politique
Les candidats baignent dans les billets verts. Une manne offerte par les «Super PAC», ces puissants comités d'action politique contre lesquels commencent à s'élever des citoyens.

Le «Super Tuesday» du 6 mars, moment clé des primaires républicaines pour choisir le candidat que le parti conservateur opposera au champion démocrate Barack Obama lors de l'élection présidentielle de novembre prochain, a une nouvelle fois montré combien le roi dollar règne sans partage outre-Atlantique. Pour faire pencher la balance en faveur de Mitt Romney, Newt Gingrich, Ron Paul ou Rick Santorum, les équipes de campagne républicaines ont travaillé au corps l'Ohio, le Massachusetts, la Georgie, l'Alaska… Et quand elles ont cru être dépassées par la concurrence, elles ont demandé aux «Super PAC» (Political Action Committees) de prendre la relève.

Ces comités d'action politique sont de puissantes machines à faire des candidats qui inondent de publicités les États à convaincre. Interdits depuis le Watergate, ils ont été replacés au centre du jeu début 2010 par la Cour suprême des Etats-Unis qui a estimé, aux termes de deux litiges, que le gouvernement n'a pas le droit de règlementer le discours politique et de fixer un plafond aux contributions des sympathisants. Une aubaine pour les républicains, qui n'ont pas tardé à tendre la sébile à des milliardaires amis, prêts à signer des chèques d'une montant de 10 millions de dollars pour leur candidat préféré.

«Restaurer notre futur» et ses 37 millions de dollars soutiennent ainsi l'ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney. Newt Gingrich, l'ex-speaker (président) de la Chambre des représentants, profite des 13 millions de «Gagner notre avenir». Le très religieux Rick Santorum s'appuie sur le fonds «Rouge, blanc, bleu». Le républicain libertaire Ron Paul peut compter quant à lui sur «Soutenir la liberté». L'association «Center for Responsive Politics» a déjà recensé 343 Super PAC qui ont accumulé au total 130 millions de dollars et déjà dépensé 61 millions lors des primaires.

Ainsi, lorsque New Gingrich semblait perdre pied, il a finalement gagné la Caroline du Sud grâce aux spots acides sur Mitt Romney. Quelques semaines plus tard, Rick Santorum remportait in extremis l'Iowa, avec l'aide de publicités télévisées de dernière minute payées par «Rouge, blanc, bleu», le Super PAC préféré de Foster Friess, un milliardaire des fonds mutuels qui déteste les syndicats, le mariage homosexuel et l'interventionnisme des pouvoirs publics. «Ces Super PAC, au financement illimité, sont les véhicules idéaux des super-riches et des entreprises désireuses de gagner en influence, dénonce Fred Wertheimer, le président de l'ONG Democracy 21. Ils peuvent potentiellement corrompre l'ensemble du système politique.» L'avocat Lawrence Noble, du cabinet Skadden Arps, un expert en financement de campagne, est tout aussi pessimiste. «Un petit nombre d'individus très riches change le processus de nomination des candidats en maintenant artificiellement la campagne d'un politique, explique-t-il. Ces fabriques de candidats vont avoir un effet psychologique terrible sur le public.»

Surenchère

Face à ce raz-de-marée, Barack Obama, d'abord opposé aux Super PAC, a finalement fait volte-face. Il vient de mettre sur orbite «Priorities USA Action», un Super PAC démocrate soutenu par les syndicats et les pontes d'Hollywood, tel le producteur de dessins animés Jeffrey Katzenberg.

Cette surenchère a propulsé les dépenses de campagne à un niveau jamais atteint auparavant. Brad Adgate, directeur des recherches de l'agence Horizon Media, parie cette année sur des dépenses totales de 3 milliards de dollars. Anthony Di Clemente, analyste à la banque Barclays Capital, table sur 2,6 milliards, soit 45% de plus que les dépenses enregistrées lors de la présidentielle de 2008. Un flot de billets verts que les amis de Democracy 21 espérent endiguer par la loi. Le combat des simples citoyens contre les super-riches ne fait que commencer.

 

 

Sous-papier

Les télévisions locales passent à la caisse

La manne de la présidentielle américaine profitent avant tout aux télévisions locales: 75% à 85% des publicités leur sont destinées, assure Anthony Di Clemente, analyste chez Barclays Capital, le reste allant sur les radios, Internet et les portables (10%). «Autrefois, les équipes des candidats achetaient leurs minutes d'antenne aux réseaux nationaux de télévision, explique Brad Adgate. Mais Bill Clinton a changé la donne en se concentrant sur les États qui peuvent basculer vers l'autre parti.» Aujourd'hui encore, les stations locales restent le médium préféré des politiques. «La télévision envoie le bon message aux électeurs,ses auditeurs sont plus âgés et prennent l'acte de vote plus au sérieux que les jeunes», poursuit-il. Leslie Moonves, le PDG de la chaîne CBS, propriétaire de dix stations dans les États «à bascule», se frottait les mains récemment dans une conférence à Wall Street: «Il va y avoir beaucoup d'argent dépensé. Je ne dis pas que c'est mieux pour l'Amérique, mais ce n'est pas mauvais pour CBS.»  Lin TV, propriétaire de dix-sept stations dans douze États très convoités, prévoit cette année une hausse de son chiffre d'affaires de 12%, à 457 millions de dollars. CBS, qui détient vingt-neuf stations locales, table sur une augmentation de 9,4% de ses recettes. La chaîne devrait engranger 230 millions de dollars en publicité politique.

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