En matière de communication santé, la force du message, la créativité ou encore l'originalité du concept sont essentiels. Ils peuvent permettre à une campagne de prévention ou de dépistage d'avoir un réel impact sur la vie de milliers de patients.
« En même temps, on ne sauve pas des vies. » Cette petite musique, je l’entends parfois fredonner par certains de mes homologues, spécialistes de la communication santé. Avec, à chaque fois, un léger sourire, une recherche de complicité, le sentiment de partager un savoir-faire relatif ou, en tout cas, un moindre savoir que celui des professionnels de santé. Cette petite phrase n’appelle d’ailleurs pas de réponse, tellement elle se donne l’apparence de l’évidence. C’est un truisme. Elle revient à dire : « Tiens, il pleut » quand on reçoit les premières gouttes. Elle se veut réaliste et modeste. Elle est en fait erronée et dangereuse !
Car oui, n’ayons pas peur de le dire : nous, les communicants santé, nous pouvons contribuer à sauver des vies. Certes, pas directement : je serais bien incapable personnellement de faire un bouche-à-bouche digne de ce nom, sauf en des circonstances qui resteront privées. Mes leçons de secourisme sont malheureusement loin. Ce n’est pas non plus ma qualité de professionnel de la com santé qui m’aidera à sauter ou non d’un pont pour venir en aide à une personne qui se noie. J’aurai ce courage, ou je ne l’aurai pas, mais mon métier ne m’y aidera pas. En bref, je ne suis ni médecin ni pharmacien ou infirmier. Mais je n’en ai pas moins une responsabilité importante.
Un communicant se doit d’atteindre les objectifs fixés par ses clients. Si je travaille sur une campagne pour une voiture, je dois faire vendre plus de voitures. Ou de yaourts. Ou de voyages. Si je travaille sur une problématique de santé, pour mieux faire connaître une pathologie par exemple, je dois faire en sorte qu’un patient s’interroge sur ses symptômes, en parle à son médecin, qui peut-être posera un diagnostic plus tôt. On estime à plus de 7 000 le nombre de maladies, dont un grand nombre de maladies rares avec des symptômes peu différenciants (fatigue, essoufflement, nausées…). Ces pathologies sont complexes à diagnostiquer. Dans la maladie de Fabry par exemple, il faut quinze ans en moyenne. Quinze ans de souffrance et d’errance thérapeutique. Quinze ans dont certains patients ne pourront même pas profiter.
Un secteur pas comme les autres
Notre métier, c’est donc, entre autres, de mettre l’accent sur ces maladies, d’aller les débusquer. Si ma campagne est pauvre, mon lecteur tournera la page, il passera à la publicité suivante ou plus sûrement encore à la lecture de l’article pour lequel il aura acheté le magazine. Si a contrario mon message ressort grâce à son impact visuel ou rédactionnel fort, à son concept étonnant, à sa créativité, ce même lecteur restera peut-être dix secondes de plus dessus, dix secondes suffisantes pour se dire : « mais c’est moi dont on parle ! » Un lecteur qui pourrait aussi bien être un téléspectateur, un auditeur, un passant, un internaute…
Ce n’est pas théorique : chaque année, des milliers de patients ont la vue préservée grâce aux campagnes sur la DMLA, d’autres se voient diagnostiqués de la maladie de Crohn suffisamment tôt pour être bien pris en charge. Des milliers de femmes ont la vie sauve grâce aux projets déployés à l’occasion d’Octobre rose et tout au long de l’année, à l’initiative des entreprises de santé ou des associations de patients. Quand ces acteurs de l’écosystème santé nous confient une campagne, ils nous confient bien plus…
Prétendre nous-mêmes que « nous ne sauvons pas des vies », c’est se dégager de la responsabilité qui est la nôtre. Celle de produire un travail de qualité dans un secteur pas tout à fait comme les autres. Car si les KPI et les résultats d’une campagne sur les yaourts sont mauvais, c’est bien dommage pour l’industriel qui les produit. Si ceux d’une campagne de prévention ou de dépistage le sont, c’est la santé ou la vie de milliers de patients qui peut basculer. La créativité, dans la santé, on la doit aux patients.