Le marathon, cette épreuve d’endurance qui incarne la quintessence de la volonté humaine, est bien plus qu’une course. C'est aussi le théâtre d'une lutte plus vaste, celle pour l'égalité des sexes, une lutte qui n’est jamais gagnée d’avance. Caroline Guillaumin, directrice de la communication d'Orange, a replongé dans l'histoire de cette épreuve emblématique.
L'histoire de Kathrine Switzer illustre le combat acharné mené par les athlètes féminines, ces dernières décennies, pour obtenir les mêmes droits que leurs homologues masculins. Le 19 avril 1967, cette Américaine est devenue la première femme à courir officiellement un marathon. Ce mercredi-là, sur les routes de Boston, elle a bravé les conventions en portant un dossard réservé aux hommes. « Ce jour-là, Katherine Switzer a montré au monde que les femmes peuvent courir bien plus que des marathons, elles peuvent défier et briser les barrières de l'histoire, et en cela, elle reste un magnifique rôle modèle », résume Elisabeth Moreno, ancienne ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes. Rappelons qu’à cette époque, aussi absurde que cela puisse paraître aujourd’hui, les femmes n’avaient pas le droit de courir sur des distances supérieures à 800 mètres dans des compétitions internationales. La pensée répandue à cette époque était que les femmes n’avaient pas l’endurance nécessaire pour courir de longues distances...
Avant même de prendre le départ, Kathrine Switzer a dû faire face à l'adversité. Elle s'est entraînée avec acharnement, défiant les préjugés et les moqueries de ceux qui doutaient de sa capacité à parcourir une telle distance. Le jour de la course, elle s’est retrouvée confrontée à l’hostilité de l’organisateur du Marathon de Boston, Jock Semple, qui a tenté de lui arracher son dossard 261 en criant « dégage de ma course et donne-moi ces numéros ! ». Mais Kathrine ne s'est pas laissée intimider : elle a continué jusqu’à la ligne d’arrivée, soutenue par son entraîneur Arnie Briggs et son petit-ami Tom Miller.
L’incident a été immortalisé dans les médias du monde entier propulsant cette jeune étudiante au rang de figure emblématique du féminisme. La photographie mythique de l’intervention du directeur de course est aujourd’hui considérée comme l’une des « 100 photos qui ont changé le monde » selon le magazine américain Life, et elle restera à jamais gravée dans nos mémoires. « Les images choc de Jock Semple cherchant à l’empêcher de faire ce marathon ont fait le tour du monde comme le symbole des injustices subies par les femmes depuis des millénaires, poursuit Elisabeth Moreno. Mais ce qu’on retiendra surtout, c’est la détermination et la persévérance de Katherin qui, combinés au soutien de deux hommes justes et intelligents, lui ont permis de marquer l’histoire ».
Le marathon ouvert aux femmes en 1984
L’action courageuse de Kathrine Switzer a laissé un impact indélébile sur la participation féminine au marathon et a ouvert la voie à de nombreuses autres femmes. Après cette journée historique, plus de 400 courses féminines ont été organisées sur tous les continents, dépassant ainsi le seuil exigé par le Comité International Olympique (CIO) pour envisager l’intégration de cette discipline dans le programme olympique. Résultat, en 1981, le marathon est finalement ouvert aux femmes pour les Jeux Olympiques suivants, à Los Angeles, en 1984.
Depuis lors, nous avons été témoins d'une croissance exponentielle de la participation féminine au marathon, mais aussi plus largement dans les épreuves d'athlétisme. Nous avons la chance en France, de compter de très grandes championnes qui ont marqué l’histoire des Jeux et du sport au-delà de nos frontières. Parmi elles, Marie-Amélie Le Fur, multiple championne et médaillée en para-athlétisme désormais présidente du Comité Paralympique et Sportif Français, Eunice Barber, l'athlète française la plus médaillée aux championnats du monde d'athlétisme avec cinq médailles et bien sûr, la légende Marie-José Pérec, triple championne olympique.
Des combats qui transcendent le monde du sport
Il n’est pas sûr que Kathyn ait eu conscience de l'impact que sa décision de participer à ce marathon avait eu pour les femmes à travers le monde, dans le sport et au-delà. Mais formée en journalisme et en relations publiques elle va ensuite utiliser constamment sa notoriété pour faire avancer la cause de l’inclusion des femmes dans le sport.
Son courage et sa détermination, comme celle de beaucoup d’autres, a également contribué à façonner notre société dans son ensemble. En s'engageant dans le sport, malgré l’environnement hostile ambiant, en repoussant les limites de ce qui était considéré comme possible, elle fait partie de ces femmes qui ont inspiré des générations entières à poursuivre leurs rêves et à lutter pour l'égalité des sexes. Des pionnières devenues des modèles incontournables pour les jeunes filles d'aujourd'hui et de demain.
À quelques mois des Jeux, il est important non seulement de célébrer les exploits athlétiques des femmes dans le marathon et dans le sport en général, mais aussi de louer leur capacité à catalyser le changement social. Alors que nous continuons à avancer, gardons à l'esprit l'héritage de ces femmes qui ont pavé la voie. Leur histoire nous rappelle que, quel que soit le défi, rien n'est impossible lorsque nous nous engageons avec passion, persévérance et conviction. « En franchissant la ligne d'arrivée de ce célèbre marathon de Boston, Katherine Switzer a non seulement emboîté le pas de Bobbi Gibb mais elle a aussi prouvé au monde entier que les femmes peuvent défier les conventions dans lesquelles on les enferme pour ouvrir la voie vers de nouveaux horizons, qu’ils soient professionnels ou sportifs, et RÉUSSIR!! », se réjouit Elisabeth Moreno.
Le combat de Kathrine Switzer pour ouvrir le monde de la course à pied aux femmes reflète les valeurs qui veulent être véhiculées pour ces jeux olympiques en France. À l’instar de cette grande dame qui a défié les conventions et les attentes sociales en 1967, le Marathon pour Tous célèbrera le samedi 10 août la capacité de chacun et chacune à relever des défis, quels que soient son genre, ses origines, son âge ou ses capacités physiques. Cet événement dépasse largement le cadre d'une simple course. Il doit nous inciter à poursuivre nos rêves, à défier les préjugés et à tracer notre propre chemin, que ce soit sur la piste de course ou dans notre vie quotidienne. Souvenons-nous des mots de Kathrine Switzer : « il suffit d'avoir le courage de croire en soi et de mettre un pied devant l'autre ».