Un auteur d'images… sont les mots certainement les plus justes pour raconter le talent de Jean-Paul Goude. En effet, que celui-ci se mute en photographe ou en réalisateur, tout commence par un dessin.
Le croquis avant toute chose, jusqu'à recommencer quinze fois si le trait de crayon n'est pas satisfaisant. Des esquisses qui deviendront des Ekta découpés, des photographies, des affiches, des films ou encore des œuvres géantes, comme les valseuses ou la locomotive du défilé du bicentenaire de la Révolution française, en 1989. C'est ce que montre et dévoile le créateur tout au long de la rétrospective que le musée parisien des Arts décoratifs lui consacrent, du 11 novembre 2011 au 18 mars 2012.
L'occasion pour Stratégies de revenir sur le parcours de Jean-Paul Goude dans la publicité (voir aussi So Goude). Des professionnels témoignent, ainsi, de leur collaboration avec le créateur, le temps d'un tournage ou d'un shooting. Des souvenirs marquants qui appartiennent désormais au patrimoine de la publicité. D'ailleurs, à l'occasion de la rétrospective des Arts déco, certaines des «réclames» de Goude (comme il les appelle) se transforment, elles aussi, en œuvres.
On y découvre deux automates de l'artiste afro-américaineGrace Jones, reconstruits pour l'occasion en hommage à la publicité Citroën. De même, les affiches des Galeries Lafayette deviennent images sur une succession d'écrans reconstituant le passage d'un métro. Une nouvelle démonstration de l'art vivant créé par ce «Goudemalion», comme l'avait surnommé le sociologue Edgar Morin.
Même glacé, figé le temps d'un cliché, il leur redonne toujours vie sur un autre support. Ses publicités en sont une belle démonstration. Son talent a réussi, depuis 1983, à faire naître un des plus beaux mélanges qui soit entre art et publicité.
Le produit ou la marque est sublimé
C'est grâce au publicitaire Philippe Michel que «JPG» va faire son entrée dans ce métier qu'il utilisera, dès lors, comme un prolongement de son imagerie. De Lee Cooper à Chanel en passant par Kodak ou Perrier, c'est tout l'univers artistique de Jean-Paul Goude qui s'exprime.
L'artiste ne devient pas moins créatif parce qu'il travaille sur commande. Ainsi, la saga Galeries Lafayette dure, sans s'épuiser, depuis maintenant dix ans. Un record de longévité célébré par une pièce entière aux Arts décoratifs, les Galeries étant par ailleurs le principal mécène de la rétrospective.
Plusieurs Lions d'or et d'argent au Festival international de la publicité, à Cannes, viendront aussi récompenser son travail. Jusqu'à l'apothéose avec le spot «La Lionne» pour Perrier, qui décroche en 1991 le Grand Prix film. Cette même année, le chroniqueur du Monde Pierre Georges qualifie d'«irremplaçable bref-métrage» son spot «Coco» pour Chanel. N'en jetez plus!
Mais Jean-Paul Goude fait-il réellement de la publicité? «Marques faibles s'abstenir», prévient d'emblée Jacques Séguéla, vice-président du groupe Havas. En effet, l'aura du créateur peut être fatale. Le produit à vendre est pourtant là, mais il est tellement sublimé, intégré dans l'univers de l'artiste que le consommateur peut l'oublier.
De Goude ou du produit, qui sera la star? A la sortie d'une campagne de publicité, certaines marques ont parfois eu le sentiment de s'être fait cannibaliser. Ainsi, le Club Med en 1987 mettra fin plus rapidement que prévu à la diffusion de son spot, et du coup à sa collaboration avec le réalisateur.
Avec son sens de la formule, l'animateur Thierry Ardisson lance au créateur, en 1988: «C'est du Goude. C'est du Goude, signé Kodak. C'est du Goude, signé Orangina. C'est du Goude, signé Citroën ou Lee Cooper…»