Marcel Botton, fondateur de Nomen, et Corinne Bessis, dirigeante de Bessis, deux agences de naming reconnues, décortiquent les signifiants et les signifiés des marques Renaissance et Nupes.
« À la différence des marques commerciales, les marques politiques ne peuvent pas prospérer sur des marchés de niche. Elles visent à attirer à soi le plus grand nombre pour obtenir la majorité », cadre d’emblée Marcel Botton, fondateur de Nomen et auteur du livre Les hommes politiques sont des marques comme les autres (Éd. du Moment 2008). Selon lui, « Renaissance s’inscrit dans une tradition des partis politiques français adoptant régulièrement des noms descripteurs » et a « le mérite d’être un véritable mot et pas un sigle ».
Deuxième point positif : le contenu, qui renvoie à des notions mélioratives, que ce soit « la période historique faste ou l’idée de renouveau ». Autre aspect crucial : la capacité à fédérer. « S’il y a un sens, et c’est le cas ici, il doit être très ouvert afin de ne pas enfermer. À cet égard, Renaissance fonctionne, estime-t-il. Si la République en marche a rempli sa mission, cette marche doit mener quelque part. Il faut afficher le résultat. Dans cette logique, un changement de nom peut s’avérer opportun, Emmanuel Macron n’ayant guère d’autre option pour élargir son électorat. »
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« Nupes part, de son côté, d’une page blanche et il va falloir du temps pour écrire son histoire et construire son image », jauge Marcel Botton, pointant une prononciation qui fait débat au sein même de l’alliance. « Faut-il dire “Nups”, “Nup” ou encore “Nupès” ? », s’interroge-t-il. Quant au paysage politique français, pas de doute. « Le renouvellement s’est accéléré avec une forme de prime à la nouveauté. La raison est peut-être que les marques politiques s’usent plus vite que les marques commerciales. Elles fluctuent au gré de ceux qui les dirigent et de leurs décisions, renforçant une image déjà floue auprès des Français », souligne-t-il.
Pour Corinne Bessis, dirigeante de Bessis, « Renaissance ou Nupes correspondent à une régression ». La première est un mot « fort mais qui ne se justifie pas, loin d’être original et qui ne correspond pas à la réalité ». En ce sens, « ce changement affaiblit encore le mouvement, sachant que LREM était déjà inférieur à En Marche, qui s’accompagnait d’un imaginaire détonnant par rapport aux pratiques de la communication politique ». Par ailleurs, parler de renaissance sème le doute. « Renaissance vis-à-vis de quoi ? Ce qui a été accompli par l’exécutif ? Sous cet angle, cela correspond à un constat d’échec », développe-t-elle.
« Concernant Nupes, il fallait un nom pour cette nouvelle alliance. Ce choix est logique, clair dans son expression et conforme à la réalité. En revanche, c’est tout sauf imaginatif. En choisissant un sigle, il y a le risque de basculer dans un esprit strictement rationnel, sans âme. On remarque d’ailleurs que c’est plus l’idée d’union que le nom qui reste dans les esprits », pointe-t-elle. Au-delà, c’est tout un marché qu’il faut questionner selon elle. « Quand un secteur est en difficulté, cela se reflète dans les changements de noms. Or l’intérêt pour le politique s’effrite avec ces changements constants ». Quant à l’idée d’une solution miracle, elle est le plus souvent contre-productive. « Une bonne marque dure trente ans », assène-t-elle.
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