La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) invite les internautes utilisateurs du réseau communautaire Facebook à la «prudence» lors de l'installation de son nouveau service de géolocalisation, estimant que la confidentialité n'est pas optimale, a rapporté l'AFP mercredi 20 octobre. Elle «demande à Facebook d'améliorer les paramètres de confidentialité et l'information des personnes afin que la vie privée soit mieux garantie sur ce réseau social». En attendant, la Cnil «invite les internautes à la prudence en matière de paramétrage de cette application», dans une recommandation mise en ligne sur son site (www.cnil.fr/la-cnil/actualite/).
INTERVIEW Alex Türk, président de la Cnil : «Il faut légiférer»
Pourquoi la géolocalisation est-elle dangereuse?
Alex Türk. C'est pire que Big Brother, car dans 1984, le roman de George Orwell, le système de contrôle dépendait d'une seule organisation dictatoriale. On savait à qui l'on avait affaire. Là, avec les milliers de systèmes de géolocalisation différents, il n'y a plus aucun contrôle. Et en plus, c'est irréversible. C'est d'autant plus effrayant que, demain, les nanotechnologies permettront une miniaturisation telle que la géolocalisation sera totalement invisible. Comment fera-t-on pour dire stop? Jusqu'au début 2010, je considérais que la Cnil devait faire face à quatre problèmes principaux: la vidéosurveillance, la biométrie, la géolocalisation et les réseaux. Aujourd'hui, la géolocalisation est devenue notre priorité absolue car elle est présente dans tous ces systèmes à la fois, soit comme objet, soit comme effet.
Recevez-vous beaucoup de plaintes?
Alex Türk. Non, et c'est justement ce qui m'inquiète. Les salariés ne se rendent pas compte du danger. Souvent, ils demandent eux-mêmes à se faire géolocaliser, sans bien sûr en mesurer les conséquences. Car un particulier qui décide, à titre personnel, d'opter pour cette surveillance pourra en pâtir à titre professionnel. Bien souvent, le chef d'entreprise n'y avait même pas pensé! Quant aux organisations syndicales, elles semblent dépassées par ce problème - peut-être parce qu'elles ont d'autres préoccupations.
Que faites-vous pour endiguer ce phénomène?
Alex Türk. Je milite auprès des parlementaires et des membres du gouvernement pour qu'ils se saisissent du problème. Notre mission consiste à alerter face au développement de ce système dangereux pour la protection des libertés individuelles. Ce n'est pas parce que la technologie est disponible et que les applications existent que l'on doit les utiliser. Il faut un débat, une réflexion, et que cela aboutisse à une loi pour encadrer, voire interdire la géolocalisation. Même si je pense que cela sera compliqué, ce système dépassant les frontières. Parfois, les données sont conservées à l'autre bout du monde!
Entretien : Gilles Wybo
(Interview parue dans Stratégies n° 1605 du 14 octobre 2010)