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Les salariés de La Tribune s'opposent à leur direction qui cherche à doubler la part du journal réalisée par des experts et des collaborateurs extérieurs.

La Tribune va-t-elle devenir un journal où la place du journaliste se résume à la portion congrue? C'est la question que se pose sa rédaction après avoir appris que son PDG, Valérie Decamp, voulait porter de 15 à 25% la part des contributions extérieures. Il ne s'agit, pour l'heure, que de passer de 4 à 6 pages la partie «éditoriaux et opinions» sur un total de 32, mais il est question de réduire la pagination à 24 pages... La patronne se refuse à tout commentaire, on devine toutefois son raisonnement: contrainte de recapitaliser La Tribune à hauteur de 15 millions d'euros (après un déficit de 9 millions en 2010), elle doit impérativement donner des gages à d'éventuels investisseurs.

 

Motion de défiance

En clair, quoiqu'elle s'en défende, il s'agit de couper dans les effectifs pour préparer le basculement du journal vers un quotidien 100% numérique. Entre 20 et 25 postes sont concernés, dont 15 au service édition. Inacceptable pour les salariés qui se disent déjà très affectés par une trentaine de départs depuis juillet 2010, soit presque un tiers de la rédaction (80 cartes de presse). Quant à la solution proposée, le recours aux contributeurs, elle paraît en décalage avec le métier: «Je ne vois pas ce que les lecteurs pourraient y trouver d'intéressant», estime David Larbre, délégué SNJ de La Tribune.«Très à la mode, l'augmentation des contributions extérieures (...) pose un risque majeur à l'élaboration d'une information indépendante», s'inquiète la Société des journalistes.

 

La démission surprise, début mai, du directeur de la rédaction François Lenglet et de ses deux adjoints, Olivier Provost et Pierre-Angel Gay, laisse pour l'instant le navire sans gouvernail. Conséquence, la rédaction s'est mise en grève, le 4 avril, empêchant la parution du journal le lendemain, et de nouvelles menaces d'arrêt de travail planent sur le titre. Le 9 mai, les journalistes ont adopté à 97% une motion de défiance à l'encontre de la direction générale du titre, provoquant la colère de Valérie Decamp.

 

Pour calmer les esprits, la présidente de La Tribune pourrait recruter à l'extérieur, pour une mission transitoire, un conseiller chargé d'élaborer un projet éditorial. Le nom de François Roche, ancien patron de la rédaction de L'Expansion et de La Tribune, circule avec insistance. Dans un deuxième temps, Philippe Mabille, rédacteur en chef des pages Opinion, pourrait succéder à François Lenglet. Une façon de raviver des inquiétudes...

 

(hors textes : 3 experts)

 

Un représentant du personnel
Pas comme ça.
Jean-Christophe Chanut, secrétaire du comité d'entreprise de La Tribune
«Dans l'absolu, les contributions extérieures peuvent être un “plus” pour un journal car elles apportent un éclairage intéressant sur l'actualité. En revanche, ce n'est plus la même chose lorsqu'elles servent à pallier le manque d'effectifs de la rédaction. Un professeur d'économie ne sera pas aussi réactif qu'un journaliste pour décrypter les chiffres du chômage. Sans parler du temps nécessaire pour relire ces contributions afin qu'elles ne virent pas au publi-reportage.»

 

 

Un éditeur de magazine en ligne

Non.
Éric Leser, directeur général de Slate.fr
«Il est possible de faire un magazine avec des contributions extérieures mais, pour un quotidien, c'est une autre histoire. Pour sortir un journal tous les jours, il faut une rédaction fournie, capable de donner l'information, de la mettre en perspective, de la hiérarchiser. Ce serait difficile de le faire faire par des personnalités extérieures. Un magazine en revanche est moins dans l'immédiateté, plus dans l'analyse. Il dispose donc de plus de temps pour proposer des angles originaux.»

 

Un patron du numérique

Oui et non.

Benoît Sillard, PDG de CCM Benchmark

«Pour des journaux en ligne, il n'y a pas de contre-indication ni de limite à ces contributions. C'est une source de richesse. Les gens vont sur le Net pour trouver des blogs et des points de vue. Un paradigme qui permet de jouer à fond les avis d'experts. Mais, pour la presse papier, en raison de la limitation de la pagination, cela doit rester l'exception. Les journaux ont intérêt à aller sur le terrain de l'investigation et de la mise en contexte pour apporter quelque chose. Cela se fait inévitablement avec des journalistes.»

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