Dossier INNOVATION RETAIL

Alors que la NRF (National Retail Federation), grand-messe annuelle du commerce, vient de se tenir à New York, tour du monde des magasins les plus étonnants.

- Reddy à New York

Rien n’est trop beau pour son animal de compagnie. Au cœur du quartier de SoHo, à New York, Petco a ouvert en 2021 une boutique Reddy, du nom de sa marque premium d’accessoires pour chiens. Fondateur du réseau d’experts I Love Retail, Mike Hadjadj ne pouvait pas passer à côté. « On trouve ici tout ce qu’il faut pour les chiens, avec une particularité, c’est agencé comme un magasin pour des humains », note-t-il. Les produits textiles sont présentés dans des rayons et sur des mannequins (de chien) dans un espace où tout est fait pour que le maître et son animal se sentent à l’aise. Ici, Médor dispose d’une fontaine à eau et d’un miroir à sa hauteur… L’accent est mis sur la personnalisation avec la possibilité de faire graver des médailles. Les clients se prennent en photo avec leur toutou et affichent le résultat sur un mur dédié. L’offre textile est complétée par un rayon alimentaire, avec des produits secs ou surgelés. Tout récemment, Petco, toujours à New York, mais à Union Square, a ouvert un flagship où l’on trouve, outre un shop-in-shop Reddy, un salon de toilettage, une clinique vétérinaire et même une cuisine où des chefs préparent des petits plats pour nos amis à quatre pattes.

- Gucci à Londres

La marque de luxe du groupe Kering a déménagé son adresse londonienne dans un vaste immeuble de New Bond Street. Pour Adeline Çabale et Jacques Guyot, associés de l’agence Retail Factory, cette ouverture est emblématique de la façon dont le luxe repense ses aménagements de boutique, en cherchant à sublimer l’expérience client. « Dans une esthétique plus sobre et un style moins flamboyant que celui d’Alessandro Michele [l’ex-directeur de création de la maison], Gucci présente ses collections en mettant l’accent sur son caractère patrimonial, avec des pièces issues de ses archives », notent-ils. Une sélection d’œuvres d’artistes contemporains donne, à chaque étage, une seconde vie au lieu. Autre particularité, l’ouverture d’un « salon », un espace réservé, sur invitation, aux meilleurs clients de la griffe florentine. Selon les deux experts, ce phénomène d’exclusivité, se retrouve à Paris dans la boutique Dior relookée du 30 avenue Montaigne, où l’on peut s’offrir une nuit d’hôtel, à Shanghai où Harrods a ouvert un club privé réservé à ses meilleurs clients, ou encore à New York où Tiffany, dans son flagship repensé de la 5e avenue, reçoit ses « very important customers » dans un espace privé.

- Lynk & Co à Düsseldorf

À nouvelle façon de penser l’automobile, nouvelle façon d’imaginer la concession automobile. C’est le précepte mis en œuvre par le constructeur Lynk & Co, joint-venture entre le chinois Geely et sa filiale suédoise Volvo. Il se décline dans des « clubs » ouverts en Suède, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Belgique, où les véhicules sont assemblés pour le marché européen. L’un des derniers a été inauguré sur la Kasernenstraße, à Düsseldorf, en Allemagne, et il a tapé dans l’œil de Philippe de Mareilhac, président de l’agence Market Value : « Visuellement, c’est très puissant, très lifestyle. C’est plus un concept-store qu’autre chose, c’est véritablement disruptif ». Lynk & Co y présente bien un exemplaire de son véhicule phare, la 01, un modèle hybride que l’on peut acheter, louer ou emprunter en auto-partage, mais il propose surtout dans ces concessions révolutionnaires une expérience. Le visiteur vient pour essayer le véhicule, mais aussi boire un café, participer à une réunion dans un espace de coworking avec wifi et rafraîchissements, ou découvrir une sélection de marques de créateurs qui se veulent inspirantes. À quand la France ?

- Dior à Séoul

Quand la boutique devient elle-même objet de curiosité… C’est la prouesse réalisée par Christian Dior à Séoul, en Corée du Sud, avec l’ouverture en 2022 d’un pop-up store étonnant dans le quartier branché de Seongsu-dong. « Je suis tombé dessus par hasard en me baladant dans le coin au printemps dernier. C’est très spectaculaire, c’est une sorte de palais des glaces très beau et très clinquant », raconte Christophe Pradère, CEO de BETC Design. La griffe de LVMH a en fait reconstitué, grâce à un trompe-l’œil, un immeuble de style haussmannien rappelant son siège de l’avenue Montaigne, à Paris. À l’intérieur, on découvre les collections de la maison et l’on peut aussi s’attabler à un salon de thé qui donne sur un jardin enchanteur totalement virtuel. Toujours à Séoul, dans le même quartier à la mode, le styliste Jacquemus, avec cet esprit qui amène à considérer chaque boutique comme une intervention artistique, a imaginé de transformer une façade en sac à main géant, avec une sorte d’immense vague de guimauve blanche qui retombe sur la vitrine. Ouvert à l’automne, ce pop-up store très pop art proposait aussi, outre le dernier sac du créateur, des fleurs ou une sélection de boissons.

- T11 Food Market à Pékin

Jusqu’où aller en matière de tracking des consommateurs ? T11 Food Market, une grande surface alimentaire chinoise, pousse le concept jusqu’à son maximum dans ce point de vente que Mike Hadjadj (I Love Retail) a visité à Pékin. « Sa particularité, c’est qu’il est équipé de caméras à reconnaissance faciale. Tout ce que vous faites dans les allées du magasin est tracé », explique cet expert. Si vous touchez par exemple une pastèque au rayon fruits et légumes et que vous la reposez, l’enseigne va choisir de vous adresser telle ou telle offre en rapport avec ce geste. Les actions marketing tiennent compte de votre comportement in situ. C’est une sorte de retargeting du physique, de la même manière que Criteo le pratiquait sur le web en son temps. Dans le magasin, des bornes qui reconnaissent votre visage et le relient à votre compte client, vous proposent des promotions personnalisées. « Les Chinois se disent qu’ils sont surveillés tout le temps, alors autant que, pour une fois, ça serve à quelque chose », estime Mike Hadjadj. Pas sûr qu’en France les consommateurs acceptent, même pour la bonne cause, qu’on aille aussi loin dans le tracking de leur comportement.

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