Après des années d’invisibilisation des femmes de plus de 50 ans, une meilleure représentativité de ces dernières semble être en train d’arriver dans la publicité.
C’est une publicité qui n’est pas passée inaperçue. La modèle Caroline Ida Ours, au beau visage légèrement ridé et aux longs cheveux gris, dévoile son corps de sexagénaire taille 44 avec cellulite dans une publicité pour la marque de lingerie Darjeeling. La campagne, réalisée en interne sous la direction artistique d’Anna Lemoine, apparaît comme une revanche des femmes sur les diktats de la beauté et du jeunisme. Affichée en septembre dans les stations de métro et RER parisiens et en hiver dans toute la France, Caroline Ida Ours milite aussi sur son compte Instagram (@fiftyyearssofawoman) pour une plus grande visibilité des corps âgés dans les médias. « 40% des femmes ont plus de 50 ans et 15% uniquement sont représentées dans les médias », commente Julien Calot, chief creative officer chez McCann Paris.
Visibilisation. Le mouvement en faveur d’une visibilisation des femmes de plus de 50 ans a éclos ces dernières années. On peut notamment citer l’essayiste féministe Mona Chollet qui aborde le sujet dans Sorcières, succès de librairie en 2018. Concernant les cheveux gris laissés au naturel, le récit autobiographique Une apparition, paru en 2017, de la journaliste de mode Sophie Fontanel, est comme performatif : l’apparition semble être en train d’advenir dans l’imagerie marketing. Interrogée par Stratégies, Sandrine Bethencourt-Millo, directrice d’enseigne de Darjeeling, nuance cependant : « Les tentatives de montrer des profils plus matures se font encore avec d'anciens mannequins ou avec un traitement très artistique des silhouettes et visages pour gommer la réalité des signes du temps. Bien sûr, à chaque marque son positionnement ».
Ce jeunisme persistant pourrait être le fruit d’un précepte commercial. « On estime qu’il y a environ dix ans d’écart entre l’âge réel et l’âge perçu des consommatrices. Ce sont des traits de comportements analysés depuis plusieurs décennies. Cela est encore plus vrai dans le secteur de la beauté puisque l’argument de vente principal est souvent le rajeunissement », explique un expert du sujet. Pourtant, la segmentation traditionnelle des médiaplannings a de quoi être remise en question. « La coupure à 50 ans ne correspond à aucune réalité », souligne Katrine Vincent, directrice des études en connaissance des publics d’Isoskèle. « Ce qui crée une cible de consommation n’est en aucun cas un âge commun, mais un ancrage dans un moment de vie, lié à la présence d’enfants au domicile, à l’activité professionnelle... La coupure se fait avec le passage à la retraite, là, les attentes des femmes se transforment », poursuit-elle. À cela s’ajoute un argument monétaire en faveur d’une meilleure représentation des plus 50 ans : le niveau de vie median le plus haut en France se situe entre 50 et 74 ans, selon l’Insee. Aussi, rappelons que l’audience de la télévision française vieillit, avec un âge moyen autour de 56 ans en 2021.
Casser les stéréotypes à la télévision, c’est le crédo des campagnes de l’application de rencontres DisonsDemain, accompagnée par son agence Steve. « Les plus de 50 ans (la cible de DisonsDemain), et en particulier les femmes, n’aiment pas, a priori, ce qui est marketé spécifiquement pour leur âge. À 50 ans on est encore jeune, on n’a pas envie d’être mis dans une case et d’avoir des produits pour “senior”. Mais parfois ça se justifie : quand le produit en question valorise l’expérience », argumente Nicolas Lévy, directeur général de Steve. En l’occurrence, le message de sa campagne « Coup de foudre Quai n°3 », sortie en janvier, explicite le fait que les plus de 50 ans ont appris à ne pas idéaliser la rencontre amoureuse. Ils sont donc plus légitimes que leurs cadets à utiliser une application de dating.
Influenceuses de plus de 50 ans. Autre préjugé qu’il est opportun de lever : pour une campagne de communication à destination des femmes de plus de 50 ans, il est tout à fait possible d’avoir recours à l’influence marketing sur Instagram. « L’influence sur cette cible est en développement. Les influenceuses de plus de 50 ans répondent à un besoin existant qui était nié auparavant », commente Brice Djirackor, directeur influence d’iProspect, qui cite les créatrices de contenus @50ansetalors, @modange13, @nicoletonnelle et bien d’autres. « 62% des femmes de 50 à 60 ans prennent du plaisir à soigner leur apparence, exactement autant qu’entre 20 et 49 ans », avance Katrine Vincent.
De son côté, L’Oréal Paris valorise les femmes de plus de 50 ans par l’intermédiaire d’actrices aux renommées internationales, telles que Jane Fonda (84 ans), Helen Mirren (76 ans), Andy MacDowell (63 ans) ou encore Viola Davis (56 ans), dans une série de témoignages face caméra baptisée « Lessons of Worth » et disponible sur YouTube. Sans budget média alloué, l’agence compte sur la viralité des réseaux sociaux pour leur diffusion. « Nous aimons la forme brute des films. Un plan simple, séquence et sans coupure, sans mise en scène. Juste la force du discours et de l’émotion », relate Julien Calot, chief creative officer chez McCann Paris pour le compte de L’Oréal Paris. Les séquences, co-écrites entre les actrices et l’agence, mettent l’accent sur l’empowerment au travers le slogan du groupe « I’m worth it » (« Parce que je le vaux bien »).
Menopositivity. Alors que les tabous se brisent autour des règles, de l’accouchement ou de l’endométriose, un sujet peine à émerger dans l’espace médiatique : celui de la ménopause. « 10 millions de femmes sont ménopausées en France et une femme sur deux déclare ne pas être suffisamment informée », détaille Vania Lacascade, directrice générale internationale Vichy. Pour promouvoir un nouveau sérum de sa gamme Neovadiol, Vichy lance en mars 2022 sa deuxième campagne sur la thématique, sous le hashtag #Menopositivity. Quatre femmes entre 47 et 58 ans ont été castées pour parler ouvertement de la ménopause, de manière authentique. Ces testimoniaux s’accompagnent d’une plateforme dédiée, « No pause @ menopause », créée en 2020, sur laquelle différents formats sont disponibles dont des podcasts qui ont déjà enregistré plus de 3 millions d’écoutes en France. « On voulait changer la narration en amenant quelque chose de plus aspirationnel car la vie ne s’arrête pas à 50 ans », conclut Vania Lacascade. Un mot à faire passer à toutes les directions marketing.
Lire aussi :
- Les nouvelles attentes des consommatrices
- Du liquide bleu au féminisme : quand la pub fait tomber le tabou des règles