Tribune
Que ce soit avec les podcasts, les réseaux sociaux ou les assistants vocaux, l'audio occupe aujourd'hui une place croissante dans nos vies, comme une alternative et même une antidote au tout écran si épuisant.

On n’a pas découvert l’audio hier. On appelait cela la radio. Mais l’audio qui monte raconte une évolution profonde des besoins qui va bouleverser notre rapport aux contenus, aux médias et aux marques. Désormais, nous avons besoin de soulager nos yeux, d’alléger notre surcharge digitale, de créer des parenthèses au monde de l’écran. Ces «non-screen activities» vont se développer à mesure que nous passons toujours plus de temps devant nos ordinateurs et smartphones.

La montée en puissance des podcasts, avec 25% des Français qui en écoutent maintenant régulièrement, des millions d’heures disponibles, une diversité de l’offre qui s'accroît et un public qui s’élargit chaque mois, démontre le pouvoir de la voix, pour reprendre le titre du livre de Mathieu Gallet, l’ancien patron de Radio France. Toutes les enquêtes confirment l’impact de l’audio : on retient mieux ce que l’on écoute que ce que l’on traverse dans le flux de news et d’images que nous scrollons.

Il y a dans ce moment intime de l'écoute un calme retrouvé, un moment à soi, qui participe grandement du succès de cet ancien-nouveau média. «Les yeux sont saturés, les oreilles prennent le relais», résume Bruno Patino, devenu patron d'Arte, dans l'ouvrage La civilisation du poisson rouge. Les neurones lessivés par les flux de nos réseaux sociaux, nous apprécions de nouveau les formes finies, un petit objet avec un début et une fin. Et la voix qui vient caresser nos sentiments.

Boom de l'audio social

Aux Etats-Unis, où le phénomène a démarré plus tôt, presque la moitié de la population en âge de le faire écoute de l'audio digital tous les jours. Et 75% ont écouté une forme d'audio en ligne, selon The Spoken Word Audio Report de la NPR (radio publique américaine) et Edison Research. Car l’audio se transforme. Autant Facebook nous a conduit à regarder des vidéos sans le son, sous-titrées, autant les nouveaux réseaux comme Instagram ou TikTok nous conduisent à augmenter le volume. La musique y est très largement présente. Et maintenant que nous vivons avec les écouteurs vissés dans les oreilles, il est devenu naturel d’écouter son smartphone…

La part de cet audio social ne cesse de croître. Et l’offre s’élargit. On s’est mis à écouter les infos sur son smartphone. Mais pas une offre linéaire, pensée par un média. Plutôt, une playlist que l’on se compose soit-même au gré de ses envies, de ses besoins. A la tête de nos smartphones, nous sommes devenus le centre de notre monde. Et dans ce «Moi.com», tout se délinéarise. Il n'y a plus de programme, il y a mon programme. Toutes les activités sont maintenant «à la demande», quand je veux, où je veux, à la vitesse que je choisis. L'audio en ligne, l'audio social, c'est d'abord un audio quand je veux.

L'usage de l'audio répond à nos modes de vie connectés. C'est le média compagnon par excellence. Toutes les études dans le monde montrent un usage couplé à une autre activité. En marchant, dans les transports, en conduisant, en accrochant le linge, en travaillant aussi... C'est le média du multitasking. Et de la question. Déjà 40% des requêtes se font oralement en Inde, 20% en France. Nous interrogeons nos smartphones. Et pour l’instant, nous recevons une liste de liens sur l’écran. Mais c’est bien la réponse audio qui s’annonce. Et pour les producteurs de contenus, la recherche de la «position zéro» : être ou ne pas être la réponse proposée en premier à une question.

L'ère de la voix

Plus largement, après le clavier, le tactile, c'est à la voix que nous allons bientôt activer tous les objets qui nous entourent. Pour l'instant, cela fait encore sourire, car Siri, l'assistant vocal d'Apple, se montre parfois souvent décontenancé par nos questions, même s'il progresse chaque jour, avec des réponses plus adaptées au contexte culturel. Une amie italienne lui a demandé si Dieu existait, et Siri a répondu : «chacun croit ce qu'il veut». Tandis qu'en France, Siri répond : «pour moi, les religions sont un grand mystère».

Quant aux assistants vocaux, ils sont pour l'instant plus doués pour les commandes simples que pour les questions complexes. Mais c'est une étape. Et pour les jeunes générations, dialoguer avec un assistant ou son portable est devenu naturel. Il va donc falloir répondre à cet immense besoin d’audio. Et les voix de synthèse vont prendre le relai pour transformer un immense patrimoine écrit, de news, de rapports, de conseils en audio.

Les podcasts ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ce monde sonore porté par des voix de synthèse personnalisées se développe. Concrètement, ce sont des intelligences sémantiques qui apprennent à parler. C’est complexe, car un même son ne signifie pas forcément la même chose en fonction du contexte : il n’y a plus de pain ou il y a plus de pain. Cela ne se prononce pas de la même façon. L’audio de synthèse est donc une recherche constante sur le langage. Il produit aujourd’hui des résultats assez bluffants. Ces voix-là ne remplaceront pas les humains, mais elles viendront libérer notre regard et peut-être nos esprits.

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