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Le portable a remplacé le miroir et a grandement participé à la redéfinition de la beauté. Sephora, leader dans ce domaine, se devait de reprendre la parole et d'ouvrir le champ des possibles quant aux canons actuels.

« Miroir, miroir, dis-moi qui est la/le plus belle/beau ! » La beauté hétéronormée renvoyant à des modèles d’hommes et de femmes complètement irréels est d’une violence incommensurable. À force de ne voir que des stéréotypes, on en vient à se fixer des objectifs déraisonnables pour ressembler à ce qui est supposément la norme. Mais que fait-on quand la personnalité ne respecte plus cette norme et ne demande qu’à sortir et s’exprimer ? Faut-il réprimer sa vraie nature et masquer sa beauté intérieure ? 

Des séries comme Euphoria ou Sex Education tendent à redéfinir la beauté au travers de personnalités, de gueules, maquillées comme si elles allaient au festival Burning Man. Les paillettes explosent, les couleurs éclatent, le maquillage hyperbolique succède à la platitude du monochrome. De même, les nouvelles icônes de beauté osent la différence et changent la donne. « Les influenceurs et youtubeurs ont fait évoluer les canons de beauté, entre le mouvement body positive, la diversité ethnique, sexuelle… Tout le monde est légitime pour devenir le nouvel étendard de la beauté. Et Sephora s’inscrit dans ce mouvement », contextualise Florence Bellisson, présidente en charge de la création chez BETC Étoile rouge. 

Un court-métrage brillant

À travers sa nouvelle signature « The Unlimited Power of Beauty », Sephora rappelle que la beauté reste avant tout un outil de pouvoir et de confiance. « Nous n’avions pas communiqué depuis 2007 en tant que marque à proprement parler, il était temps de montrer les changements que nous avons effectués et de rappeler que nous sommes les leaders du marché », explique le président Europe et Moyen-Orient de Sephora, Guillaume Motte. Afin d’ancrer ce nouveau positionnement, Sephora a donc démarché BETC, son agence depuis 2014, pour la réalisation d’une nouvelle campagne publicitaire à 360°, donnant notamment naissance à un film aux allures de court-métrage. Trois minutes brillantes d’esthétisme. « C’est un beau cadeau que Sephora nous a fait en acceptant de faire ce film. Et pour une fois, nous avons pu prendre le temps avant le tournage, puisque nous avons été consultés dès l’été 2019. Le plus important était de ne pas faire ressentir la marque derrière le discours, d'où le choix d'une voix off neutre, qui n'appartient à personne », traduit Florence Bellisson.

La première scène s’ouvre au crépuscule, sur une petite fille qui s’essaie au maquillage, comme maman. Métisse aux cheveux crépus avec des taches de rousseur, elle se rend compte à partir de l’adolescence que son physique ne correspond pas à ce qui est exposé sur les pages des magazines et commence à questionner son apparence. Sans tomber dans le larmoyant – un peu trop à la mode en ce moment –, le réalisateur Jonas Lindstroem met en avant l’histoire émouvante de cette jeune fille devenant femme, qui tout au long de sa vie s’interroge sur son rapport à sa propre beauté. Face à son reflet, elle réalise qu'elle doit retomber amoureuse d’elle-même. Sur la chanson I'm not in love de Kelsey Lu, ses paroles résonnent avec justesse. L’acceptation de soi est parfois un long chemin. Un but que l'héroïne atteint à la cinquantaine, malgré l’âge mûr et les quelques rides en plus. « Le réalisateur a apprécié de travailler sur la dimension psychologique du personnage. Le casting a été très long, car il a fallu repérer les sept femmes qui représenteraient les sept étapes de la vie. Et le film se termine avec le sourire de cette femme qui représente l’épanouissement », explique Florence Bellisson.

Un sentiment également palpable dans la campagne print, composée d’une galerie de douze portraits capturés par la photographe britannique Nadine Ijewere, non retouchés. Femme, homme, transsexuel… Beauté vieillissante, androgyne, sombre… Chaque image porte un point de vue sur la beauté à travers des accroches qui résonnent comme des mantras, qu’on pourrait tous se répéter devant la glace.

Dans l'air du temps

Créée en 1973 et rachetée par LVMH en 1993, la chaîne de magasins de parfumeurs et de cosmétiques a rapidement dépassé son principal concurrent en France, Marionnaud. Présente dans 35 pays, l’enseigne adopte aujourd’hui un discours universel, dans l’air du temps. Et la génération Z n’a rien à voir avec cette nouvelle prise de position : Sephora assure que sa clientèle couvre tous les âges et tous les genres. Un détail mais pas des moindres, tous ses magasins sont littéralement ouverts, peu importe la température extérieure. « Le magasin incarne un lieu de test pour les beauty addicts. Des cotons, des démaquillants sont mis à disposition afin de laisser la possibilité aux clients de se définir », avance la présidente de BETC Étoile rouge.

Malgré quelques retards, notamment au niveau du maquillage pour les peaux noires, Sephora reste une marque pionnière dans de nombreux domaines. « Nous avons été les premiers à collaborer avec un influenceur homme spécialisé dans le maquillage. La diversité est représentée chez Sephora autant dans nos implantations que dans nos marques partenaires et nos clients. Même en interne, nous avons un objectif de mobilisation. En Arabie saoudite par exemple, tous nos magasins sont dirigés par des femmes », met en avant Guillaume Motte. L’action écologique de l’enseigne est en revanche un peu plus discrète. Son parti pris écoconscient date d’il y a seulement deux ans. Malgré la gamme maison « Sephora Collection » qui est désormais made in Europe et à 90% issue d’ingrédients naturels avec des packagings écoconçus, en magasin seul le rayon « Super ingrédients » comporte sur ses rayonnages des produits véritablement engagés. Les marques de maquillage créées par des stars du web comme Anastasia Beverly Hills, Huda Beauty, Sananas, Becca ou encore Charlotte Tilbury ne sont pas forcément positionnées sur les questions de tests sur les animaux ou de composition naturelle.

Dans la continuité de sa campagne internationale, Sephora a sollicité les créatrices des marques vendues en magasin pour prendre la parole face caméra et témoigner de leur relation à la beauté. Ces capsules vidéos seront diffusées en magasins. Et, comme le précise Guillaume Motte, « ce sont des témoignages de femmes et non de marques ». 

Chiffres clés : 

35 nombre de pays dans lesquels Sephora est implanté.

15 000 produits issus de 250 marques, vendus par an.

45 millions : investissements publicitaires bruts en euros sur l'année 2019.

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