En une demi-heure, c’était plié. Le 11 juin dernier, les jurés réunis au Château de Villiers-le-Mahieu sous l’égide de la présidente Mélanie Pennec, executive creative director de DDB Paris, ont consacré sans hésitation la campagne « Burger King & Friends », qui enjoignait, en plein confinement, les consommateurs à « commander chez McDo », où n’importe quel autre acteur de la restauration rapide et moins rapide, afin de soutenir un secteur durement éprouvé par la crise sanitaire. « Burger King & Friends, ce n’est pas une campagne, c’est un mouvement, résumait alors Luc Wise, président-fondateur de The Good Company. La marque a réussi, dans un moment très difficile, à créer un mouvement qui a eu une résonance mondiale. » « Burger King ressort largement. Ce n’est même plus une pub, c’est de la communication d’entreprise », abondait Olivier Lefebvre, président et executive creative director de Fred&Farid. Quant à la présidente du jury, Mélanie Pennec, elle rappelait que « l’idée, c’est que dans cinq ans on regarde ce Grand Prix Stratégies et qu'on s'en rappelle. Je pense qu’on se souviendra de Burger King&Friends dans quelques années. »
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Il est vrai que la campagne fait date, en retournant avec malice la rivalité immémoriale entre le colosse McDonald’s et son éternel challenger-trublion Burger King. Mais Burger King & Friends, c’est aussi l’histoire relativement peu commune d’une campagne pour la restauration rapide conçue de manière… ultra-rapide ! « En gros, ça a pris un quart d’heure, relate Georges Mohammed-Chérif, CEO de Buzzman. Nous étions en plein confinement, en distanciel, et les créatifs Patrice Lucet et Philippe Boucheron m’ont envoyé à 19h11 la campagne en proactif sur la boucle WhatsApp de l’agence. À 19h12, je l’envoyais au client, Alexandre Simon, directeur marketing de Burger King. À 19h28, j’avais sa réponse, qui nous donnait le “go”. C’était un jeudi, la campagne était “on air” le dimanche… »
Une rapidité supersonique et insensée, à une période où l’on évoque souvent les relations, tendues par la crise, entre agences et annonceurs de plus en plus frileux. « Quand Georges m’envoie cette campagne, le lendemain, on annonce la refermeture des restaurants fin octobre… Un vrai coup de bambou pour nous, nos franchisés, nos 20 000 employés, et toute la profession. Nous avons voulu faire acte de solidarité. Sur Burger King, au-delà du plaisir, ce qui explique notre succès, c’est qu’on est plutôt bienveillants », souligne Alexandre Simon.
Retour aux fondamentaux
Et vraiment très réactifs : une vingtaine de campagnes sont sorties au cours des divers confinements. « Notre état d’esprit d’alors était de faire des choses qui sortaient de l’ordinaire, explique le directeur marketing de Burger King. Pendant le confinement, nous avons pris des risques crescendo. Comme les restaurants étaient fermés, nous n’avions pas besoin de vendre des burgers aux gens, et nous avons voulu leur vendre du plaisir, du sourire… » Durant ces temps troublés, avec un budget de 15 millions d’investissements nets, la marque a choisi, comme l’explique Alexandre Simon, de « revenir sur [ses] fondamentaux, les médias sociaux, la conversation, beaucoup d’organique » . Avec succès, dans la plupart des cas : le film avec Fred Testot, « See you bientôt chez roi sandwich » , sur le respect des gestes barrières en restaurants, a été classée par Kantar troisième publicité la plus efficace de l’année du monde en termes d’incitation à la visite et de branding. Dans le même temps, depuis le début de la pandémie, Burger King a ouvert 80 nouveaux restaurants. « La marque va bien, c’est important de le dire, insiste Alexandre Simon. Aujourd’hui, une bonne com couplée à une stratégie business, ça fait du business ! De plus, nos campagnes ont renforcé la fierté d’appartenance des équipes, mis du baume au cœur à nos jeunes employés. »
Burger King & Friends ou comment faire du RSE sans – presque – le savoir. « Aujourd’hui, les communications RSE et “goodvertising”, c’est devenu tarte à la crème, lâche Georges Mohammed-Chérif. Cette pub, c’est du RSE de haut niveau, on a même travaillé pour nos concurrents : c’est ça qui a fait “tilt” dans la tête des gens, ce que l’on pourrait appeler cette “grandeur d’âme”. On est dans un monde difficile, mais s’il faut penser à soi, c’est aussi important de penser aux autres. »
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Verbatim
«Beaucoup de feeling»
Alexandre Simon, directeur marketing de Burger King
« Le travail que l’on fait avec notre agence Buzzman, c’est beaucoup de feeling. Nous testons peu de choses. Si on teste une campagne, on est déjà en décalage au moment où elle sort… Nous faisons confiance au talent de l’agence, qui nous connaît, de plus, très bien, car elle nous suit depuis notre retour en France en 2014. Nous avons l’intuition que prendre des risques, être audacieux, nous réussit. Et notre management, dont l’ex-global chief marketing officer Fernando Machado, a confiance en la communication et en ses patrons marketing. »