Luciano Benetton, fondateur de la marque de prêt-à-porter du même nom, est un autodidacte qui a quitté l'école à quatorze ans. Il s'est appuyé sur ses intuitions et ses observations pour transformer son petit commerce familial de pulls en un grand nom de l'habillement dans le monde. Un self made man à l'italienne en somme.
Mardi 24 avril, son fils Alessandro a été nommé président du groupe. Titulaire d'un MBA à Harvard et mari de l'ex-championne de ski italienne Deborah Compagnoni, il a travaillé à la banque d'affaires Goldman Sachs avant de créer un fonds d'investissement. «Alessandro Benetton possède de bonnes connaissances de la finance et des stratégies d'entreprises, qu'elles soient familiales ou cotées en Bourse, comme Benetton l'était jusqu'à peu», note Frédéric Godart, sociologue à l'Insead et auteur de Sociologie de la mode (éditions La Découverte). Cette opposition de style sera-t-elle synonyme de grand changement pour la marque? « Nous ne changerons pas radicalement, mais nous ferons des ajustements, assure Luca Biondolillo, responsable de la communication institutionnelle du groupe Benetton. Nous comptons nous concentrer sur la perception de nos produits par le consommateur.» Embauché l'an dernier, le directeur de création You Nguyen s'occupe ainsi à la fois du design et du merchandising dans les magasins.
A l'heure actuelle, Benetton est confronté à un problème de positionnement sur un marché du prêt-à-porter très mature dans les pays développés. En milieu de gamme, les coûts augmentent, mais les marges et les volumes rétrécissent. «Ce créneau est le plus difficile de l'industrie de la mode, souligne Frédéric Godart. En comparaison, la “fast fashion” [le prêt-à-porter de masse] et le luxe sont plus porteurs.» Dans les pays émergents, Benetton met en avant sa notoriété. «Nous sommes l'une des deux marques les plus connues en Inde, nation que toutes les marques rêvent de conquérir», affirme Luca Biondolillo.
A la recherche d'une gloire passée
Mais Benetton possède de nombreux atouts. Forte d'une chaîne de plus de 6 000 magasins et d'une équipe dirigeante jugée compétente, la marque a plusieurs pistes pour renouer avec le succès. «Une solution consisterait à s'en sortir par une montée en gamme, à l'image de Lacoste, explique Frédéric Godart. Cela signifie une augmentation des prix, de la créativité et une diversification de l'offre.» L'autre piste consisterait en une stratégie identique à celle mise en œuvre par Inditex, le groupe d'habillement espagnol propriétaire de Zara, c'est-à-dire la constitution d'un portefeuille de marques par segment de clientèle (cf. Stratégies n° 1664 du 02/02/2012). Pour l'instant, le groupe italien compte dans ses rangs United Colors of Benetton, pour le milieu de gamme, Playlife, pour une cible jeune, surtout en Italie, et Sisley, au positionnement plus mode.
A la recherche de sa gloire passée, la marque a lancé l'an dernier «Unhate», une campagne publicitaire qui se voulait une prise de parole choc et sociétale (cf. Stratégies n° 1656 du 24/11/2011). Il n'est pas certain que la création de son agence de communication intégrée, La Fabrica, ait réussi à toucher les esprits de la même manière que les campagnes d'Oliviero Toscani sur le racisme ou le sida dans les années 1990.