Avec 5,8 millions de Français qui écoutent un podcast natif au moins une fois par mois, le marché est en pleine ébullition. « Ça bouge tout le temps et c’est ça qui est chouette » s’enthousiasme Claire Hazan, directrice des podcasts pour la France et la Belgique chez Spotify. Public, studios, plateformes, hébergeurs et médias... D'après une étude Havas Paris et CSA d'octobre, l'audio a le vent en poupe : 52% des auditeurs de podasts natifs envisagent d'en écouter davantage dans les prochains mois.
1 - Un public grandissant
Médiamétrie comptabilise 103,7 millions de sessions d'écoute en novembre, sur cinq grands groupes médias, contre 95,2 millions en janvier 2020. Cette évolution à la hausse repose sur une étude portant en grande partie sur une écoute replay. De son côté, l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) publie tous les mois, depuis juin, le classement des podcasts les plus téléchargés en France, parmi 135 souscripteurs. De quoi donner des clés au marché qui ne disposaient que de la mesure eStat podcast de Médiamétrie. En tête, Culture générale produit par « Chose à savoir » (1,473 millions de téléchargements mensuels), La Story des Echos (679 000), Programme B (477 500) et Les Couilles sur la table (402 000) de Binge Audio.
2 -Des studios créatifs
Le classement de l'ACPM dope les créatifs. « Avec cette nouvelle mesure, le marché va se structurer, souligne Lorenzo Benedetti, cofondateur et CEO de Paradiso, studio de producteurs indépendants, comme Louie Media ou Nouvelles Écoutes. Il a lancé quinze séries en 2020 dont Mes 14 ans et Chosen, et proposera en janvier 2021 avec Audible la fiction Habana business club, comédie d’aventure sur l’histoire vraie de trois entrepreneurs français qui ont importé le capitalisme à Cuba. Le producteur a investi dans son propre studio d’enregistrement cette année. Il travaille avec Spotify, Deezer ou Sybel. « On va doubler notre production en 2021 et développer l’adaptation audiovisuelle de nos programmes », annonce le CEO.
Autre type de producteurs, Sybel ou Majelan qui proposent un accès payant à des contenus exclusifs. Mathieu Gallet est le cofondateur de cette dernière société. « Nous sommes une plateforme de production et de distribution avec notre propre techno et nos studios. Nous avons abandonné l’agrégation gratuite depuis juillet et, de généraliste, nous sommes devenus inspirants avec des masterclass de Marie-Claude Pietragalla ou Anne-Sophie Pic, ou utiles, avec des How to sur le sommeil ou les émotions », explique l’ancien PDG de Radio France. Selon lui, « avec une croissance de 40 à 50 % par an, le podcast est en développement. En 2021, le marché de la publicité va se structurer sur le gratuit et l’évangélisation de l’audio narratif via les grosses plateformes va se poursuivre. »
3 - Des acteurs internationaux
Contrairement à Apple Podcasts et Google Podcasts, les plateformes et agrégateurs Deezer ou Spotify proposent, comme Acast, une activité de régie. En rachetant Megaphone, acteur dont la techno qui permet d’héberger, de diffuser et de monétiser les podcasts, Spotify a ajouté une carte à son jeu. « Mais les partenaires sont libres de la monétisation de leurs contenus, souligne Claire Hazan. En tant que plateforme audio, nous sommes le lieu de destination du podcast avec 2 millions d’opus [principalement du replay]. Nous développons notre offre exhaustive, via l’accord que nous avons signé récemment avec Radio France. Et nous proposons des podcasts originaux et différenciant avec en tête de nos écoutes : Brut (du media en ligne), Coming Out avec les confidences de personnalités et la fiction Sara, adaptation française du succès de Gimlet [réseau de podcasts US] ». Depuis le lancement de ses podcasts natifs à la mi-2019, Spotify a proposé vingt séries. « Nous en présenterons autant en 2021 pour démocratiser cet usage qui fonctionne encore par le bouche-à-oreille, ajoute Claire Hazan. Comme pour la musique, nous allons développer la recommandation, via de la curation éditoriale et des algorithmes ».
Deezer propose des podcasts natifs depuis quatre ans. « On développe notre offre originale autour de la musique avec La playlist de ma vie de célébrités ou Traqué dans lequel un artiste analyse un succès, détaille Antoine Girard, responsable de la production de podcasts. Mais c’est Gang stories, la série docu dédiée aux gangsters narrée par Joey Starr qui est notre succès de l’année. Je peux vous annoncer que deux voire trois nouvelles saisons seront produites en 2021. On va aussi accentuer notre offre humeur/humour et notre offre jeunesse. Côté régie, la demande des marques est grandissante, d’équipementiers sportifs notamment, en sponsoring comme en marque blanche ».
4 - Des hébergeurs et solutions techniques
Parmi les plateformes, seul Acast propose une offre d’hébergeur. Dans ce domaine, ses concurrents sont Ausha ou Soundcloud. Créé en 2018, Bababam s’est mis en tête de démocratiser le podcast et l’audio parlé. « Je me suis rendu compte d’un grand point de friction, côté diffusion et distribution, explique Pierre Orlac’h, son fondateur. Lancée il y a un an, notre solution technique Podinstall affiche 200 clients podcasteurs indépendants ou éditeurs comme Reworld, 20 minutes ou Eurosport. Elle intègre leurs podcasts sur leurs sites et on génère de l’audience ». Son associée Nadia Leroy renchérit : « Nous proposons aussi aux marques des solutions clé en main de la création à la diffusion ». Multi-casquette, Bababam produit également le podcast Maintenant, vous savez classé 13e à l’ACPM.
5 - Des médias hyperactifs
Dans un marché où un podcast se créerait par jour, des groupes comme Prisma Media ou Les Echos/Le Parisien se positionnent. Le Monde proposera deux nouveaux podcasts en février qui s’ajouteront au Goût de M devenu payant ou inclus dans un abonnement. Comme Le Parisien, le quotidien du soir mesure la valeur fidélisante de son offre audio. Côté audiovisuel, Radio France écrase la concurrence puisque avec le replay radio, son offre la place en tête des producteurs européens de podcasts, devant la BBC. Cocorico !
