Quand le premier confinement s’abat sur le pays il y a un peu plus d’un an, il laisse la France sous le choc. Et l’enfance en danger. 80 % des violences ont lieu au sein même de la famille, cette famille avec laquelle les victimes sont désormais enfermées. Adrien Taquet, le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, s’en inquiète sur les réseaux sociaux : l’école est souvent un refuge, en plus d’être un lieu où les maltraitances sont repérées, et cette école est fermée. Parallèlement, du côté d’Havas Sports & Entertainment, où comme dans toutes les agences, on vit une baisse inédite de l’activité, on constate dans différentes études que durant cette période, les enfants passent de plus en plus de temps sur les jeux vidéo. « En mettant ces données face à face, nous avons pensé que pour aider les enfants, il fallait recueillir leur parole là où ils se trouvaient, c’est-à-dire dans le jeu lui-même », explique Fabrice Plazolles, directeur de création à l’agence.
Des influenceurs comme relais
Havas conçoit alors le projet « Undercover Avatar », qui s’inscrit pleinement dans sa démarche de « meaningful difference » initiée il y a déjà près de deux ans. L’agence contacte l’association L’Enfant Bleu et lui propose d’intégrer un personnage à ses couleurs sur Fortnite. Le jeu n’est pas choisi au hasard : il est très populaire sur la tranche d’âge visée, les 12-18 ans, il se joue sur tout type d’appareil et il est gratuit. Il permet donc de toucher le plus grand nombre d’enfants. L’Enfant Bleu, qui lutte depuis 1989 contre la maltraitance des plus jeunes, est rapidement convaincue. C’est ainsi qu’un personnage au skin bleu et aux ailes d’ange apparaît dans le jeu. Mais encore faut-il le faire connaître aux enfants sans alerter les parents. S’engage alors un travail d’influence. L’agence contacte l’équipe d’e-sport MCES, le collectif de gaming Prism, mais aussi de plus petits influenceurs, pas toujours liés d’ailleurs à l’univers du jeu, comme Vargasss ou Just Riadh. Surtout, ils ne parlent pas aux autres générations. « Ce sont eux qui ont porté le message, qui ont montré sur leurs réseaux sociaux à quoi ressemblait le personnage, qui ont expliqué son rôle », détaille le directeur de création.
Derrière l’avatar, des bénévoles se relaient tout au long de la journée et posent aux enfants qui viennent vers eux des questions élaborées par des psychologues. Durant un mois, plus de 1 200 témoignages sont recueillis. Un nombre vertigineux auquel ni l’agence ni l’association ne s’attendaient. « Nous avons été surpris et même effrayés par le nombre d’enfants en situation compliquée, reconnaît Fabrice Plazolles. Il n’était pas forcément question que de coups, même s’il y a eu ces cas bien sûr : il y avait aussi beaucoup d’enfants qui se trouvaient dans un mal-être profond. Le dispositif a finalement fait remonter différents types de problèmes. »
Lanceur d’alerte
Au terme de ce mois d’activité, l’opération est révélée au grand public. « Nous avons utilisé le personnage comme un lanceur d’alerte, tout en pensant dès le départ à la suite, qui s’est traduite par un travail en RP plus classique, confie Fabrice Plazolles. Et là encore, nous avons été surpris. Nous avons eu énormément de demandes d’interviews, avec des retombées dans une trentaine de pays. De grands médias se sont intéressés à la fois au dispositif et plus largement au rôle du jeu vidéo, à la façon dont celui-ci prend une nouvelle place dans la société, au-delà du jeu lui-même. Cela a validé ce que nous pensons à l’agence depuis un moment : le jeu vidéo est un vrai phénomène de société, un vrai réseau social, un vrai canal de communication. »
Du côté de l’État, l’idée a aussi fait son chemin : un groupe de travail, dont fait notamment partie le syndicat des éditeurs de jeux vidéo, a été mis en place, avec la mission de se demander comment ce type de canal peut aider les enfants à prendre la parole, devenir un moyen pour qu’ils se confient sur les maltraitances.
Laura Morin, directrice nationale de l’Enfant bleu
« Ce dispositif a été un véritable point de contact avec les enfants »
« Quand Havas est venu vers nous avec cette idée extrêmement originale, qui était une première mondiale, il a vite été évident que ce projet avait un vrai potentiel. Cela a été un travail vraiment main dans la main avec l’équipe de l’agence, qui a été formidable. Ce dispositif a été un véritable point de contact avec les enfants, et a aussi donné naissance à un groupe de travail sur le sujet. Et Havas a choisi de continuer de nous soutenir, de rester un de nos partenaires sur les problématiques de violences faites aux enfants. »