Contrats tripartites ou négociations de tarifs au cas par cas, alors que la réglementation de la musique dans les jeux vidéo a longtemps été un problème pour la Sacem, des nouvelles mesures se mettent progressivement en place.

« Ça n’a pas été un long fleuve tranquille avec les jeux vidéo… », se remémore Thomas Zeggane, directeur des licences online de la Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (Sacem), au micro de l’auditorium de la Sacem, fin novembre. Durant la matinée Musique & Gaming, organisé par la société, il revient sur ce qu’il appelle « l’affaire Cryo » : « Dans les années 2000, la Sacem avait des contrats avec les jeux vidéo, mais tout a culminé avec le studio Cryo, qui a rendu les relations avec l’industrie du gaming compliquées ». La société, qui a été accusée par la SACEM de reproduction non autorisée des oeuvres de son répertoire dans les jeux vidéo qu’elle produisait, éditait et commercialisait, s’est notamment pourvue en Cassation.

​​​​​Dès 2010, la SACEM a décidé de changer d’approche, en mettant en lien à la fois les éditeurs de musique, l’industrie du jeu vidéo et elle-même, à travers un contrat tripartite. « Notre premier accord a été réalisé avec l’entreprise Ubisoft, complète le directeur of licensing. Il a permis de débloquer une situation qui était dommageable pour l’industrie du jeu vidéo mais aussi pour la Sacem. »

Une équipe dédiée a ainsi vu le jour au sein de la Sacem, aujourd’hui pilotée par Louis Fritsch, Business developper videogames de la Société des Auteurs. Ce pôle permet de fluidifier les échanges, en rendant la communication et l’identification des interlocuteurs plus simple.

Une réglementation au cas par cas

Lors d’un accord tripartite, la rémunération de l’auteur est discutée. La Sacem fait une prévision du nombre d’exemplaires du jeu qui vont se vendre, pour payer l’auteur de manière proportionnelle. Patricia Kouto, directrice associée d’Ubisoft, connait ce processus par cœur : « L’idée est que si le jeu explose au-delà de ce qui a été négocié, l’auteur se retrouvera rémunéré de façon proportionnelle. »

Mais cette démarche est encore en pleine expérimentation, à l’inverse de l’utilisation de la musique au cinéma : « Aujourd’hui quand un producteur de films veut mettre de la musique dans son oeuvre, la démarche est relativement simple […] car les normes sont claires et précises. Le jeu vidéo, à l’inverse, est un nouveau média, donc nous n’avons pas encore de gestion collective », pointe la directrice associée d’Ubisoft. Cette absence de règles claires amène la Sacem à mettre en place des discussions au cas par cas. Une contrainte que Patricia Kouto voit comme une solution « pour parvenir, à terme, à un terrain juridique clair. »

Cependant, cette méthode n’est pas applicable à tous les cas de figure, notamment lorsque la musique en question est l’essence du jeu, à l’image de Just Dance, qui appartient d’ailleurs à Ubisoft. « Dans les jeux musicaux comme Just Dance, il y a une centaine de chansons. Il n’est pas possible de négocier dans ce cas-là avec les millions d’artistes, donc nous mettons en place des accords industriels que l’on appelle les licences », explique Patricia Kouto.

Des revenus complémentaires pour les artistes

Face aux constantes évolutions de l’industrie du jeu vidéo, la Sacem améliore perpétuellement ses modèles. Simon Lhermite, responsable Legal & Business affairs Online Sacem confie : « Au début, nous avions quelque chose qui n’était absolument pas adapté, c’était une tarification à la minute, ça ne marchait pas du tout. ».

Un système de rémunération complémentaire, en cas de succès immense d’un jeu, a donc été mis en place récemment. « Nous avons développé un modèle de « Flat capping » (plafonnement), explique Simon Lhermite. Nous déterminons un capping de vente et de revenu, en fonction du studio de jeu et de l’éditeur de musique. Ce plafond va permettre de développer, si le jeu marche bien, des rémunérations complémentaires pour les créateurs. »

Le responsable Legal & Business affairs Online précise que « c’est un modèle qui ne pèse pas sur l’industrie de manière trop forte, puisqu’il fait effet au moment où le jeu commence à devenir rentable et génère donc beaucoup d’argent. »

Cette synergie entre la musique et les jeux vidéo apporte donc à la fois à l’œuvre gaming, qui se voit améliorée par la présence instrumentale, et au compositeur, qui peut bénéficier de ces revenus complémentaires, mais également d’une visibilité plus importante sur un média particulièrement orienté vers les cibles jeunes.

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