Oui.SNCF veut tout casser : les codes, les envies de voyager retenues prisonnières… Le site de réservation en ligne du transporteur public diffuse depuis le 21 janvier en TV et depuis le 24 sur internet son nouveau film « à clé » (dont la compréhension vient à la fin) visant à installer sa nouvelle marque. Petit rappel : depuis le 6 décembre 2017, Oui.SNCF remplace Voyages-SNCF.com. C’est la dernière étape du chantier de renommage de la SNCF, après les OuiCar, OuiBus, OuiGo et le fameux InOui. Une « positive attitude » que la société doit maintenant installer dans les esprits des 14 millions de visiteurs uniques par mois (Fevad) de Oui.SNCF, troisième site e-commerce en France en audience, derrière Cdiscount et Amazon. Alors pour se faire entendre, il a fait appel à son agence, TBWA Paris, avec laquelle il travaille depuis 2013. Et elle a trouvé une idée imparable… crier le fameux « Oui » pendant 45 secondes ! Le clip démarre lorsqu’un improbable char de cavalcade – en fait, inspiré de Mad Max – débarque dans un désert aride.
Le pilote active le son et donne la parole à sa passagère : une cantatrice fantasque aux airs de Bianca Castafiore. Sur son passage, ses vocalises brisent des cristaux de glace qui emprisonnaient jusqu’alors des voyageurs et leurs envies. Histoire de rendre le message lisible, l’agence les a matérialisés par d’autres chars, chacun représentant une destination. Cinq typologies de voyages sont évoquées : Paris (Tour Eiffel et restaurant), Londres (théière et garde royal), la montagne (téléphérique), la plage (sable et transats) et la campagne (bûche et une sorte d'hommes des bois…). Ainsi libérés, les différents chars se mettent en route et prennent part à l’aventure. Tous dans le même sens, ils se dirigent vers l’horizon et la conclusion de ce film à la musique épique annonçant la couleur : « Oui.SNCF libère vos envies de voyage. »
Réchauffer les relations
Cette prise de parole en grands médias est le troisième volet d’un dispositif plus complet. « Nous avons d’abord initié une campagne de preuves en confiant à des influenceurs le défi de tester le nouveau service, par exemple, en organisant une tournée des fromageries d’Auvergne », souligne François Bitouzet, directeur de la communication de Oui.SNCF. Ce projet a été confié à l’agence événementielle Auditoire (TBWA). Une fois la valeur de la nouvelle offre affichée, et des suggestions remontées, la marque a lancé la phase 2 du plan. C’était en juillet, avec TBWA Paris et l’agence Proximity BBDO. « Afin de commencer à montrer que l’on changeait de codes, pour aller du transactionnel vers le relationnel, nous avons organisé des événements tournant autour du spectacle et du divertissement. » Mais le cœur du réacteur, c’est bel et bien cette campagne multicanale.
« Sa volonté, détaille François Bitouzet, est de transmettre de l’enthousiasme, de la générosité et le tout, sur fond d’humour, car cela permet de créer de la connivence. » À l’orée de la libéralisation du transport de passagers (en 2019, avec le TER dans un premier temps), il va en falloir. D’autant que Oui.SNCF doit rivaliser sur la réservation de billets avec Trainline, acteur britannique qui doit sa présence en France au rachat en 2016 de la start-up française Captain Train pour quelque 189 millions de dollars. Un service purement transactionnel, lui, dont la valeur ajoutée est de ne proposer que de la commande de billets de train. Il affiche d’ailleurs la couleur avec son logo, aux tons verts assez froids. À l’inverse, Oui.SNCF joue la chaleur avec son logo orangé, au « O » en forme de soleil.
Après le geste, la parole
« Le brief était profondément positif, ce qu’incarne le site », indique Anne Vincent, vice-présidente de TBWA Paris. « Il a atteint une maturité aujourd’hui, et il est en mesure de proposer tous les modes de transport - train, avion, bus, voiture -, et de l’international. Il y a tout un tas de fonctionnalités dont les gens n’avaient pas forcément conscience, mais qui sont très intéressantes et qu’il fallait clarifier dans le discours », poursuit-elle. Pour le moment, la campagne ne dit pas tout, mais de prochaines phases seront déployées en 2018 en fonction des mesures de notoriété enregistrées. La société scrutera également le succès de nouvelles fonctionnalités dont elle n’est pas peu fière : primo, un chatbot, censé accélérer la réservation et créer une discussion en langage naturel – même si dans les faits, le vocabulaire sera un brin robotisé. Secundo, son calendrier des petits prix, associé à un système d’alertes. « Vous lui dites que vous souhaitez partir tel jour à tel endroit et sous tel prix, et lorsqu’un billet est disponible, on vous envoie un e-mail », met en avant François Bitouzet – à condition d’être assez flexible, notamment sur l’horaire de départ.
Cette relation client d’un nouveau genre est censée préfigurer l’entrée de la marque dans l’ère du « vocal ». Oui.SNCF est l’un des premiers acteurs français à s’être lancé sur Google Assistant. « Il n’y a pas de saut quantique mais nous devons proposer tous les modes à nos clients. Ensuite, à eux de choisir », résume François Bitouzet. « C’est la fin du monolithisme, les marques doivent être malléables, mais nous devons être vigilants pour ne pas diluer notre identité », ajoute-t-il. Question d’autant plus importante que la concurrence approche.
Chiffres clés :
4,1 milliards d'euros. Le volume d’affaires en 2016 (Oui.SNCF)
14 millions. Nombre de visiteurs uniques par mois (Fevad)
30,8 millions d’euros. Montant investi en médias en 2016 (-22,6%) (Kantar Media)