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L'accord conclu le 1er février entre Google et les éditeurs de presse d'information politique et générale, sous l'autorité de l'Elysée, assure une manne financière mais ne règle rien.

Nathalie Collin (Nouvel Observateur) pour l'Association de la presse IPG (Information politique et générale), Carlo d'Asaro Biondo pour Google et Marc Schwartz, l'associé du cabinet Mazars comme médiateur, tels sont les trois protagonistes à qui l'on doit «l'événement mondial», comme dit François Hollande, d'un accord entre le moteur de recherche et les éditeurs de presse. Si le fonds pour l'innovation de la presse numérique, doté de 60 millions d'euros, a marqué les esprits, le partenariat commercial entre Google et les éditeurs de presse n'est pas moins révélateur.

Ce préaccord de trois pages, signé le 1er février et conclu pour trois à cinq ans, se veut riche en promesses afin d'aider la presse à mieux se monétiser. Il enterre la hache de guerre entre les éditeurs de presse et Google, et exclut un projet de loi créant des droits voisins au droit d'auteur sur Internet.

«On va pouvoir utiliser Google pour vendre une partie de notre inventaire publicitaire», résume Nathalie Collin. Ad Sense pour la publicité contextuelle sur les sites Internet, Ad Mob pour la publicité sur mobile et Ad Exchanges pour les enchères en temps réel: toutes les plates-formes technologiques spécialisées du géant de l'Internet seront mises à contribution. «La proposition a été faite dès le départ par Google et discutée par les éditeurs», précise la présidente de l'Association de la presse IPG et coprésidente du directoire du Nouvel Observateur. Le protocole commercial n'est pas communiqué dans ses détails. On sait néanmoins qu'il induit des accords bilatéraux et optionnels. Le but est d'aider chaque éditeur de presse d'information généraliste à se développer sur le Net et à «accroître ses revenus en ligne», selon un porte-parole de Google.

En Belgique, un accord comparable était intervenu à l'issue d'un bras de fer de six ans entre le géant du Web et les journaux belges. Selon l'AFP, il prévoyait un partenariat commercial destiné à stimuler la fréquentation des sites de ces journaux, de les aider à monétiser leurs contenus en ligne, ainsi que l'achat d'espaces publicitaires par Google auprès des éditeurs de presse. En va-t-il de même avec les sites de journaux de l'Association IPG? Selon Marc Schwartz, l'accord commercial «vise à favoriser le développement à long terme de l'audience et des revenus publicitaires de la presse en ligne».

Tout en se félicitant de l'abandon du projet de droits voisins qui ne lui paraissait pas adapté à l'univers d'Internet dans la mesure où il revenait à taxer des liens hypertextes, le Syndicat de la presse d'information indépendante en ligne (Spiil) demande que soient rendus publics les termes de l'accord. «Il ne s'agit pas d'un texte entre deux parties privées, observe Edwy Plenel, PDG de Mediapart et membre de ce syndicat, mais d'un accord réalisé sous l'autorité publique du président de la République.» Un décret du 13 avril 2012 indique d'ailleurs dans son article 7 qu'un état annuel des aides directes doit être fait et que doit être connu leur «ventilation par bénéficiaire dans le respect des affaires».

Front uni européen fragilisé

Destiné à stimuler l'innovation digitale dans les médias, le fonds de 60 millions d'euros est ouvert aux éditeurs de presse d'information politique et générale et aux «pure players» d'actualité. Nathalie Collin justifie un partage de la valeur restreint au lobby des éditeurs de quotidiens et de newsmagazine, élargi aux sites d'information, par la lettre de mission reçue du gouvernement.

Mais pourquoi ne pas être allé jusqu'au bout de l'idée d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, solution qu'Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, jugeait elle-même «extrêmement pertinente», le 17 octobre devant l'Assemblée? «On pensait au départ que ce n'était pas possible de négocier, répond Nathalie Collin. Mais Google n'a pas eu envie d'entrer dans un combat de longue haleine avec nous.» Le moteur de recherche s'est finalement montré plus conciliant sans doute en raison de l'implication de l'Elysée. A-t-il eu peur d'un projet loi comme il en existe en Allemagne? A-t-il voulu amadouer les pouvoirs publics qui veulent soumettre à l'impôt son 1,2 milliard ou 1,4 milliards d'euros de revenus nets dans l'Hexagone? En tout cas, selon Nathalie Collin, la question fiscale «n'a jamais été un élément en balance».

Quant au front uni européen face à Google, il se retrouve bien fragilisé. «Ce n'est pas le même droit d'auteur outre-Rhin, où il est limité à Google News, assure la présidente d'IPG. Mes homologues allemands, italiens considèrent que c'est un bon accord et le Portugal est intéressé.»

Après la recherche du partage de la valeur, la course aux millions? «On a un concentré de tous les maux de la presse, avec du clientélisme à partir d'un lobby dont on ne connaît pas l'intégralité des membres, une course aux subventions directes et une absence de vision stratégique qui aboutit à une palinodie alors qu'il faudrait une grande loi sur la neutralité du Net», estime Edwy Plenel, de Mediapart. Pour lui, les éditeurs «sont eux-mêmes à l'origine de la destruction de valeur dont ils se plaignent puisqu'ils ont choisi un modèle gratuit sur Internet contradictoire avec leur presse payante». Mais comme dit un dirigeant de médias hier très impliqué dans les Etats généraux de la presse, «l'accord ne règle rien à l'écosystème de l'information sur le Web, mais c'est la première fois que Google montre qu'il n'est pas indifférent au sort de la presse»... Un nouvel âge?

 

Encadré

Les journalistes tenus à l'écart

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) «constate avec regret» que ces derniers n'ont pas été associés à cette négociation, contrairement à ce qui avait été annoncé par Aurélie Filippetti. Il rappelle «qu'en tout état de cause, conformément à la loi du 12 juin 2009, toute somme perçue par les éditeurs au titre de l'exploitation d'œuvres journalistiques par des tiers autorisés a nécessairement vocation à être reversée aux journalistes du titre concerné». De son côté, le SNJ-CGT dénonce une «compensation dérisoire» et un accord «signé dans le dos des journalistes».

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