Tribune

N'est pas Amazon qui veut. Alors plutôt que de multiplier les annonces pour s'en rapprocher, Carrefour ferait mieux de se concentrer sur ses fondamentaux pour retrouver un temps d'avance.

En fin d’année dernière, Alexandre Bompard a fait le tour des plateaux télé et radio pour y prêcher la bonne parole : Carrefour est en pleine dynamique de transformation digitale. Il faut dire que depuis 2020 et l’apparition de la pandémie, les distributeurs ont dû accélérer leur mue digitale pour faire face aux nouveaux comportements des consommateurs qui ont pris goût, d’abord par nécessité, aux plateformes d’e-commerce. Depuis, leur manière d’acheter, y compris en point de vente physique, a profondément évolué, et les irritants sont priés de faire profil bas.

Ces dernières semaines, Carrefour a donc multiplié les annonces : développement du retail média, partenariat avec Facebook (Meta), partenariat global avec Liveramp… Mais à qui Carrefour a-t-il réellement envie de se comparer ? À un géant type Amazon ou à des acteurs plus locaux ? Car le groupe dirigé par Alexandre Bompard n’a pas les marges de manœuvre d’une plateforme comme celle de Jeff Bezos. En effet, ce qui permet à Amazon d’investir autant, c’est notamment sa cash machine, Amazon Web Services, qui génère un chiffre d’affaires de 59 milliards de dollars par an, 54% du bénéfice d’exploitation du groupe Amazon, et une progression de ses revenus de 37% au cours du deuxième trimestre 2021.

Autre difficulté pour Carrefour, il est fort à parier que les nouvelles générations n’iront pas faire leurs courses dans ses magasins, mêmes revisités. En effet, dans les cinq prochaines années, vont apparaître de nouveaux consommateurs avec un pouvoir d’achat important et des habitudes fondamentalement différentes pour qui l’hypermarché n’est pas une expérience envisageable. Or, Carrefour a du mal à réinventer l’expérience magasin, et est à des années lumières des best practices du digital. Carrefour est conscient de perdre en attractivité, notamment auprès de cette jeune génération, et espère la séduire à grand renfort d’annonces comme celle, récente, de ce magasin sans caisse du 11e arrondissement de Paris, sorte d’Amazon Go hexagonal.

Retard dans l'omnicanal

Mais alors qu’Amazon teste le virtual Try-On en Californie, s’essaye au domaine de la santé et ouvre un salon de coiffure sur deux étages à Londres, avec de la réalité augmentée pour tester des couleurs et des styles, il apparait relativement difficile pour un groupe comme Carrefour de rattraper son retard, notamment en matière d’omnicanal. Carrefour doit faire face à de nombreux freins au sein même de son organisation et souffre du syndrôme de l’innovation qui touche de nombreux grands groupes qui subissent de plein fouet l’inertie due à leur taille.

Et il est loin d’être le premier acteur français à se lancer dans la course aux magasins sans caissier ni caissière. Avant lui, Auchan a ouvert le bal en 2018 à Croix, dans le Nord de la France, Casino a ouvert un supermarché autonome ouvert 24/24 à Paris en 2018 et, au sein du même groupe, Monoprix a ouvert il y a un an le concept Black Box, magasin automatisé de la taille d’un conteneur de 18m2. Carrefour, encore une fois, ne fait que tenter de rattraper son retard.

Peut-être vaudrait-il mieux pour un acteur comme Carrefour se concentrer sur les fondamentaux plutôt que de se rêver en Amazon ? Car aujourd’hui le groupe n’invente plus et se contente de suivre. Plus la crise du Covid-19 s’éternise, plus les comportements d’achat vont continuer de se transformer en profondeur et le retard accumulé risque de peser lourdement dans l’attractivité auprès de cette nouvelle typologie de consommateurs. Il va falloir aller vite en matière de transformation digitale pour ce fleuron de l’économie française. Beaucoup plus vite.

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