Le nouveau monde de Reworld ne fait pas rêver les rédactions de Mondadori. 190 journalistes en CDI, sur 320, ont décidé de quitter l’entreprise née du rachat de leurs magazines par Reworld en faisant jouer la clause de cession (soit un mois de salaire par année d’ancienneté). Sans compter 74 pigistes (la clause n’est ouverte qu’aux fiches de paie alignant au moins 25 000 euros sur deux ans, ce qui exclut 80 % d’entre eux).
«Rester c’est prendre un risque», résume Yves Corteville, délégué SNJ-CGT, qui rappelle que la «réputation exécrable» de Reworld suffit à faire fuir les cartes de presse. Sa reprise des salariés des huit titres de Lagardère, en 2014, ne s’est-elle pas traduite par 141 départs sur 150 ? L’externalisation des rédactions et le mélange des genres avec le brand content ne sont-elles pas sa marque de fabrique ? D’ailleurs, Top Santé est d’ores et déjà externalisé, et Pleine Vie (où seul un secrétaire de rédaction souhaite rester) devrait suivre son chemin, à l’instar de L’Ami des jardins.
Répercussions sur la qualité
Mais cette fuite massive risque d’avoir des conséquences importantes sur les publications elles-mêmes. «Nous avons les plus grosses inquiétudes pour les sorties des hebdos Grazia, Closer, Télé Star et Télé Poche», poursuit le délégué syndical, qui fustige l’absence du directeur général, Gautier Normand, au CSE consacré à la situation des salariés. Reworld, qui n’a pas répondu à Stratégies, se dit sans doute qu’une image socialement désastreuse a ses avantages : la plupart des journalistes partent dans les deux mois de la clause sans aucune bonification – comme à L’Express – et sans qu’il ne soit nécessaire d’engager pour eux un plan de départs. Nul besoin non plus de former ces plumitifs – qui ont en moyenne 46 ans – à de nouveaux métiers numériques.
Reste que cette fuite aura nécessairement des répercussions sur la qualité. Tous les directeurs de rédaction de Mondadori, la fondatrice de Closer Laurence Pieau et les trois co-responsables de Grazia ont annoncé leur départ. De plus, dans la foulée de la clause, les syndicats craignent un plan de licenciements pour les salariés non journalistes, qui totalisent la moitié des effectifs.