La semaine vue par...
Cofondateur et directeur de la publication d’Atlantico, Jean-Sébastien Ferjou commente pour Stratégies l'actualité de la semaine.

Patrick Drahi va rapprocher ses activités médias de SFR.

Jean-Sébastien Ferjou. Je suis réservé sur cette stratégie de rapprochement des tuyaux et des contenus, qui me rappelle la démarche de Jean-Marie Messier avec Vivendi au début des années 2000. Derrière cette logique industrielle, les métiers de création de contenus restent complexes à opérer. Il y a un vrai risque d’uniformisation des contenus. On le voit avec Netflix, qui produit la série House of Cards: il faut des programmes forts qui justifient l’abonnement, et je ne suis pas certain que ce type de rapprochement permette de produire des contenus qui vous titillent.

 

Vincent Bolloré menace de fermer Canal+ si les résultats de la chaîne ne s’améliorent pas.

J.-S.F. J’y vois plus l’envie d’envoyer un signal fort qu’une menace réelle. Vincent Bolloré a voulu créer un électrochoc auprès de ses équipes. Mais c’est vrai que l’époque a changé, et dans un univers qui change très vite, ceux qui ne s’adaptent pas sont vite dépassés. Canal+ a longtemps proposé des plages en clair pour que les gens s’habituent et prennent goût à cette nouvelle chaîne. Le clair a permis d’installer une vraie identité. Aujourd’hui, cela ne permet plus de déclencher l’abonnement. La chaîne n’a plus besoin de ce produit d’appel, elle a besoin de contenus forts.

 

L’affaire de la gifle de Joey Starr dans l’émission de Cyril Hanouna sur D8.

J.-S.F. La séquence n’est pas très drôle et je trouve qu’il y a une hypocrisie de la part de Cyril Hanouna à surjouer le scandale. Ce qui était recherché, c’est le buzz, et le buzz n’est pas quelque chose qui se maîtrise toujours. Mais c’est une bonne piqûre de rappel pour les médias: à regarder le record de tweets que la séquence a généré, ça a réellement intéressé les gens. Il y a moins de disproportion entre le temps médiatique consacré à cette affaire et l’intérêt du public que dans le cas de Nuit debout, sur laquelle les médias en font incroyablement trop, par paresse intellectuelle. Nuit debout n’est que l’écran sur lequel se projette le malaise qui touche le pays, ce n’est ni l’expression de ce malaise, ni la cristallisation d’une vraie revendication. C’est plus facile pour les médias de se rendre place de la République que de chercher à comprendre ce malaise en allant à la rencontre des gens sur le terrain.

 

L’audience des radios généralistes globalement en baisse en janvier-mars, selon Médiamétrie.

J.-S.F. Cela reflète une forme de désintérêt des gens pour l’actualité, qui fait beaucoup de surplace, en plus d’être assez anxiogène. En dehors d’événements comme Charlie Hebdo ou les attentats du 13 novembre, l’actualité a été assez répétitive ces derniers mois, comme par exemple autour de la loi El Khomri. Même en tant que débateur à la radio ou à la télévision, comme dans mon cas, c’est parfois lassant de revenir toujours sur les mêmes sujets. C’est la même chose pour les auditeurs de radio.

 

Les cinq ans d’Atlantico.

J.-S.F. Pour créer une marque nouvelle, nous étions obligés d’être différents. Nous le sommes par notre démarche éditoriale: nous identifions les questions qui se posent dans l’actualité et nous trouvons les experts qui y répondent le mieux. Ce que nous faisons, c’est du «raisonnement checking», pas du fact-checking, qui est une démarche stérile puisqu’un chiffre sorti de son contexte ne veut rien dire. Nous, nous soupesons les arguments échangés dans le débat public, nous regardons derrière les moyennes et les discours automatiques.

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