Le 19 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing devient le troisième président de la Ve République avec 50,81% des suffrages. Pour le monde de la communication, c’est une révolution. « En France, c’est l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République en 1974 qui a marqué l’émergence du rôle de la communication institutionnelle. C’est grâce à la qualité, à la modernité et à la pertinence de la sienne que le futur président a d’abord éliminé son rival de droite, Jacques Chaban-Delmas, puis battu sur le fil de leader de l’opposition, François Mitterrand. Ainsi, la communication ne se contentait pas d’accompagner les combats victorieux, d’en amplifier a posteriori la renommée, elle décidait parfois de l’issue des batailles », analyse Éric Giuily dans Affaire de com’, paru en 2011 chez Odile Jacob. Ancien président de l’AFP ou France 2, passé ensuite à la tête de Publicis Consultants et, aujourd’hui, à 69 ans, président du cabinet conseil CLAI, il estime qu’il s’agit là « d’une grande première dans ce pays d’ingénieurs et de juristes qu’est la France, où ont été jusqu’à présent uniquement valorisées l’expertise de fond et la compétence technique ».
Marketing politique
Affiches de campagne où le futur président pose en toute décontraction avec sa fille Jacinte, cinéaste embedded avant le scrutin, en l’occurrence Raymond Depardon dont le film, Partie de campagne, ne sortira finalement qu’en 2002 : avec Giscard, le marketing s’applique pour la première fois à la politique. Ces années 70 marquent ainsi, plus largement, « l’émergence de la parole publique dans la communication », relève Éric Zajdermann, 66 ans, l’un des pionniers du corporate en France, désormais directeur des activités de communication d’intérêt général chez Babel. « La nouveauté, c’est de s’adresser au citoyen en utilisant la publicité. C’est la première fois qu’une rhétorique publicitaire est utilisée dans la parole publique », observe-t-il. Cela donne des campagnes sur les économies d’énergie, pour faire face à la flambée du baril, telle « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées », ou, avec l’obligation du port de la ceinture de sécurité, « Un petit clic vaut mieux qu’un grand choc ».
Com d'entreprise
Du côté des entreprises, cependant, la communication institutionnelle en reste à ses balbutiements. « Elle est alors très réduite. Ce qui est surtout développé, c’est la communication produit, ce sont les agences de publicité qui dominent le marché », analyse Éric Giuily. L’entreprise se limite alors à la communication obligatoire de ses résultats, à une assemblée générale qui constitue le moment fort de l’année pour les petits actionnaires reçus autour d’un buffet, et quelques communiqués de presse quand interviennent un changement de management ou une opération d’acquisition. « La communication interne, elle aussi, était réduite à sa plus simple expression », relève encore Éric Giuily, notant qu’elle reste « verticale et descendante ». Rares sont les entreprises à avoir pris alors toute la mesure de l’importance de travailler leur image et de leur réputation auprès de ses publics. Des coups d’éclat comme celui du Club Méditerranée qui ouvre la voie, à l’époque, au sponsoring en finançant le voilier géant du navigateur Alain Colas, restent, avant les années 80, une exception.
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