Optique
En plus de quarante ans, Alain Afflelou a su construire un empire au sein duquel la marque et l’homme sont rapidement devenus indissociables. Celui qui considère la communication comme plus nécessaire que jamais ne se veut pas pour autant le chantre d’une com privée de sens.

Comment se porte le groupe Afflelou, qui a vu le jour en 1972 ?

Très bien, merci. Le groupe compte à date plus de 1 400 magasins, dont 85 % à 90 % de franchisés, et est présent dans 17 pays. Pour certains de ces pays, il s’agit d’une présence symbolique. Pour d’autres, comme la Chine, la Thaïlande ou le Vietnam, cela correspond à un développement relativement récent. Nous venons également d’ouvrir deux magasins au Koweït, ce qui prouve que l’on peut intriguer et intéresser des opticiens aux quatre coins du monde. C’est une bonne chose, mais il faut rester modeste. On ne peut pas parler de réelle stratégie de développement, au sens volontariste du terme, il faudrait plutôt parler d’une stratégie qui consiste à ne pas dire non, comme au Koweït par exemple où notre interlocuteur pourrait être intéressé par l’ouverture d’une quarantaine de magasins. Plus prosaïquement, nos marchés principaux à l’international sont déjà connus : la Belgique, le Portugal, l’Espagne ou encore l’Afrique du Nord, où le groupe se développe actuellement.



On fête également cette année les 20 ans de l’offre Tchin Tchin. Quel regard portez-vous sur cette saga passée à la postérité et pourquoi continuer à l’exploiter commercialement ?

À l’origine, je prends conscience que les gens sont freinés économiquement pour disposer d’une deuxième paire. Je ne vous cache pas que nous avons été violemment critiqués au début, mais aujourd’hui, tous nos concurrents le font. Disposer d’une deuxième paire de qualité à un tarif attractif est entré dans les mœurs. Tchin Tchin, c’est un succès qui ne se dément pas avec près de 40 millions d’équipements vendus en deux décennies. Si les idées pouvaient se breveter, j’aurais pu mettre à l’abri 25 générations ! Quant au nom, les branches venant de Chine quand l’offre a été lancée, nous avons joué avec le « Made in China » ainsi qu’avec le côté festif de l’appellation. À la réflexion, c’était assez volontairement provocateur…



Le virage du e-commerce peut-t-il avoir un impact à court terme sur votre modèle, à commencer par une réduction du nombre de magasins ?

Je ne crois pas. En tant qu’opticien, je sais qu’il est très difficile d’acheter ses lunettes uniquement en ligne. D’une part, il s’agit d’un acte de santé. Si l’on propose aux gens de recevoir leur vaccin à domicile, est-ce qu’ils vont accepter ? Pour les lunettes, il faut toujours un ajustement ou quelque chose qui nécessite de se rendre chez un professionnel. D’autre part, je ne connais pas de pure player qui ait véritablement réussi en France. Pour ce qui est du groupe, je suis convaincu que la complémentarité entre le site et les points de vente peut être la clé. L’intérêt d’internet, c’est de pouvoir se rendre en magasin quand on le souhaite, sans contrainte horaire. Nous avons à ce titre développé avec FittingBox la possibilité de tester nos modèles en ligne. Bien entendu, il y a des perfectionnements à obtenir et l’essayage en ligne sera potentiellement étendu à d’autres marques dans les mois qui viennent. Mais c’est une certitude, il faut digitaliser les lunettes. Et les boutiques ont toute leur place dans ce processus. Nous procédons d’ailleurs de la sorte à l’heure actuelle, en confiant les clients ayant commandé en ligne à des points de vente référents déterminés en fonction de l’adresse de l’acheteur.



Le groupe dispose d’un taux de notoriété extrêmement élevé (92% en assisté), pourquoi continuer à communiquer aussi massivement ?

