Comment parler des JO lors des dîners en ville ou en famille ? Céline Jobert, présidente de The Fan Syndicate, a exploré les arguments des pro et des anti-JO.
À l'approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, les discussions s'animent, opposant l'enthousiasme à la prudence. Cet article, enrichi par les interviews de Michaël Jeremiasz, quadruple médaillé paralympique et chef de mission de la délégation française, et de Sven Daniel Wolfe, géographe spécialisé dans l'impact des méga-événements, offre cinq arguments favorables et cinq réserves concernant l'organisation des Jeux. Un guide essentiel pour alimenter vos débats entre amis, en famille ou au travail, offrant des insights pertinents pour chacun des camps.
Les arguments favorables
1. Un levier pour l'inclusion
Les JOP (Jeux olympiques et paralympiques) sont un accélérateur des politiques publiques et des investissements associés en faveur de l'inclusivité et du soutien aux personnes handicapées. Ils améliorent l'accessibilité urbaine et soutiennent la pratique sportive universelle. « La visibilité accrue des athlètes paralympiques favorise la sensibilisation au handicap et contribue à déconstruire les préjugés », explique Michaël Jeremiasz. L'exemple des Jeux de Londres de 2012, générant un million d'emplois pour les personnes handicapées, illustre l'impact significatif et durable des Jeux en matière d'inclusion sociale.
2. Un moteur de changement social
Paris 2024 est un puissant levier politique et social, démontrant que le sport et ses vertus sont accessibles à tous. En mettant en lumière des athlètes de tous horizons, ces Jeux offrent des figures inspirantes et modèles pour la société. L'importance accordée au sport, au-delà de la compétition, souligne «son rôle crucial en tant qu'enjeu de santé publique, promouvant un mode de vie sain et actif», complète Michaël Jeremiasz. Par ses initiatives et notamment le programme «Impact 2024», Paris 2024 vise à renforcer le lien social et à lutter contre les inégalités, en démontrant que le sport est un terrain d'égalité et de fraternité. Ce focus exceptionnel sur le sport incite à une prise de conscience collective et se traduit par «un soutien financier accru envers les associations qui utilisent le sport comme un outil d'éducation et d'intégration», précise Michaël Jeremiasz, marquant une étape significative dans la promotion de l'égalité et de la cohésion sociale.
3. Le début d'une ère de durabilité pour les méga-événements
«Paris 2024 s'annonce comme les Jeux les plus écoresponsables à ce jour», précise Sven Daniel Wolfe, marquant un tournant décisif en matière de durabilité. Ces Jeux visent à diviser par deux leurs émissions de CO2 par rapport aux éditions précédentes, illustrant un engagement profond en faveur de l'environnement. En favorisant les infrastructures existantes, en s’inscrivant dans une démarche d’économie circulaire, en utilisant exclusivement des énergies renouvelables au lieu des générateurs diesel pour les stades, et en bâtissant un village des athlètes avec une ambition bas carbone, Paris 2024 met en avant son engagement pour la planète. La restauration, axée sur des circuits courts et une stratégie ambitieuse de réduction des déchets, ainsi que l’engagement pour la compensation carbone souligne l'engagement des Jeux «à promouvoir un modèle durable à suivre pour les éditions futures», affirme Sven Daniel Wolfe, démontrant qu'il est possible d'allier excellence sportive et responsabilité environnementale.
4. Une célébration mondiale des valeurs humanistes
«Les Jeux olympiques offrent une plateforme unique pour promouvoir et défendre des valeurs humanistes à travers le monde», précise Michaël Jeremiasz, transformant chaque édition en une célébration de l'égalité, de la fraternité et de la tolérance. En mettant en avant la diversité et en banalisant la différence, les Jeux encouragent une société où, notamment, les personnes handicapées sont traitées avec le même respect et la même dignité que les autres. «Cette approche a un impact profondément positif sur la mémoire collective», ajoute Sven Daniel Wolfe, en inscrivant des moments de joie et de célébration collective dans le cœur de millions de personnes à travers le globe. En incarnant ces valeurs, les Jeux olympiques ne sont pas seulement un événement sportif, mais un mouvement qui inspire le monde entier à œuvrer pour un avenir de paix, plus inclusif et harmonieux.
5. Un héritage de mobilité durable et d'élan sportif
L'héritage des Jeux olympiques se manifeste à travers une transformation des infrastructures urbaines, notamment les transports en commun, alignant la croissance des villes sur les ambitions des Jeux, comme en témoigne le projet du Grand Paris par exemple. « Le développement de 3000 clubs inclusifs marque un pas important vers une société plus ouverte et accessible au sport pour tous », précise Michaël Jeremiasz. Quant à l'accélération de la pratique sportive dans les années suivant les Jeux, notamment soutenue par les marques partenaires qui s'engageraient sur le long terme, le sujet reste incertain. «Bien que l'optimisme prévaut, l'impact réel des Jeux sur l'engagement sportif de la population nécessitera une évaluation future», modère Sven Daniel Wolfe. Cet héritage, riche de promesses, invite donc à une observation attentive dans les années à venir pour en mesurer l'ampleur véritable.
