PSA s'agrandit. Outre ses deux marques fondatrices Peugeot et Citroën, le groupe automobile s'enrichit d'une nouvelle marque positionnée plus haut de gamme: DS. Lundi 14 avril, lors de la présentation du nouveau plan stratégique du groupe, baptisé «Back in the race», Carlos Tavares, le président du directoire, a annoncé poursuivre la clarification du positionnement des marques du groupe initié en 2010. Ainsi, DS, une des gammes emblématiques de la marque aux chevrons, s'affranchit de sa maison mère pour devenir une marque à part entière. Désormais marque premium de PSA, elle sera commercialisée aux côtés de la marque généraliste haut de gamme Peugeot et de «la marque au budget maîtrisé» Citroën.
Pour le spécialiste en stratégies de marque Pierre-Louis Desprez, directeur général associé du cabinet spécialisé dans le conseil en innovation et en création de noms Kaos Consulting, ce repositionnement est avant tout une question d'image: «Les clients ne peuvent pas acheter une voiture à prix accessible et une voiture premium de la même marque. Le statut et l'image comptent. PSA s'engage sur la même voie que Toyota, qui avait lancé la marque Lexus pour vendre des véhicules plus haut de gamme.»
«Avec DS, le secteur automobile français est de retour dans le premium, s'enthousiasme Yves Bonnefont, directeur général adjoint de Citroën et directeur de la stratégie de PSA. Voir une nouvelle marque apparaître est quelque chose d'exceptionnel dans le secteur, où l'on a plutôt tendance à en voir disparaître», poursuit-il. Pour illustrer cette césure, les nouveaux modèles de DS délaisseront les traditionnels chevrons de Citroën pour adopter la nouvelle calandre DS Wings, avec en son centre le logo DS imaginé en 2010 par les équipes de Jean-Pierre Ploué, alors directeur du style de Citroën. Cette calandre est déjà visible sur la DS 5 LS, uniquement commercialisée en Chine.
Nouvelle clientèle
En «poussant» DS, PSA ne prend pas de risques démesurés. En effet, cette ligne, relancée en mars 2010 en Europe (après avoir été produite entre 1955 et 1975), est un succès. «On a passé la barre des 500 000 voitures vendues» pour les trois modèles déjà commercialisés (DS 3, DS 4 et l'hybride DS 5), souligne Yves Bonnefont. «Ces véhicules attirent des clients plus jeunes, qui cherchent un style et une attention particulière donnée aux détails. Deux tiers des acheteurs d'une DS n'étaient pas des clients de PSA.» Ce que confirme Frédéric Banzet, directeur général de Citroën: «Les clients de Citroën sont à la recherche de confort, d'une voiture facile à utiliser. Ils sont moins en demande d'expérience consommateur et d'image.»
Pour séduire cette nouvelle clientèle, Citroën a ainsi ouvert en novembre 2013, au 33 rue François Ier, à Paris, un nouveau lieu entièrement consacré à l'univers DS: le DS World Paris. Deuxième du genre, après Shanghai, cet espace de vente (avec une nouvelle ligne de bagagerie) et d'exposition retraçant l'histoire de ce modèle emblématique, offre aussi une programmation d'événements artistiques et culturels.
Le succès des modèles DS, Yves Bonnefont l'attribue à l'ex-maison mère de DS, Citroën, et à «la force de son réseau». D'ailleurs, en Europe, DS ne bénéficiera pas d'un réseau de distribution propre, du moins à moyen terme. «Il faudra une dizaine d'années pour que les Français considèrent DS comme une marque», estime Yves Bonnefont. En revanche, des espaces particuliers seront mis en place dans les concessionnaires Citroën, avec des éclairages et des sols particuliers.
Avant le lancement européen, PSA avait lancé DS en tant que marque à part entière sur le marché chinois, en juin 2012. «Nous avons commencé par la Chine, car c'est le deuxième plus grand marché au monde pour les voitures premium, derrière les Etats-Unis, où PSA n'est pas présent», explique Yves Bonnefont. La marque sera présente dans les deux cents villes les plus riches du monde. D'ici 2020, PSA veut faire de DS une marque internationale. Si aujourd'hui, 85% des DS sont vendues en Europe, PSA souhaite d'ores et déjà en vendre la moitié hors du Vieux Continent d'ici à 2015.
Le positionnement premium de DS se traduit également dans la publicité. Actuellement sous contrat avec Les Gaulois, auparavant H, agence historique de Citroën, DS a depuis 2010 un univers spécifique: si les publicités présentent les véhicules Citroën sur un fond blanc, celles de DS se montrent avec un fond noir. Cet univers se décline également sur les salons, «où le stand DS est plus luxueux», précise Yves Bonnefont. Pour autant, rien ne filtre concernant une nouvelle signature spécifique à DS ou une éventuelle redistribution du budget publicitaire de la marque. Côté médias, le budget Citroën (319,1 millions d'euros en 2013) est géré par l'agence Havas Media (qui gère aussi Peugeot, dont l'agence créative est BETC).
Un plan qui concerne toutes les marques
Outre le lancement de la marque DS, le plan «Back in the race» souhaite également offrir un nouveau positionnement aux marques Peugeot et Citroën. La première sera désormais la marque généraliste haut de gamme du groupe tandis que la seconde ciblera les attentes clés des clients au meilleur coût possible. «Carlos Tavarez a décidé d'enterrer la hache de guerre entre les deux frères ennemis du groupe, qui avaient jusqu'à présent un positionnement voisin. Désormais, Citroën sera présentée comme la marque aux prix accessibles tandis que Peugeot proposera des prix supérieurs», résume le spécialiste Pierre-Louis Desprez.
Ce positionnement n'est pas perçu comme une surprise dans la marque au lion. «Peugeot est la marque la moins impactée des trois. Pour nous, il ne s'agit que de continuer et d'amplifier un travail déjà initié il y a quelques années, avec notamment le renouvellement de notre gamme en 2012», assure Guillaume Couzy, directeur de la communication et du marketing de Peugeot. Selon lui, cette montée en valeur de la gamme «permet d'améliorer la rentabilité des produits, en diminuant l'écart de prix avec notre concurrent Volkswagen» tandis que Citroën rivalise davantage avec des constructeurs comme Renault, Ford et Toyota.
Pour illustrer ce positionnement, une campagne de marque avait d'ailleurs été lancée en Europe au deuxième semestre 2013. Signée BETC et articulée autour de la signature «Motion & Emotion», cette publicité véhiculait le message que «les voitures Peugeot bénéficient d'un socle de robustesse mis au service de l'émotion, qui se traduit par le design et les sensations de conduite», explicite Guillaume Couzy. Une deuxième vague publicitaire devrait être lancée courant 2014.
Du côté de Citroën, même son de cloche. «Hormis la sortie de DS de notre giron, Citroën ne connait pas de changement majeur», souligne Frédéric Banzet, son directeur général. Il ne s'agit pas d'un nouveau positionnement de la marque, qui reste axée sur des valeurs de confort, de design et de technologie utile pour un budget maîtrisé. D'ailleurs, la nouvelle C4 Cactus, qui sera commercialisée à partir de juin, illustre bien ce territoire de marque»«. «Creative technology», sa signature adoptée en 2009, en même temps que son nouveau logo, sera inchangée. S'il se refuse à donner des détails, Frédéric Banzet ajoute toutefois qu'un «nouveau système publicitaire pour Citroën, notamment en termes de choix graphiques, sera mis en œuvre progressivement».