Dossier Petits budgets, grandes idées
Petit budget ne veut pas dire low cost. Quels que soient les moyens, les agences et les régies peuvent proposer des solutions créatives aux annonceurs qui ne sont pas familiers des médias ou veulent optimiser leur rentabilité.

De la «big idea» à l’exécution, il manque parfois quelques zéros sur le compte en banque d’un annonceur, mais l’adage qui voudrait qu’à moins de 200 000 euros, on ne peut pas avoir accès à la télévision n’a plus lieu d’être. «Avec la fragmentation de l’audience, le ticket d’entrée de la télé a baissé, assure Guillaume Charles, directeur général adjoint de M6 Publicité. 200 000 euros permettent de concevoir une campagne très convenable en bénéficiant de la complémentarité entre les chaînes, de la géolocalisation grâce au replay ou de notre offre digitale.» Selon Kantar Media, les primo-accédants, PME ou start-up qui ont besoin de l’effet «vu à la télé», sont 700 par an et dépensent en moyenne 600000 euros bruts, 250000 euros nets. En conséquence, les régies mettent au point des offres dédiées, comme Step by M6 ou la Box Entreprise de TF1. Le groupe expérimente depuis début octobre cette formule qui permet de démarrer en télé dès 5000 euros, en bénéficiant d’un accompagnement personnalisé, avant son lancement début 2019 sous forme d'une plateforme de commande en ligne dématérialisée.

«Plus personne ne veut du low cost, tous les annonceurs demandent des idées malines et sur mesure», affirme Pierre Beffa, directeur général de Blackbird, l’agence de DDB pour les PME et start-up. Ainsi, lorsqu’elle travaille pour Birchbox ou Cheerz, Blackbird mobilise les propres graphistes de ces start-up pour réduire les coûts de production. Marie-Pierre Benitah, ancienne de BBDO, a créé l’agence Marystone avec la conviction que «l’ultra personnalisation est une attente des clients qu’ils soient gros annonceur ou start-up. Je définis mon conseil en fonction des ressources et je mobilise les partenaires adaptés afin que les clients mettent leur argent au bon endroit.» Réduire les intermédiaires est une solution pour optimiser les coûts mais aussi une création simple et percutante, un plan média bien ciselé, des outils de mesure pour adapter les moyens en fonction des résultats. Et surtout l’idée forte qui sous-tend tout le reste.

 

Lancement de marque

Manish Arora, chouchou des magazines sans être annonceur

Quand on n’est pas un géant du parfum capable de débourser des millions d’euros en publicité, il est difficile de se faire une place dans les pages des magazines féminins. La licence Manish Arora, détenue par le groupe Designer Parfums (Ariana Grande, Porsche Design…), a réussi à contredire les idées reçues grâce à un « mix » bien pensé. Le budget a été confié à Sylvie Polette, ancienne vice-présidente des parfums Jean-Paul Gaultier, associée à la directrice de création Antoaneta Metchanova (ex-Ogilvy, BBDO, Publicis). «Il fallait tout lancer de zéro, même le flacon, avec une contrainte: il n’y avait de budget que pour un seul moule. J’ai eu l’idée de faire un seul flacon de 40 ml, ce qui correspond à un petit volume en Chine mais qui peut être vendu par lot de trois au Moyen-Orient, où les consommateurs achètent beaucoup de parfum», relate Sylvie Polette. La solution: trois parfums, trois couleurs (rouge, rose, orange) mais un seul flacon, conçu avec l’agence Centdegrés, qui représente des demi-cœurs à assembler selon ses envies. Pour illustrer l’univers foisonnant du créateur indien, Antoaneta Metchanova a imaginé une fable animalière composée de coccinelles, de flamants roses et de perroquets réunis sous la promesse «Ready to love». Le bestiaire s’est décliné sur le site, dans le magasin à Paris, sur le stand du salon Tax Free à Cannes… Quant aux journalistes, «elles ont adoré» le lancement organisé dans un showroom du 10e arrondissement de Paris en présence du créateur, dixit Sylvie Polette. Entre avril et juillet, la collection s’est retrouvée dans les pages de Version Femina, Marie Claire, Voici, Stylist… Une belle performance pour une marque qui n’est pas annonceur. «Pour un budget inférieur à 100000 euros, elle a obtenu des retombées équivalentes à 200000 euros d’achat d’espace», assure Sylvie Polette.