Les réserves
1. L'inclusivité : entre avancées et handiwashing
L'inclusivité, mise en avant lors des Jeux olympiques, soulève une question cruciale : « celle de l'effet pervers du “handiwashing” », évoque Michaël Jeremiasz, où l'attention portée aux personnes en situation de handicap semble s'évaporer après l'événement, laissant craindre une instrumentalisation de la cause. Bien que les efforts en matière d'accessibilité soient louables, « ils sont insuffisants pour répondre pleinement aux besoins quotidiens des personnes handicapées », complète Michaël Jeremiasz. Cette situation souligne une autre interrogation fondamentale : « Pourquoi attendre un événement d'envergure mondiale pour initier des changements nécessaires depuis longtemps ?», se demande Sven Daniel Wolfe. Cette réflexion met en lumière le risque que l'inclusivité ne soit traitée que comme un sujet ponctuel, plutôt que comme une priorité constante et intégrée dans le développement social et urbain à long terme.
2. Entre grandeur et défi écologique
Paris 2024 s’annonce comme l'édition la plus spectaculaire des Jeux olympiques, attirant un nombre sans précédent d'athlètes, médias et spectateurs. Cette grandeur interroge toutefois sur son empreinte écologique. Malgré l'engagement pour « des JO les plus verts », visant à réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport aux précédentes éditions, l'impact environnemental reste conséquent. Les Jeux sont prévus pour générer 1,58 million de tonnes de CO2, équivalent aux émissions annuelles de plus de 150 000 français. Cette estimation, bien qu’inférieure aux éditions passées, omet les déplacements générés, accentuant la pression écologique et l'impact sur les habitants. « La promesse de neutralité carbone de Paris 2024 sera donc cruciale, nécessitant une évaluation approfondie post-Jeux pour réellement quantifier leur empreinte écologique », précise Sven Daniel Wolfe.
3. Une gentrification avérée
« Les préparatifs de Paris 2024, bien que moins impactants en termes de gentrification par rapport aux éditions précédentes, ne sont pas exempts de controverses, notamment concernant les populations marginalisées », explique Sven Daniel Wolfe. La construction d'infrastructures comme le village des athlètes sur l'île Saint-Denis a entraîné des expulsions, et demain fera monter le mètre carré à 7000 euros dans une commune ou le prix moyen est de 4000 euros le mètre carré. De plus, « le “nettoyage nécessaire” des quartiers défavorisés pour préserver l’image de la France, et les expulsions qui en découlent illustrent un processus de gentrification qui touche principalement les minorités étrangères », complète Sven Daniel Wolfe. Malgré la promesse d'une célébration inclusive, les Jeux semblent éloignés des réalités de ces communautés, soulignant un fossé entre les idéaux olympiques et les conséquences de leur mise en œuvre sur les plus vulnérables.
4. Entre équilibre financier et disparités économiques
Les Jeux olympiques de Paris 2024 présentent un équilibre financier remarquable entre investissements publics et privés, avec seulement 2% d'argent public alloués au Comité d'organisation et près de 50% destinés à la Solideo pour les infrastructures. « Malgré cet équilibre, le bénéfice économique profite principalement aux organisateurs, CIO et Cojop », précise Sven Daniel Wolfe. Les créations d'emploi, estimées à 109 000, bien que significatives, restent majoritairement temporaires. Les retombées économiques, potentiellement entre 5 et 10 milliards d’euros, sont impactées par le contexte inflationniste et géopolitique actuel, soulevant des questions sur leur durabilité. « Malgré la grande célébration festive pour la classe moyenne, les minorités et les populations des villes hôtes risquent de ne pas voir de réels bénéfices économiques, souvent confrontées à une dégradation de leur qualité de vie », explique Sven Daniel Wolfe. Ce modèle met en lumière une répartition inégale des avantages économiques, favorisant les élites au détriment des communautés les plus vulnérables.
5 - Une accessibilité en demi-teinte
Les Jeux olympiques, célébrés pour leur esprit d'ouverture et d'accessibilité, semblent révéler une réalité moins démocratique sous l'aspect de leur politique tarifaire. Certes, l'initiative d'offrir 1 million de billets à 24 euros pour certaines disciplines moins populaires est louable, « visant à remplir les stades et à éviter les sièges vides », précise Sven Daniel Wolfe. Toutefois, cette mesure masque une réalité plus complexe : les billets pour les sports les plus prisés affichent des prix prohibitifs, « se destinant principalement à une élite de touristes aisés, d'entreprises, ou des familles françaises les plus fortunées », confirme Sven Daniel Wolfe. Cette stratégie tarifaire soulève des questions quant à l'engagement des Jeux à être véritablement « ouverts à tous ». En contraste, la billetterie des Jeux paralympiques se révèle plus accessible, « offrant la possibilité d'assister à des performances tout aussi remarquables », précise Michaël Jeremiasz, et mettant en lumière une approche plus inclusive, bien que la question de l'équité demeure.