendant dix ans, il y a eu une sorte d’état de grâce des principaux acteurs du digital. Ils pouvaient dire ce qu’ils voulaient, utiliser leurs propres données, refuser tout audit externe, voire publier des mea culpa pour avoir fourni des chiffres erronés… le tout sans que les annonceurs ne trouvent à redire. J’ai l’impression que ce temps-là est fini. Le marché va être de plus en plus exigeant et c’est la moindre des choses. Je ne dirais pas que cette étude sonne la fin de ces pratiques mais c’est notre façon de contribuer à cette exigence, de pousser les annonceurs comme les agences à être exigeants, à obtenir de vraies réponses.
N'est-ce pas une fatalité de penser que seul le digital permet de mesurer en temps réel l’efficacité des investissements des annonceurs ?
D.L. Ce n’est pas vrai. Je reviens sur les modèles d’attribution du type last click [au dernier clic] : ce sont des modèles d’attribution simplistes, qui ne représentent pas fidèlement la réalité. Dès lors que vous êtes une marque qui a des points de contact nombreux avec ses prospects, vous êtes obligé de prendre en compte l’ensemble de ces points de contact pour avoir une vue fidèle de la réalité. Et ce n’est pas parce que certains médias ont moins de données intrinsèques qu’ils ne sont pas très fortement contributeurs dans le processus de vente. C’est ça qu’une étude comme celle-là permet d’objectiver.
Cette étude du SNPTV conclut que la télé est le média le plus efficace. N’est-elle pas biaisée dès le départ ?
F.P. C’est pour se prémunir de cette remarque ça que nous avons adopté cette méthodologie spécifique et neutre. Ce sont les agences qui ont traité les données, pas le SNPTV, ni les chaînes. L’agrégation a ensuite été faite par les sociétés Bearing Point et MMZ Conseil, et c’est seulement après que les résultats ont été communiqués au SNPTV. Soyons clair : la présentation a été faite fin octobre au SNPTV. Les résultats sont ce qu’ils sont.
L’économétrie au service de la mesure de l’efficacité de la pub télé
Pour mener cette étude, le SNPTV s’est associé au cabinet de conseil Bearing Point et à MMZ Conseil, deux sociétés qui travaillent sur le référentiel de l’efficacité de l’Union des marques. « Ce tandem a toute confiance des annonceurs. C’était assez naturel pour le SNPTV de prendre le même », explique David Larramendy, président du Syndicat national de la publicité télé. Pour l’occasion, 85 vagues de communication, pour le compte de 15 annonceurs, ont été étudiées et soumises à l’analyse de 15 modèles économétriques, qui ont permis d’analyser les facteurs contribuant à la valeur sur une durée de trois ans. Cinq agences ont été associées au projet : CSA Data Consulting (Havas), Dentsu Aegis Network, GroupM, OMG et Publicis Media. « C’est Bearing Point et MMZ Conseil qui ont collecté les données des différentes agences. Nous avons fonctionné comme tiers de confiance », insiste Zysla Belliat, présidente de MMZ Conseil. L’analyse économétrique de toutes ces données a permis de mesurer la contribution des différents médias aux ventes, leur ROI, leur rémanence (la durée durant laquelle se maintiennent les effets publicitaires après l’exposition au message), leurs effets à long terme, leur contribution aux indicateurs clés de performance des marques et les synergies entre les médias en termes d’efficacité.