 

 

Télévision

Back Market, le pure player en quête de notoriété

Spécialiste de la vente de produits électroniques reconditionnés, Back Market représente le cas typique du pure player internet qui a besoin de la force de frappe de la télévision pour accélérer son développement. Fondée fin 2015 par Thibaud Hug de Larauze, Quentin le Brouster et Vianney Vaute, l'entreprise a démarré en investissant dans le référencement payant, mais voulait aller plus vite pour attirer des clients et des partenaires financiers. L’agence Re-Mind PHD a recommandé un dispositif «à tiroirs», démarrant avec un budget de 200000 euros, pouvant être porté à 400000 euros en cas de bons résultats. La création, minimaliste mais efficace, avec des personnages de jumeaux comparant les prix, a été confiée à Hungry & Foolish et le plan média (TNT, chaînes info) a permis de couvrir 45% de la cible d’audience des 25-49 ans. «Grâce à l’outil Holimetrix, on pouvait mesurer la création de trafic vers le site mais la campagne avait aussi un objectif de construction d’image. L’effet “vu à la télé” n’est pas à négliger», souligne Filipe Da Costa, directeur général de Re-Mind PHD. La campagne a également été diffusée aux moments les plus propices au e-commerce, en début et fin de mois, le lundi matin… Enfin, la copie était conçue pour être facilement traduite dans d’autres langues. «Il faut beaucoup de bon sens pour ce type d’annonceur», précise Filipe Da Costa. Entre novembre 2017 et juin 2018, Back Market a fait passer sa notoriété de 0,5 à 9%, selon YouGov Brandindex, a porté son budget média à 2 millions d’euros et a levé 41 millions d’euros auprès d’investisseurs.

 

 

Street marketing

Jimmy Fairly, un triporteur pour attirer le chaland

Le challenger de l’optique créé en 2012 veut devenir rien de moins que « la plus belle marque de lunettes en Europe », avant de conquérir le monde. Forte de 30 points de vente dont deux à Londres, elle ne dépense pas de budget en média mais s’appuie sur ses boutiques au décor vintage et sur les réseaux sociaux pour réunir une communauté. Au croisement de ces deux stratégies, Jimmy Fairly a été l'une des premières marques dès 2013 à installer des triporteurs dans la rue, d’abord face à sa boutique rue Montorgueil à Paris, puis dans la cour de l’hôtel Hoxton, sur la plage pendant le festival Calvi on the Rocks cet été… À la façon des marchands de glace à l’ancienne, le véhicule présente les produits, incite à entrer en boutique, encourage le partage de photos sur les réseaux sociaux. « Instagram est clairement un outil de communication, souligne Sacha Bostoni, cofondateur de Jimmy Fairly. Au départ, c’était une façon d’animer la rue mais on s’est rendu compte que les gens postaient énormément sur Instagram. Depuis, on a repéré sur Pinterest des kiosques à bretzels, une version à quatre roues qui a encore plus d’impact. »

Jimmy Fairly a travaillé avec Com’On Bike, une société spécialisée dans les communications sur triporteurs qui compte parmi ses clients aussi bien Coca-Cola et le Mandarin Oriental que des start-up et des PME. Les tarifs vont de 5 000 euros pour le modèle le plus simple à 13 000 euros pour le kiosque.

 

Télévision

Brit Hotel fait étape sur M6 Publicité

La chaîne d’hôtellerie Brit Hotel n’est pas un pure player mais elle est dépendante des plateformes de réservation en ligne (Booking, Trivago…) pour développer son activité. Elle est donc confrontée, comme une start-up, à une problématique de notoriété et de préférence de marque. « Son budget dépassait difficilement les 200 000 euros mais, par rapport à son maillage du territoire, l’annonceur avait besoin de médias nationaux, il ne pouvait pas se contenter de solutions régionales ou digitales, souligne Jean-Marc Segati, vice-président de Big Success, agence habituée à travailler dans une logique ROIste. Le référencement part du principe que le consommateur est en situation de recherche, mais pour développer la notoriété spontanée, l’émergence publicitaire est encore utile. » L’annonceur s’est appuyé sur l’offre Step by M6 de M6 Publicité, une formule qui permet à des budgets contraints d’accéder à la télévision en profitant de la diversité des chaînes du groupe (M6, W9, 6ter, Paris Première, Téva, Serieclub). « Sur quatre semaines, entre mi-juillet et mi-août, nous avons diffusé 375 spots TV mais aussi 222 spots radio sur nos stations RTL et RTL2, précise Guillaume Charles, directeur général adjoint de la régie. Nous pouvons accompagner les marques sur la définition de leur cible, sur la création et sur la conversion TV-to-web en utilisant les mesures Holimetrix. » Le directeur général de Brit Hotel, Guy Gérault, a confirmé que « la solution clé en main est très rassurante, surtout lorsque l’on est pas familier des médias. »

