Télévision
BFMTV, LCI et Cnews ont été aux premiers rangs de la crise des gilets jaunes. Leur couverture du mouvement a suscité une énorme audience et des critiques. Explications.

« Sur les chaînes d’infos, c’est télé-réalité tous les samedis ». La pique de Nicolas de Tavernost (lire p.4), illustre bien la perplexité que suscite l’explosion de l’audience des chaînes d’infos lors des manifestions des gilets jaunes. Fallait-il assurer un suivi en temps réel ? Faire venir en plateau des acteurs du mouvement ? Réaliser des éditions spéciales à répétition ? Réponses avec trois protagonistes.

Audience montante

Hésitantes, au début, à suivre un mouvement difficile à identifier, les chaînes comprennent ensuite qu’il est soutenu par l’opinion. « On a senti sur le terrain que le sujet portait les tensions de la société. Dès le samedi 17 novembre, on a eu 20 millions de téléspectateurs contre dix d’habitude », souligne le directeur général de BFMTV, Hervé Béroud. En novembre, les chaînes d’infos gagnent 2,5 points sur un an, avec un total de 6 % en part d'audience [PDA], dont 3,4 % pour la seule BFM. La journée du 7 décembre, la chaîne devient la deuxième de France avec 10,9 % de PDA. L’attentat de Strasbourg prolonge les courbes. « Je n’ai jamais eu à couvrir une actualité pareille en 33 ans de journalisme politique, rappelle Valérie Nataf, directrice de la rédaction de LCI, c’est une info hors cadre, hors norme. »

Gilets jaunes sur le plateau

Du jaune en plateau ? Le risque est alors d’avoir des journalistes arrogants… et des gilets jaunes douteux. Maxime Nicolle, invité de TPMP sur C8, a développé une théorie complotiste sur Strasbourg. Eric Drouet a appelé sur BFMTV à « aller à l’Elysée ». « Vous n’êtes pas un vrai gilet jaune » a lâché Bruno Jeudy face à un gilet Insoumis, sur la même chaîne. « Avec ce mouvement, si on cherche des gens représentatifs, on n’invite personne », dit Hervé Béroud. Un casseur sur le plateau de TPMP ? « On a voulu démontrer la différence avec les gilets jaunes », assure Gérald-Brice Viret, directeur de Canal+. LCI se félicite d’avoir créé avec « la grande explication » de David Pujadas « un débat sur des idées reçues » en étant la première à opposer des membres de la majorité à des gilets jaunes. Représentatifs ? « C’est une interrogation quotidienne », soupire Valérie Nataf. LCI leur refuse le titre de « porte-parole ».

Couverture en temps réel

Avec leurs gardes du corps, les reporters étaient au cœur du chaudron, prompts à capter - et parfois à subir - les violences. « Dommage qu’il ait fallu un tel événement pour comprendre que CNews avec ses 120 journalistes est reconstruite », glisse Gérald-Brice Viret. La chaîne dirigée par Serge Nedjar termine l’année à -12 millions d’euros, en ligne avec ses objectifs, mais a été doublée par LCI, malgré son point sur les CSP+ et les 25-49 ans. Le gouvernement s’est ému de ce qu’il estime être une surcouverture. « Le pouvoir politique nous a accusés d’avoir si ce n’est créé, porté ce mouvement, lâche Hervé Béroud, d’autres, d’être aux ordres de ce pouvoir ». Pour lui, pas de couac majeur si ce n’est qu’il n’a pas vu venir combien nous étions entrés dans « la fake news à haute dose » : sa chaîne prend désormais soin de contre-attaquer toute malversation sur son logo, de déconstruire la rumeur... L’intérêt économique de ce suivi ? Il se répercute « plusieurs mois plus tard ». En attendant, ce sont « des écrans pubs supprimés et une perte de CA ».

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