L'affaire secoue le petit monde du Web depuis quelques jours. Mardi 14 février, le blog Coup de pub a mis en cause Orangina pour avoir "trompé ses fans" en faisant appel à de faux profils pour booster sa page Facebook et maîtriser ses contenus. La marque, dont la communication est gérée par l'agence Fred & Farid, a aussitôt déclaré sur sa page Facebook qu'elle avait pris note des récriminations et qu'elle allait "creuser ce point".
Six jours plus tard, Aline Bonnet, responsable de la stratégie média d'Orangina Schweppes, déclarait: "Il s'agit d'un phénomène isolé portant sur treize faux profils ou fanpages sur 335 000 fans. Nous les avons transmis à Facebook pour les supprimer. Afin d'être plus vigilants, nous réfléchissons à une réorganisation de notre community management et nous allons renforcer notre expertise interne en la matière. Enfin, nous lançons un compte Twitter Orangina Schweppes France pour créer une espace de dialogue plus réactif".
L'affaire relance le débat sur la course aux fans et ses dérives, un mois après que le community manager de Bouygues Télécom a découvert qu'une employée de Free s'était fait passer pour une cliente de SFR et Bouygues pour critiquer les deux opérateurs sur leurs pages Facebook. Des polémiques qui interviennent alors qu'une étude de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les faux avis de consommateurs sur Internet a lancé depuis un an plusieurs procédures contentieuses.
En dépit de la recommandation de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sur la communication publicitaire digitale ("un message publicitaire ne saurait induire le public en erreur sur l'identité de son émetteur et sa qualité"), certaines pratiques subsistent encore, des faux avis de consommateurs à l'achat de fans Facebook et/ou de followers sur Twitter. Il existe d'ailleurs une multitude de sites spécialisés dans l'achat de ces précieux contacts comme Usocial, Socialkik, Socialpromotionz, Fanbullet ou acheter-des-fans.com et achatfans.com. Les prix oscillant entre 50 et 200 dollars les 1 000 fans.
(experts)
Un acteur du Web
Damien Vincent, directeur marketing France de Facebook
Oui mais. "Ce sont des pratiques que Facebook ne cautionne évidemment pas. C'est même le contraire de la stratégie à suivre qui consiste plutôt à privilégier la qualité à la quantité. Nous avons d'ailleurs développé des outils de mesure détaillée pour que les marques puissent mieux comprendre l'engagement de leurs fans, comme "X personnes en parlent", mesurant le nombre de personnes générant des notifications sur la marque. Si certes le volume peut être un critère important, l'objectif est avant tout de construire des relations avec ses fans. Or sur ce point, le marché a beaucoup évolué ces derniers temps."
Une agence conseil
Paul Boulanger, directeur associé chez DDB Paris
Oui. "Malheureusement, certaines marques "drivent" leurs pages comme une sorte de 4x3 social. Elles confondent encore la communication descendante des médias traditionnels et celle sur les réseaux qui fonctionne plutôt en bottom-up. Sur ce type de média, il s'agit plus de canaliser la communication que de la maîtriser voire de la contrôler. Ne pas respecter ses règles, c'est prendre un gros risque pour la marque, c'est vrai, mais c'est aussi et surtout se priver de tout ce que peut appporter les réseaux sociaux à savoir des insights consommateurs et le moyen de prendre la température sur sa marque en continu".
Une société qui organise des événements sur Facebook
Jérémie Wainstain, PDG de Digibonus
Oui si c’est le seul leitmotiv. Je dis à mes clients: «Vous devez élever vos fans au grain.» C'est à dire réellement les nourrir et surtout ne pas s'arrêter au recrutement. Si une marque est leader sur son marché, elle peut être tentée d'afficher rapidement plus d'un million de fans, pour des questions de prestige. Entre des marques concurrentes d'un même secteur, le nombre de fans peut varier de 100 000 à 1 million de fans. Mais si une marque dispose d'une communauté d'un million de fans et que le taux d'interaction n'est que de 0,1%, à quoi cela sert-il? Les mentalités sont en train de changer et c'est logique car nous sortons d'une phase d'apprentissage, l'arrivée massive des marques françaises sur Facebook n'a réellement démarré que depuis le premier trimestre 2011.