 

Influence

Mini Countryman, un road trip en production légère

Mini, la marque du groupe BMW, n’est pas exactement un petit annonceur mais l’activation avec des influenceurs qu’il a menée l’année dernière a eu un impact retentissant, avec un budget de production, lui aussi, mini. Pour le lancement de son nouveau modèle Countryman, au slogan « Aventurez-vous », la marque conseillée par Agencedesmediassociaux.com a emmené deux influenceurs mode et cinq influenceurs photographes sur la route entre Biarritz et Lisbonne, du 3 au 9 février 2017. Paysages à couper le souffle, intempéries, rencontre avec la surfeuse Justine Dupont, le road trip a été raconté en temps réel sur les réseaux sociaux avec le hashtag #CountrymanStories. « On n’a pas emmené de cameraman professionnel comme sur une opération de brand content classique. On a improvisé sur la route, sans scénario écrit à l'avance », relève Cyril Attias, président fondateur de Agencedesmediassociaux.com. « Par rapport à une publicité classique, cette campagne organique a apporté un volet authentique qui permettait au public de se projeter », précise Aurore Brumard, responsable marketing événementiel et partenariats de Mini France. Un journaliste de L’Équipe qui faisait partie du voyage a aussi publié un reportage sur le sujet. L’opération a été saluée par de nombreux prix en raison de ses résultats : 457 contenus publiés en live tous participants confondus, près de 245 000 interactions, 77 000 vues sur Facebook Live et 7,21 millions de reach organique au total.

 

Application

Chantons sous la pluie et sur smartphone

Pour la représentation de Singin' in the rain au Grand Palais pendant les fêtes de fin d’année 2017, le Théâtre du Châtelet souhaitait communiquer auprès d’un public jeune, pas forcément familier du classique de la comédie musicale et susceptible d’être rebuté par le prix des billets (à partir de 130 euros). L’agence de publicité digitale Braaxe a conçu un dispositif en plusieurs volets : elle a créé un jeu sur mobile, Playin’ in the rain, dont le principe était de reproduire une mélodie sur l’écran à la façon de Guitar Hero, et pour l’annoncer, un accessoire, le Paraplay, destiné à protéger son portable de la pluie. Le parapluie miniature a été envoyé à une population d’influenceurs et de journalistes pour assurer des retombées en presse et sur les médias sociaux. «Le budget a été de 40 000 euros sur trois mois. Pour le même montant, on aurait pu publier cinq posts sur Facebook mais on a préféré réduire le média et favoriser l’organique, explique Julien Casiro, fondateur et directeur de Braaxe. On a tout réalisé en interne, de l’appli au Paraplay que l’on a fait fabriquer avec un fablab.» Objectif atteint pour le Théâtre du Châtelet, qui a touché près de 255000 personnes via la stratégie influenceurs, obtenu plus de 4000 nouveaux abonnés sur la page Facebook et totalisé plus de 9000 joueurs uniques dans l’application. Plus de 600 places ont été réservées directement via les réseaux sociaux, sans compter les réservations sur d’autres plateformes.

