À lui seul, ce nouveau logo VW, désormais plat, ne reflète pas l’immense travail parcouru par la marque allemande en quatre ans. Un chantier titanesque qui aurait coulé bien des marques et qui peut se résumer en deux chiffres : 27 milliards d’euros estimés pour se remettre du scandale du «dieselgate», qui éclata le 18 septembre 2015, et 30 milliards pour adapter d’ici 2028 la chaîne de production à la nouvelle ère des mobilités, électrique et connectée. Un problème n’arrive jamais seul…
Pour espérer mener à bien cette transformation, Volkswagen n’a pas 36 solutions mais une seule : ID.3. Pas un nom de code mais une nouvelle auto, dévoilée lundi 9 septembre au Salon de l’automobile de Francfort. C’est sur ses ailes menues de berline compacte que reposent les espoirs du premier fabricant auto mondial. Une tâche qu’ont assumée ses devancières, l’illustre Coccinelle, longtemps la voiture la plus vendue au monde, et plus récemment la Golf, interprétation plus moderne, quoique plus bourgeoise, de la fameuse «voiture du peuple». Avec son ID.3, premier véhicule Volkswagen conçu depuis la feuille de brouillon pour l’électrique, la marque va devoir faire sienne des valeurs défendues par Tesla depuis… dix ans. Si la presse relaie avec engouement le compteur des précommandes de la petite allemande, les 30 000 réservations d’ID.3 avant le jour de la présentation sont à comparer aux 180 000 enregistrées par la Tesla Model 3 comptabilisées à la fin de la keynote d’Elon Musk le 31 mars 2016.
Si Tesla mise sur l’innovation et son PDG haut en couleurs pour assurer sa com, en face, Volkswagen ne manque pas d’arguments : une excellence opérationnelle, la taille du premier groupe auto mondial avec ce que cela suppose en matière de production et de circuits de distribution – là où l’Américain a rencontré de sévères problèmes – et une mécanique marketing bien huilée. Sur ce pan, Volkswagen a aussi beaucoup travaillé. La marque a resserré les rangs en matière de publicité en novembre 2018, passant de 40 agences à trois entités : WPP pour le marché nord-américain, Cheil Worldwide pour la Chine et Omnicom pour l’Europe (via la structure Voltage) et l’Amérique du Sud, tandis que PhD a gardé l'achat médias monde. Cette décision vise à améliorer d'environ 30 % le rendement en matière de marketing d'ici à 2020, tout en conservant un budget publicitaire stable à 1,5 milliard d'euros. Parmi ses agences, un joker : DDB, qui accompagne la marque depuis 1953 aux États-Unis, et 1963 en France.
Street cred
Côté français, Pierre Boutin, directeur général de Volkswagen France, annonce allouer 20 % du budget à la nouvelle gamme ID, dont le catalogue est amené à s’étoffer pour constituer une offre complète. ID.Crozz pour le crossover, segment prisé dans les villes. ID.Vizzion pour la berline statutaire, cœur de gamme historique, surtout en Allemagne. Clou du spectacle : ID.Buzz, une réinterprétation de l’illustre Kombi, passé de voiture à icône de culture pop. Mais le premier acte de communication a été assumé par l’ID.R, référence à la gamme ultra-sportive de la marque. Comme depuis toujours dans l’automobile, on aime faire ses preuves sur circuit... Ainsi la firme de Wolfsburg s’est offerte une tournée mondiale des pistes les plus exigeantes avec sa voiture électrique pour s’y forger une «street cred». Le 24 juin 2018 dans la course de côte de Pikes Peak aux États-Unis, où elle bat Sébastien Loeb, le 3 juin 2019 au Nürburgring en Allemagne, le 7 juillet 2019 à Goodwood, rendez-vous annuel mondial des passionnés d’auto, et le 3 septembre 2019 au Mont Tianmen en Chine, un marché où VW aura fort à faire face à une concurrence électrique prolifique. À chaque fois, un record. Et maintenant ? L’Allemand va devoir convaincre commercialement.
We Services
Bientôt déboulera l’armada publicitaire. Ici aussi, Volkswagen a rebattu ses cartes. «Ce nouveau logo bidimensionnel sera noir ou blanc, ce qui permettra de l’apposer sur des fonds plus colorés afin d’apporter plus de chaleur», décrit Pierre Boutin. «La nouvelle charte s’inspire des néons et de la lumière plutôt que de la 3D. La lumière, c’est le chrome des années 60», indique Alban Callet, directeur général adjoint de DDB Paris. Responsable du compte Volkswagen en France depuis 18 ans, il constate «une grande liberté donnée aux agences, avec la possibilité désormais de couper visuellement les voitures afin de montrer des détails». Fini le plan de trois-quarts avec coucher de soleil. «La marque veut plus de Volks et moins de Wagen», résume le publicitaire. Une révolution publicitaire loin d’être anecdotique : c’est la nouvelle direction stratégique de la marque. «Volkswagen se transforme de manufacturier automobile à fournisseur de services de mobilité», synthétise Pierre Boutin.
Avec le développement de la location (BlaBlaCar, Drivy ou Kapten), la valeur d’usage mène les consommateurs à moins acheter leur auto. Chez Seat (groupe VW), ce chiffre atteindrait 45%, ce qui a conduit à créer une offre de location longue durée sans engagement en juillet. Dans ce nouveau contexte, Volkswagen se pense comme une plateforme articulée autour des We Services. WeShare, fourni par la start-up niçoise Vulog, pour l’autopartage. WePark pour trouver des places de parking. Et même WeDeliver, pour se faire livrer dans son coffre. Cela passera aussi par VW.OS : ce qu’iOS est à l’iPhone. Cette numérisation aura pour ambition de rendre la relation plus directe avec chaque client, tout en l’unifiant au niveau mondial. «Nous voulons la même image partout dans le monde, être plus authentique et plus proche des gens», affirme Pierre Boutin. Une façon d'exorciser le dieselgate.
Chiffres clés :
- 1,5 milliard d'euros. Dépenses médias en 2018
- 84,6 milliards d'euros. Chiffre d'affaires en 2018 (+7 %)