Si vous ne communiquez plus, on ne vous entend plus, on ne vous voit plus. Communiquer est une nécessité. Je me rappelle de Félix Schwarz-Bart [photographe et proche d'Alain Afflelou] me répondant, dans les années 80 : « Coca-Cola, ils font toujours de la pub, ou bien ils se sont arrêtés sous prétexte que tout le monde les connaissait ? ». Il est d’ailleurs notable qu’au fil des ans, c’est toujours à peu près 7 % du chiffre d’affaires qui est consacré à la communication. Nous avons aussi choisi d’internaliser la communication avec un service de 14 personnes au total, qui nous permet de maîtriser nos besoins. Nous ne travaillons donc plus avec une agence attitrée. Quant à ce qui est de la stratégie média, je pense qu’il ne faut pas enterrer trop vite les médias traditionnels. La télévision reste dominante même si nous consacrons désormais 15 à 20 % de nos investissements au digital. La radio représente un média intéressant pour générer du trafic. En revanche, le groupe communique moins que par le passé via la presse et l’affichage.



Le groupe déploie actuellement une vaste campagne pour promouvoir son offre Magic, via des spots dans lesquels vous n’apparaissez que sous la forme d’une voix off. Pourquoi un tel choix ?

Quand je n’ai rien à dire en tant qu’opticien, je n’apparais pas à l’image. Je ne suis pas une vignette et nos campagnes s’en chargent très bien. Il ne faut surtout pas devenir un gadget publicitaire !



L’argument du prix a toujours été le fil conducteur de la communication du groupe. Les temps ne sont-ils pas en train de changer ?

À toute chose, il y a un prix. C’est le lot de tout service ou produit. Et ne pas le dire, c’est déjà un peu le cacher. Il y a aussi la volonté d’éviter les mauvaises surprises. Là-dessus, nous avons toujours joué la carte de la transparence. À titre d’illustration, les lentilles éphémères lancées au début des années 2000 au prix de 1 euro la paire sont toujours au même prix. Et nous n’hésitons pas à marteler le prix dans notre dernière campagne autour de l’offre Magic.

 

Que peut changer l’entrée en vigueur de l’offre 100 % santé à l’horizon 2021 ?

Dans le secteur de l’optique, la concurrence est structurée autour de l’évolution de la législation relative au remboursement des lunettes et des appareils auditifs ainsi que d’acteurs comme les mutuelles et les Ocam [Organismes complémentaires d’assurance maladie]. De notre côté, nous allons suivre la réglementation et cela ne devrait avoir qu’un impact limité. Le gouvernement a fait ce qu’il fallait pour que ce soit le cas avec une mise en œuvre progressive. Pour notre part, nous essayons de nous positionner différemment en nous appuyant entre autres sur nos produits exclusifs, qui représentent environ 30 % des ventes.

 

Le groupe possède également une riche histoire en termes de sponsoring, à l’image du récent accord noué avec l’AS Monaco. Est-ce votre passion du sport qui pousse à miser sur ce volet ?

Absolument pas, il s’agit d’une stratégie marketing pure et dure. Être sponsor d’une équipe, c’est ni plus ni moins qu’un support publicitaire. On retrouve d’ailleurs un peu dans le sponsoring l’idée de la franchise : le pilote s’appelle Afflelou et le club, c’est le véhicule !



Quelles sont les perspectives en termes de communication ?

Nous allons continuer à axer la communication autour des deux offres majeures que constituent Tchin Tchin, qui représente le concept service, et Magic, qui incarne le concept produit.

Chiffres clés

17. Nombre de pays où le groupe possède au moins un magasin.

92 %. Taux de notoriété assistée dont dispose la marque.

840. Nombre de magasins du groupe en France (760 franchises et 80 succursales).

1422. Nombre de magasins du groupe dans le monde.

200 000. Nombre de montures Magic écoulées depuis le lancement de la gamme en 2018.

40 millions. Nombre de deuxièmes paires (optiques ou solaires) de l'offre Tchin Tchin vendues en 20 ans.

380,3 millions d’euros. Le chiffre d’affaires du groupe pour l’année fiscale clôturée au 31 juillet 2018.

781,5 millions d’euros. Le total des ventes du réseau groupe pour l’année fiscale clôturée au 31 juillet 2018.

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