Est-il encore possible de gagner de l'argent avec un quotidien national ? La question est lâchée après une année 2009 où la quasi-totalité des éditeurs de presse quotidienne nationale payante (PQN) ont perdu de l'argent, malgré l'ambitieux plan d'aide mis en place à l'issue des états généraux de la presse écrite, qui s'est traduit notamment par une hausse de 47,2% des investissements publicitaires de l'Etat dans la presse, à 28,8 millions d'euros.
Seul le journal La Croix, qui a réussi à maintenir sa diffusion, est parvenu à équilibrer ses comptes, «mais notre site Internet reste en perte» reconnaît Arnauld de La Porte, son directeur adjoint.
A L'Equipe, on visait aussi l'équilibre, mais avec un recul d'environ 20% de la publicité, son directeur général, François Morinière, reste prudent. «Il est très difficile de dire si le quotidien sera à l'équilibre en 2009 car les comptes ne sont pas clos. Mais la marge opérationnelle sera positive», affirme-t-il.
Si Les Echos sont parvenus à stabiliser leur diffusion, la baisse de 25% de leurs recettes publicitaires a fait basculer leurs comptes dans le rouge, à hauteur de 11 millions d'euros, selon des sources internes non confirmées par la direction. La Croix a limité la baisse de sa publicité à 8%, mais elle ne représente qu'environ 10% de son chiffre d'affaires.
Libération limite aussi la casse, avec une perte d'exploitation d'environ 100 000 euros, malgré une diffusion en chute de plus de 10%. A L'Humanité, le déficit grimpe à 2 millions d'euros.
Avec une chute des recettes publicitaires estimée à 19% et une diffusion en recul de 7%, l'année 2009 a été particulièrement rude pour la PQN. Mais la situation n'est pas nouvelle. «Depuis les années 1970, il n'y a plus de véritables entreprises de presse, mais des entreprises sous perfusion, souligne Patrick Eveno, historien de la presse et maître de conférences à Paris I. Aujourd'hui, on peut considérer qu'environ un quart des coûts de la presse quotidienne nationale sont couverts par les d'aides directes ou indirectes de l'Etat. Cette part peut monter jusqu'à 30 à 35% pour les quotidiens à faibles recettes publicitaires, comme L'Humanité ou France Soir», détaille-t-il. En 2010, l'Etat s'est engagé à augmenter de 51% le montant de ses aides directes à la presse, à 419 millions d'euros, contre 278 millions en 2009.
Relances éditoriales
Conséquence directe de la baisse de diffusion des quotidiens, Presstalis (ex-NMPP) est lui aussi confronté à des difficultés financières majeures. Le gouvernement a confié mi-janvier à Bruno Mettling, inspecteur général des finances, une mission d'étude des conditions d'un soutien exceptionnel de l'État à Presstalis.
Pourtant, nombre d'éditeurs ne désespèrent pas de retrouver l'équilibre en misant notamment sur des relances éditoriales. Après les nouvelles formules du Figaro, de Libération et de L'Humanité, l'année 2010 sera ponctuée par celles du Parisien-Aujourd'hui en France le 26 janvier (lire page 31), de France Soir en mars, suivie, avant la fin de l'année, par celles de La Croix et peut-être des Echos. «Hors le phénomène de conjoncture, je ne pense pas que l'équilibre des comptes soit quelque chose d'inaccessible pour la PQN», affirme Jean-Marie Charon, chercheur au CNRS.
Les lecteurs seront-ils au rendez-vous ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité que, selon le baromètre de confiance dans les médias de TNS-La Croix (janvier 2010), seules 7% des personnes interrogées pensent que la presse payante deviendra une source d'information plus importante d'ici à dix ans… et 60% estiment qu'elle sera moins lue.