 

Réseaux sociaux

Cancer@Work, LinkedIn au service d’une grande cause

La survenue d’un cancer multiplie par trois le risque de perdre son emploi, et 70% des personnes au chômage au moment du diagnostic n’ont pas retrouvé le chemin du travail après deux ans. Pour changer le regard sur les malades, l’association Cancer@Work a imaginé un dispositif astucieux sur le réseau social professionnel LinkedIn : créer une nouvelle compétence, « Fighting cancer ». En l’ajoutant sur leur profil, les personnes ayant souffert de la maladie transforment une épreuve en valorisation d’expérience, et passent du statut de victime à celui de combattante. En relais de cette opération, Cancer@Work a réalisé un film, diffusé sur LinkedIn et les réseaux sociaux, qui met en avant les témoignages de malades, de médecins et de recruteurs, et qui font la démonstration de la force de ces survivants. Conçue avec l’agence FamousGrey Paris, cette campagne, lancée en avril dernier, a nécessité en tout et pour tout 12000 euros de budget de production et 1000 euros de budget média pour des retombées sur 40 millions de personnes.

 

Télévision

Mont Blanc atteint des sommets

Après Nestlé et Danone, Neptune est le numéro trois des eaux embouteillées en France avec les marques Cristaline, Rozana ou Châteldon. Pour le lancement d’une nouvelle référence, l’annonceur, qui n’a pas les budgets de ses concurrents, s’est rapproché de l’agence Business, réputée pour son modèle fait de spots TV courts et de répétition. La source de cette nouvelle eau étant située à proximité du mont Blanc, l’agence a naturellement suggéré d’utiliser ce nom célèbre, déjà utilisé pour des stylos et des desserts mais disponible dans cette catégorie de produit. La copie télé compare le massif à «une usine exceptionnelle», en utilisant des images fournies par la marque et un personnage d’authentique alpiniste connaisseur de la région. Pas de frais de tournage donc, mais un impact assuré avec un format court de 15 secondes, un nom mémorisable et une idée simple qui se perpétue depuis cinq ans. «Lancée en 2013, cette marque a connu une croissance de 30% entre les premiers semestres 2017 et 2018. Chaque vague publicitaire est d’un budget inférieur à 500 000 euros», précise Georges-Henri Bousquet, directeur général de Business.

 

Autopromo

Extreme se fait mousser à Clichy Plage

L’agence Extreme, installée à Clichy, au nord de Paris, restait ouverte tout l’été 2018. Pour le faire savoir, elle a imaginé une série d’images estivales sur le thème «Je rêve de Clichy en été». Inspirés par l’illustratrice Malika Favre et les publicités des stations balnéaires d’antan, les créatifs ont conçu des images vintage transformant la banlieue parisienne en décor de vacances. Des affiches, des cartes postales, des t-shirts, des tote bags ont été imprimés et envoyés aux clients qui ont joué le jeu. Ainsi, les équipes de L’Oréal, dont le siège est également à Clichy, ont affiché les visuels dans leurs bureaux. Idem pour la directrice de la communication d’Air Liquide. «Tout de suite, on se sent mieux en reprenant le travail avec cette déco estivale», a écrit la directrice du développement commercial de Danone Eaux France. L’opération était également destinée à fédérer l’interne avec un volet sur les réseaux sociaux. «Les taux d’engagement ont été supérieurs à la moyenne avec des likes plus nombreux qu’habituellement», fait savoir Extrême. Une opération créative, fédératrice et positive qui valorise l’agence et crée du lien en interne et en externe.

 

Production

Get Out, la série B qui fait de l’effet

C’est le film le plus rentable de l’année 2017: Get Out, tourné pour 4,5 millions de dollars auxquels se sont ajoutés 30 millions de dollars en marketing, a généré 252 millions de dollars au box office. Soit un retour sur investissement de 630%! Ce film d’horreur signé Jordan Peele a bénéficié de critiques élogieuses et d’un excellent bouche-à-oreille, mais aussi du sens du marketing de Jason Blum, à la tête de la maison de production Blumhouse. On lui doit déjà le jackpot de Paranormal Activity, tourné pour 15000 dollars et qui en a rapporté 193 millions. «Ne pas attendre l’aide d’autrui, faire des films soi-même et, bien sûr, écrire des histoires qui peuvent être racontées à peu de frais, idéalement dans sa maison ou son jardin»: tel est le credo de l’ancien agent immobilier rapporté par Télérama en mai 2017. Le producteur s’est spécialisé dans le cinéma d’horreur tourné en quinze jours au camescope par des réalisateurs débutants (Jordan Peele est un humoriste qui n’avait jamais fait de long-métrage) ou au contraire par de vieux briscards sur le retour. La force de la «big idea» fait le reste.

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