L’être humain aime parler et la technologie va alimenter ce penchant. La nouvelle étude du Digital Transformation Institute de Capgemini, titrée « Conversational Commerce : Why Consumers Are Embracing Voice Assistants in Their Lives », ne laisse guère de place au doute. Dans trois ans, les assistants vocaux vont devenir l’un des « principaux modes d’interaction client […], avec un potentiel de croissance des achats […] de 500 % ».
Une évolution d’autant plus plausible que 24% des personnes utilisant l’assistance vocale déclarent d’ores et déjà la privilégier, au détriment d’un site internet. L’étude postule que cette proportion pourrait grimper à 40 % dans les trois prochaines années. Tout aussi déterminant pour l’avenir, « 31% des interviewés pensent qu’ils préféreront interagir avec un assistant vocal plutôt que de se rendre en magasin ou en agence bancaire ». Une évolution qui tient aux atouts intrinsèques de ces outils : « Ils suppriment la distance, ils sont pratiques et facilement accessibles, avec un smartphone ou une enceinte connectée, explique Thomas Saint Hilaire, directeur associé innovation chez Prosodie-Capgemini. La voix va s’imposer comme le mode principal d’interaction avec les clients. »
Des secteurs déjà avancés
En conséquence, les achats réalisés via des assistants vocaux vont connaître une poussée fulgurante. Leur part devrait passer de 3 % actuellement à 18 % du volume total des dépenses des utilisateurs d’ici à trois ans, réduisant de 45 % celles effectuées dans les magasins physiques et de 37 % celles réalisées sur les sites web. Même si l’usage des assistants vocaux se cantonne surtout pour l’heure à l’écoute de la musique en streaming et à la recherche d’informations, 35 % des personnes interrogées les utilisent aussi pour acheter des produits de consommation courante. Plus étonnant encore, 28 % des utilisateurs ont déjà effectué un paiement ou envoyé de l’argent avec la voix et 44 % seraient intéressés par la réa-lisation d’opérations bancaires. « Les secteurs de l’assurance et de la banque sont les plus avancés, précise Thomas Saint Hilaire. Le voicebot aura une mémoire du dossier client et une capacité d’analyse de sa situation tout à fait comparable à celle d’un être humain. Le deuxième secteur le plus intéressé est celui du retail. » Les médias ne sont pas en reste, pointe de son côté Vincent Luciani, directeur général d’Artefact : « L’essor des assistants vocaux ouvre la perspective d’une personnalisation toujours plus poussée des usages. »
En France, Oui.sncf a déjà engrangé une expérience conséquente, estimant à 300 000 le nombre de personnes qui utilisent son bot, sur son site ou sur Messenger. « La commande vocale sur les appareils mobiles donne lieu à 80 000 usages par mois, précise Julien Nicolas, directeur France de Oui.sncf. C’est une volumétrie modeste si on la compare à la masse totale des transactions, mais elle a déjà une dimension industrielle. » Au-delà d’une proximité inédite avec les clients, les bots doivent faciliter l’accès aux services : « Le conversationnel remplace les formulaires sur écran et dispense le client d’un travail de saisie, parfois complexe. » Le troisième enjeu, fournir les réponses les plus pertinentes, va encore exiger du travail : « Les bots sont encore limités dans les cas complexes, comme les allers-retours ou l’usage de différentes cartes d’abonnement », reconnaît Julien Nicolas.
50 % des requêtes par la voix
Ces limitations ne semblent pas pour autant freiner l’ardeur des adeptes, puisque leur taux de satisfaction atteint 71 %. L’étude de Capgemini cerne trois facteurs clés. La commodité d’usage des assistants vocaux est ainsi mise en avant par 52 % des personnes interrogées, la fonctionnalité mains-libres par 48 % et l’automatisation des actes d’achat routiniers par 41 %. Et ces utilisateurs satisfaits sont aussi de bons ambassadeurs de cette nouvelle technologie.
Pour Vincent Luciani, le futur est déjà écrit : « Nous croyons à un déploiement massif des assistants vocaux du fait de l’évolution des usages et des investissements des acteurs du marché. En 2020, ils pourraient traiter 50 % des requêtes. » La montée en puissance du vocal annonce aussi selon lui des usages inédits : « Les combinaisons entre voix et images sur écran ont sans doute aussi de l’avenir, prédit-il, car certains scénarios appellent une visualisation. Dans tous les cas, cela va simplifier le parcours du client. »
Avis d’expert
« Diversifier l’offre de brand content »
Sabrina Delale, consultante indépendante en marketing digital et communication
« Les annonceurs vont saisir l’opportunité du développement des assistants vocaux pour diversifier leur offre de brand content, qui pour l’instant existe essentiellement sous une forme graphique et visuelle. Les applications peuvent aussi s’inscrire dans une stratégie de cross selling, en faisant découvrir d’autres services aux utilisateurs. Il faut bien identifier en amont les cas d’usages pertinents, car les utilisateurs veulent de la rapidité et de la simplicité. Lors d’une recherche avec Google Home, un seul résultat est vocalisé, celui qui est en “position zéro”. Les marques doivent donc impérativement optimiser leurs sites et leurs contenus, afin d’avoir le meilleur référencement possible. L’autre grand enjeu est de développer la meilleure application conversationnelle et de la faire connaître, pour que les utilisateurs la demandent à leur assistant vocal. »