À l'unanimité, les jurés du Grand Prix Stratégies de la publicité ont décerné la récompense suprême au film de Marcel pour Orange promouvant le football féminin. Lauréate du Grand Prix Film aux Cannes Lions, la campagne pourrait bien être la plus primée au monde cette année.
C’étaient peut-être les délibérations les plus courtes de l’histoire du Grand Prix Stratégies de la publicité. Cinq minutes, montre en main, pour élire le film Orange-Les Bleues Grand Prix Stratégies de la publicité 2023. Lors des délibérations, en juin dernier, à Honfleur, le jury, présidé par Gaëtan du Peloux, CCO et CEO de Marcel, brillait par son unanimité. « Il n’y a aucun débat, s’accordaient à dire les jurés. Il ne s’agit pas seulement de la meilleure publicité française, mais de la meilleure pub internationale. » Le jury cette année avait un petit parfum d’international puisque Gaëtan du Peloux avait invité Richard Brim, chief creative officer d’Adam&Eve DDB, et les délibérations se sont donc déroulées en anglais. « Le gagnant est si simple et si intelligent, si efficace dans l’exécution, saluait le créatif britannique. Cette création m’a rendu très jaloux ! »
Quelques mois après, le spot fait une véritable razzia. Grand Prix Film à Cannes, 13 Lions, Clios, Best of Show, Eurobest, Black Pencil aux D&AD... « Je pense que c’est la campagne qui a raflé le plus de prix dans toute l’histoire d’Orange », souligne Quentin Delobelle, directeur de la communication commerciale d’Orange. Comme le résume Pascal Nessim, coprésident de Marcel : « Le succès incroyable de cette campagne, c’est surtout la conséquence d’un état d’esprit collectif, d’une culture très ouverte, très open sourcée, qui prend du plaisir à challenger la publicité. »
À l’origine de cette campagne, le désir, relate Quentin Delobelle, « de comprendre l’acceptation du football féminin par les Français. Chez Orange, une des trois entreprises du CAC 40 dont la patronne est une femme, le football féminin est un sujet chevillé au corps et au cœur. Et là, on a ouvert une boîte de Pandore. Nous sentions que nous partions de très loin pour faire connaître l’Équipe de France féminine, car soit les gens s’en désintéressaient, soit ils critiquaient avec virulence le football féminin. » Marcel propose plusieurs pistes, dont Les Bleues. « Celle-ci m’a instantanément saisie, confie Quentin Delobelle. Mais nous avons réfléchi aux retombées : n’allait-on pas nous reprocher de passer par les hommes pour faire parler des femmes ? Mais nous avons vite compris que c’était surtout un moyen de prendre les machistes à leur propre piège... »
Buzz mondial
« Lorsqu’Orange nous a briefés, nous sommes assez vite partis sur la piste du deepfake, raconte Youri Guerassimov, CCO et CEO de Marcel. Puis, nous avons étudié une démarche orientée IA, mais ce n’était pas la meilleure solution. Avec la société de production Prodigious, nous avons donc travaillé avec le logiciel Flame, en remplaçant les visages féminins à la main après avoir compilé des heures et des heures de football... Beaucoup de travail de détourage, image par image... Par exemple, il s’agissait de redessiner les corps, les hanches, etc. : Mbappé ne peut pas avoir le corps d’une femme... »
Après le lancement du film, les réactions ont dépassé client et agence. « Lorsque nous nous sommes réveillés, les réactions venaient d’Australie, de Californie... se souvient Quentin Delobelle. 500 000 retombées dans 91 pays, 2 milliards d’impressions, 50 millions de “likes”... Là, nous nous sommes dit que nous allions parvenir à faire bouger les lignes. »
Le Grand Prix Stratégies clôt la saison des trophées alors que vient de sortir, toujours avec le principe de deepfake, un film pour les Jeux paralympiques. Une démonstration objective tout autant qu’émotionnelle : les coureurs paralympiques ont été plus rapides que les valides. « Il y a un petit côté chauvin dans le fait de se dire que la France gagne, mais Orange-Les Bleues pourrait bien être le projet publicitaire le plus primé cette année », annonce Youri Guerassimov. Une occasion de savourer encore un peu plus le succès, comme ne s’en prive pas Pascal Nessim : « Sortir une campagne comme les Bleues à 50 ans, c’est quand même bien plus satisfaisant que d’avoir une Rolex. »
Quentin Delobelle, directeur de la communication commerciale d’Orange
« Cette campagne, c’est ma plus grande fierté professionnelle. Au-delà des récompenses, ce qui me satisfait le plus, ce sont les réactions des jeunes filles, le fait que la campagne fasse bouger les mentalités. Nous avons lancé une étude, à la suite de cette campagne, qui montre que 92% des Français pensent que le spot peut donner envie de s’intéresser au football féminin, 91% que ce film peut faire prendre conscience des préjugés sexistes de la société,et 92% que la campagne peut donner aux jeunes filles confiance en elles. Anecdote incroyable : certains lycées ont décidé de faire de la campagne un outil pédagogique dont l’un d’entre eux est situé... en Californie, dans le Comté d’Orange ! »