magazines
Le magazine de rock britannique se lance en France, dans un marché qui manque de souffle, celui de la presse musicale.

«Cette plaisanterie ne me fait plus rire.» «Je suis tellement seul que je pourrais pleurer.» «Tout le monde souffre.» «La fin du monde.» Parfois, les rockers sont en panne d'anti-dépresseur. Dans cette litanie tout droit venue du bord du gouffre, les amateurs auront reconnu les chansons de The Smiths («That joke isn't funny anymore»), Hank Williams («I'm so lonely I could cry»), REM («Everybody Hurts») et Skeeter Davis («The End of the World»).

 

Elles ont eu l'insigne honneur de figurer dans un top 100 culte: celui des chansons les plus tristes, publié par le magazine britannique Mojo. Un titre référent qui s'est lancé en France le 31 mars dernier.

 

Ceux qui connaissent Rob Fleming, héros monomaniaque de Haute Fidélité, le roman de Nick Hornby, le savent bien: en bons obsessionnels, les mélomanes prisent les listes. Mojo, édité par le groupe Bauer Outre-Manche fait, en la matière, preuve d'un degré de raffinement extrême: le titre s'est notamment fendu d'un top 100 des meilleures chansons engagées mais aussi d'un classement... des chansons sur les drogues – deux catégories sans doute pas incompatibles, d'ailleurs.

 

Bob Dylan, les Beatles... En couverture, le mensuel mise sur les valeurs sûres, un classicisme cohérent avec le positionnement du magazine, spécialisé dans ce que l'on appelle le «classic rock», avec des «plumes» comme Nick Kent, qui officia, un temps, en France au sein de Libération.

 

Belkacem Bahlouli, éditeur du titre en France, provient de l'«ennemi»: le magazine Rolling Stone (éditions 1633), dont il fut le rédacteur en chef de 2007 à 2010. Le titre s'est fait une spécialité du «journalisme gonzo», ce journalisme ultra-subjectif popularisé par l'écrivain-journaliste Hunter S. Thompson. «Mais je crois que les lecteurs s'en fichent pas mal du récit d'un Jean-Michel en tournée avec un groupe, ou d'un journaliste qui relate, surexcité, comment il a réussi à interviewer Paul McCartney», lâche Belkacem Bahlouli.

 

Exit le gonzo. Dans Mojo, on trouvera plutôt «du vrai journalisme factuel, qui présente l'actualité musicale à la manière d'un news». En couverture du numéro un, le retour en solo de Jack White, des Whites Stripes, mais aussi le «boss», Bruce Springsteen, un hommage au rocker-baryton Johnny Cash et, pour ceux qui furent jeunes dans les années 1990, un article sur les extasiés de Manchester, The Happy Mondays.

 

Dans le genre rétrospectif, sur le marché français, on pense évidemment au Rock & Folk piloté par l'ineffable Manœuvre. D'ailleurs, «il paraît que Philippe est furieux», s'amuse Belkacem Bahlouli, qui pense «pouvoir apporter un vrai complément» à ce magazine.

 

Au pays des Stones et des Beatles, le mensuel porte à merveille son nom, qui signifie «pouvoir magique»: en 2010, Mojo a dépassé le leader de la presse musicale, Q, avec une diffusion de 94 484 exemplaires, selon l'Audit Bureau of Circulation, alors que Melody Maker, fondé en 1926, a sombré corps et âme en 2000 et que New Musical Express (NME) n'en finit plus de voir ses ventes chuter, avec une diffusion de 38 486 exemplaires.

 

En France, le marché n'est pas des plus accueillants: Serge, consacré à la chanson française, a cessé de paraître en mars dernier après quelques numéros seulement (à vérifier), tandis que les niveaux de diffusion de la presse musicale n'excèdent pas 40 000 exemplaires, comme Rock & Folk (DFP : 34 955 ex.).

 

«Les lecteurs, on va aller les chercher un par un», annonce Belkacem Bahlouli, qui a mis en place Mojo dans les kiosques à 70 000 exemplaires. La cible? «Adulte, prête à traverser la France pour aller voir Roger Waters en concert», rugit Belkacem Bahlouli. Qui a bon espoir: «Le rock est partout aujourd'hui, même au Monoprix.» Comme le scandaient The Clash, dès 1979, «Lost in a supermarket»...

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :