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En mai, le site contributif a dépassé l’audience Internet du New York Times aux États-Unis. Il pourrait être lancé dans l’Hexagone avant la fin de l’année.

Après le Canada et le Royaume-Uni, c'est en France que le site américain contributif The Huffington Post pourrait déployer sa machine de guerre. Il y a une dizaine de jours, la fondatrice du site, Arianna Huffington, a rencontré plusieurs patrons du Web français, dont Pierre Haski de Rue 89 et Louis Dreyfus du Monde, afin d'évoquer d'éventuels partenariats. «Il semblerait qu'elle souhaite se lancer avant la fin de l'année afin de bénéficier de la dynamique de la présidentielle», estime Benoît Raphaël, consultant et créateur du site participatif Le Plus.
Au cœur de cette formidable mécanique, des centaines d'articles publiés chaque jour sur des sujets aussi divers que la politique, la finance, le cinéma ou la mode. Tous sont issus de blogs ou d'articles de médias traditionnels, repérés, synthétisés, voire créés de toutes pièces par une petite équipe de journalistes maison. C'est le principe de la «curation», une plate-forme qui rassemble les meilleurs contenus publiés en ligne sur chaque thématique. «Je ne suis pas sûr que les médias français proposent suffisamment d'articles de bonne qualité sur Internet pour que le modèle du Huffington Post puisse être le même en France», juge Éric Leser, directeur général de Slate.fr.


Epaulé par AOL

Éditorialement, le site s'est lancé aux États-Unis en 2005 comme un média très proche des démocrates, porté par la personnalité d'Arianna Huffington. Un positionnement difficilement reproductible en France. «Le Huffington Post aura besoin d'une grosse personnalité pour incarner ce site dont la marque n'existe pas aujourd'hui, excepté dans le petit microcosme des médias parisiens», souligne Benoît Raphaël. Rien d'insurmontable au vu du lancement de Slate il y a deux ans, porté par l'ancien patron du quotidien Le Monde, Jean-Marie Colombani.

Enfin, le site aux 35 millions de visiteurs uniques mensuels devrait pouvoir compter sur les importants moyens du portail Internet AOL, qui l'a racheté au début de l'année, et dont l'objectif est de remettre un pied en Europe, un an et demi après avoir fermé la quasi-totalité de ses bureaux sur le Vieux Continent.

 

L'avis de quatre experts: 

 

Un journaliste
Non.
Frédéric Filloux, éditeur du Monday Note

«Je doute que le Huffington Post puisse vraiment marcher en France. Ici, le marché de l'information en ligne est tout petit et son rendement intrinsèque est faible. Le site d'Arianna Huffington, fondé notamment sur le "repackaging" d'articles publiés par d'autres médias, risque aussi de se heurter à un problème de droits d'auteur. En France, le droit de citation est plus restrictif que le "fair use" aux États-Unis. Il lui faudra donc trouver un accord avec les journaux français.»

 

Un publicitaire
Sans doute.
Vincent Leclabart, président de l'agence Australie
«Bien que tout jeune, le marché français compte déjà beaucoup d'acteurs. Pour autant, je pense qu'il y a encore de la place pour le Huffington Post, à condition qu'il se lance maintenant. Le site bénéficie d'une bonne ergonomie et d'une certaine réputation, portée par la publicité très forte que lui font les sites d'information français. Cette fascination pourrait changer si le Huffington Post se lance vraiment ici. Il devra en tout cas trouver des moyens éditoriaux pour se distinguer.»

 

Un analyste

Oui.
Mats Carduner, PDG de Fifty five, société de «business analytics marketing»
«La perspective d'un lancement du Huffington Post en France représente une lueur d'espoir formidable pour les médias numériques français. C'est un site qui est très en avance dans son domaine, par son modèle collaboratif, son utilisation des médias sociaux, tout en gardant une équipe de vrais journalistes. Il devrait donc faire bouger les lignes et donner de l'ambition aux autres médias. Reste le problème de la marque Huffington Post, qui fait très journal américain.»

 

Un sociologue des médias
Probablement.
Jean-Marie Charon, chercheur au CNRS
«De Rue 89 à Agoravox en passant par Le Post, beaucoup de "pure players" se sont lancés en France sur le créneau du participatif. Cela prouve qu'il s'agit d'un marché porteur. Et je ne pense pas qu'il soit saturé. Au contraire, le Huffington Post pourrait s'imposer comme le grand opérateur qui balayera le marché après avoir choisi un partenaire dans le vivier des sites existants. Mais difficile de savoir tant le secteur est dominé par l'incertitude.»

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