Lidl a ouvert la marche. Aldi a suivi. Leader Price emboîte le pas. Le numéro 2 français du hard-discount enterre à son tour un modèle qui a vécu. Prisé des consommateurs en manque de pouvoir d’achat dans les années 90, le hard-discount, caractérisé par la prédominance d’une offre alimentaire à prix inférieurs à la moyenne, une petite surface de vente mais surtout, cette fameuse culture du point de vente carrément austère (absence de musique, présentation sans fioritures…), ne résiste pas aux nouvelles attentes des clients. « Les Français sont lassés des magasins monotones à l’assortiment minimaliste. Aujourd’hui, les clients veulent tout : le prix, la qualité mais aussi du plaisir en faisant leurs courses », résume Tina Schuler, directrice générale de Leader Price, citée dans un communiqué de presse consécutif à l’annonce du plan de transformation le 5 juin. Le nouveau concept, simplement baptisé « Next », est d’ores et déjà testé à Pontault-Combault (Seine-et-Marne) depuis octobre 2017.
Comme chez Franprix
Ce «discount plaisir» ambitionne de conjuguer des prix bas avec une meilleure expérience client et un approfondissement du catalogue. Comme chez Franprix, autre enseigne du groupe Casino, Leader Price va proposer à ses clients de presser leur jus d’orange – à la différence notable que le litre sera vendu 2,99 euros, soit 1 euro de moins. Autre amélioration : l’enseigne mettra en avant sa marque de distributeur [MDD] bio, qui pèse 7% des ventes de la catégorie fruits et légumes. En tout, près de 320 références labelisées AB seront proposées. Au menu des nouveautés, citons pêle-mêle : un espace traiteur avec une rôtisserie et des pizzas cuites sur place, une boulangerie avec des baguettes et viennoiseries préparées tout au long de la journée, une cave à vin, une boucherie charcuterie avec des produits «100% français» ou encore une «zone plaisir» mettant en scène notamment la gamme maison de cosmétiques Sooa. Histoire de finir de dépoussiérer le concept, qui ne se limite pas à la déco mais touche à l’identité de marque, Leader Price prévoit enfin une refonte de nombreux packagings.
Part du gâteau
Il fallait réagir. Car si Lidl et Aldi sont les deux autres exemples de discounters à s’être transformés, la liste grossit dès que l’on sort de l’alimentaire : La Halle, Kiabi et même Cdiscount, pure player qui s’est forgé une place sur les prix bas mais tente, depuis 2017, de revaloriser son image et son expérience client. « Cet aspect n’est plus négociable en 2018. Dans le cycle économique précédent, les petits prix suffisaient mais au cours des dix dernières années, tous les distributeurs ont pris part à la guerre des prix. Dans ce schéma, difficile pour les hard-discounters de faire l’impasse sur le confort » pointe Yves Marin, associé en charge de la grande distribution chez Bartle.
En 2006, Leclerc jette un pavé dans la mare en lançant le comparateur en ligne Quiestlemoinscher.com. « Le hard-discount fait partie du modèle économique de la distribution car tout le monde l’a intégré, mais sans reprendre tous les codes. Les prix bas, les produits en vrac, oui. Les magasins moches, pas propres et mal rangés, certainement pas », observe Benjamin Zenou, fondateur de SimpliField. Face aux rayons discount des hypermarchés, les Aldi, Leader Price et Lidl n’ont plus que pour eux la proximité avec les clients grâce à un bon maillage. En réaction, l’allemand annonce sortir du hard-discount en France en 2012. Une stratégie payante puisque le distributeur est passé de 4,6 à 5,2% de parts de marché en trois ans. Si Leader Price ne réagit qu’aujourd’hui, c’est parce que la maison mère ne pouvait pas être sur tous les fronts, et devait d’abord repositionner Franprix et Monoprix. Avec cette montée en gamme de Leader Price, les observateurs ne craignent pas de cannibalisation du portefeuille du groupe Casino. « Le but de Leader Price n’est pas de renchérir tous ses produits mais d’approfondir et d’élargir son offre. Aux produits basiques à bas prix s’ajouteront des gammes supérieures, comme le jus d’orange pressé, et de nouvelles catégories de produits comme la rôtisserie », poursuit Yves Marin, qui estime que ce double changement devrait contribuer à toucher une nouvelle clientèle, et à relever les parts de marché.
Enjeu d'image
Cette transformation revêt aussi un enjeu d’image alors que les consommateurs prennent conscience du lien entre la qualité de leur alimentation et leur santé. Un mouvement bien compris par Super U et Intermarché dans leur communication. Leader Price a donc tout intérêt à diluer ses produits premier prix dans une offre plus large, dont la qualité moyenne serait relevée par une montée en puissance du bio. Alors que Lidl n’a pas encore terminé la mue de ses points de vente, Leader Price mettra aussi un certain temps. Sur 800 magasins, 120 devraient avoir adopté les nouveaux codes d’ici la fin de l’année. « Attention à ce que ce plan ne soit pas, surtout, une opération de communication visant à suivre la tendance », met en garde Benjamin Zenou. Pour autant, l’enseigne devra bien faire savoir qu’elle change son fusil d’épaule. Si le cas «Lidl» est un succès, c’est aussi parce que l’Allemand a multiplié par dix ses dépenses médias en seulement cinq ans en France, devenant, avec 500 millions d’euros investis en 2017 selon Kantar Media, le premier annonceur du pays ! De son côté, Leader Price évolue en dents de scie depuis quelques années, avec un recul de 65% de ses dépenses média l’an dernier, à 3,8 millions d’euros, dont trois quarts en affichage. La dernière campagne TV, conçue par BETC Shopper, remonte à 2012. Elle misait déjà sur la qualité avec feu Jean-Pierre Coffe.
Chiffres clés
3,8 millions d'euros. Dépenses médias en 2017 (Kantar Média)
2,8 milliars d'euros. Chiffre d'affaires en 2017.
12 millions. Nombre de clients en France.
23 euros. Panier moyen pour 13 articles.
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