Directrice générale de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris (Paris je t’aime), Corinne Menegaux expose ses enjeux à moins de deux mois des Jeux olympiques de Paris 2024, qui impliqueront aménagements et adaptations pour les professionnels du tourisme.

A deux mois des Jeux, quel est votre priorité du moment ?

Nous menons un travail d’information des acteurs du tourisme, notamment sur les effets des Jeux et l’aménagement de l’activité. Nous jouons le rôle de courroie de transmission entre le Cojo, les pouvoirs publics, la préfecture de police, la Ville… et les acteurs privés. Cela avait aussi été le cas pendant le covid. Il y a de gros groupes très organisés et de nombreux petits indépendants [qui n’ont pas tous le même besoin en information]. C’est un enjeu majeur y compris en termes d’accueil des clients.

Il s’agit moins de rassurer que d’accompagner sur la partie logistique. D'accompagner, par exemple, ceux qui se situent dans les zones où se joueront les épreuves. Pour cela, nous échangeons lors d'un call tous les mois, initié pendant le covid, parfois ouvert y compris aux non adhérents. Ainsi que des newsletters, des formations, un centre de ressources… toute la panoplie d’outils nécessaires. Les questions portent, par exemple, sur la façon de réaliser leurs livraisons, sur s’ils vont pouvoir ou non ramener leurs clients de l’aéroport…

Aujourd’hui, tout le monde est dans un état d’esprit positif – nous avons réussi à les entraîner dedans. En même temps, nous savons que nous aurons un public touristique différent de d’habitude l’été, composé surtout de Franciliens ou de nationaux. Notre travail est aussi de gérer cette distorsion d’image des Jeux, qui serait très internationale, mais en fait, de ce point de vue, pas tant.

Sur les JO, nous accueillerons 13 % d’étrangers (sur 11,3 millions de visiteurs). Les 86,7 % de nationaux seront pour moitié des Franciliens. Ce public, on ne le connaît pas.

Un Francilien ne vient pas pour aller dans les monuments. « Seulement » 25 % des visiteurs possèdent des billets pour les Jeux. Ils vont profiter des célébrations et autres activités autour du sport. Les acteurs culturels savent qu’ils ne feront pas plus d’entrées que d’habitude et qu’ils auront un public un peu différent. En Londres, pendant les Jeux de 2012, il y a eu -15% de visiteurs dans les musées et les centres culturels.

Comment communiquez-vous pour déjouer les idées reçues sur Paris pendant les Jeux (il sera difficile de circuler, de se loger…) ?

C’est notre deuxième priorité : l’expérience visiteur. Cela fait partie de notre travail de réassurance. Aujourd’hui, si vous venez à Paris, tout est ouvert, accessible. On passe notre temps à combattre l’idée qu’il n’y aura pas de place pendant les Jeux. Le début d’année à Paris s’est bien passé en termes de fréquentation, en juin-juillet cela va devenir un peu plus compliqué (c’est l’effet Jeux) même si cela restera praticable.
Le gros de la communication est vis-à-vis de nos acteurs, pour qu’ils relaient les bonnes infos. D’où le lancement du Manifeste de l’hospitalité [un manifeste qui expose des engagements, déclinés par secteurs d’activité, pour construire un tourisme durable et responsable]. D’où aussi la création de la webapp Paris je t’aime [proposant cartes, informations, options de mobilité…]

Nous avons également développé un réseau d’information touristique via un partenariat avec les kiosquiers et les bureaux de poste. C’est une première. Cela a démarré en janvier avec les kiosques (32 participants), en mai avec les postes. On promeut la webapp, on forme les équipes, on anime le réseau. Les kiosquiers font déjà beaucoup ce travail. L’idée est de formaliser leur démarche et de leur donner des outils pour les aider.

Quel travail menez-vous sur l’image de marque de Paris en lien avec les Jeux ?

On ne choisit pas une destination par hasard. Quand on choisit Paris, on veut vivre comme un parisien, découvrir ses quartiers, ou c’est parce qu’on est d’accord avec les évolutions de la ville… En 2021, avaient été lancées les Assises du tourisme durable, dans une logique de mieux vivre la ville. Les Jeux accélèrent cette logique. Quand des épreuves se déroulent dans la Seine, cela fait partie dans la transformation de la ville. C’est encore plus vrai dans le tourisme d’affaires.

Autre chose : nous avons beaucoup de visiteurs qui reviennent (seulement un tiers de primo-visiteurs). Pour eux, on met aussi en avant le savoir-faire local, les artisans, etc., à travers, par exemple, le festival Paris Local en novembre [sur l’artisanat du Grand Paris].

Comment les Jeux vous avaient ces derniers mois conduit à réorganiser le calendrier des événements et manifestations parisiennes ?

Tous les événements jusqu’à mi-juillet ont été maintenus. Par exemple, Japan Expo se tiendra du 11 au 14 juillet. Les Fashion Weeks auront bien lieu en juin - avec bien sûr un calendrier un peu aménagé. A la rentrée, cela redémarrera vite, avec Maison & Objet du 5 au 9 septembre, le salon sur la mode Who’s Next du 8 au 10 septembre. L’été, en réalité, il se passe très peu de choses. Les congrès tournants tels que les congrès médicaux ont plutôt évité Paris en 2024 et choisi de venir en 2023 ou 2025. Ce ne sont pas des annulations. Simplement, ils sont venus ou viendront sur une autre année.

Quelles traces laisseront les Jeux sur vos façons de fonctionner et de communiquer ?

Pas de révolution. Les Jeux sont un accélérateur pour l’ensemble de nos sujets, comme la communication de proximité. Aussi, ils créent une envie collective, celle de se projeter dans un projet que l’on porte tous ensemble.

On n’a rien fait que nous ne garderons pas après les Jeux. La webapp Paris je t’aime sera pérenne. Le Manifeste de l’hospitalité engage le secteur vers un tourisme plus durable. Même s’il y aura peut-être, par ailleurs, un peu moins de bureaux de poste dans le dispositif.

Avec ces stades « dans » Paris [avec la cérémonie d’ouverture] et en dehors de Paris, nous aurons aussi une vision du territoire un peu différente, une vision du territoire métropolitain. Nous avons récemment sorti le Cartoville du Grand Paris avec Gallimard.

Enfin, sur le sujet de l’accessibilité, les Jeux ont permis d’accélérer la prise de conscience et la transformation. Nous avons conçu une version adaptée de Paris je t’aime, pour choisir ce qui est accessible ou pas selon son handicap.

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