Ces dernières années, le film collectif sublimant une ville sous l'œil croisé de différents réalisateurs est devenu un genre en vogue. Paris, je t'aime en 2006, filmé par Olivier Assayas, Frédéric Auburtin, Sylvain Chomet, Ethan et Joel Coen, puis New York, I love you en 2010, réalisé entre autres par Fatih Akın, Yvan Attal et Shekhar Kapur, ont contribué à populariser le genre. Dernière initiative en date: 7 jours à La Havane, un long-métrage composé de sept histoires (une par jour, du lundi au dimanche), écrit par le romancier cubain Leonardo Padura et réalisé par Benicio del Toro, Gaspar Noé, Laurent Cantet, Juan Carlos Tabio, Pablo Trapero, Julio Medem et Elia Suleiman. Chacun offrant, en 15 à 20 minutes, sa vision de la capitale cubaine.
Mais au-delà du concept, 7 jours à La Havane (en salles au premier semestre 2012) présente surtout la particularité d'être coproduit par une marque, en l'occurrence Havana Club. Le rhum du groupe Pernod Ricard, produit à Cuba, est en fait «mécène» de ce projet dont le coût avoisine les 3 millions d'euros. «Aux côtés de celles notamment des sociétés de production française Full House et espagnole Morena Film, notre contribution, qui représente l'équivalent d'un spot de publicité à la télévision, ne nous permet pas en effet de bénéficier des retombées commerciales du film», précise Yves Schladenhaufen, directeur marketing d'Havana Club, qui a eu toutefois un droit de regard sur le choix des réalisateurs. C'est bien là l'originalité du projet, qui n'est ni une opération de placement de produit traditionnel, ni un film de commande comme I'm here de Spike Jonze pour Absolut. Mais, compte tenu qu'Havana Club représente 70% du marché du rhum à Cuba, la marque est de fait bien présente dans le film.
L'Europe sur la route du rhum
«Vu le lien historique qu'entretient Havana Club avec la culture locale et le fait que le marketing soit antinomique avec une marque cubaine, nous devions faire quelque chose de non conventionnel. Et ce, d'autant que le consommateur aujourd'hui, de plus en plus critique vis-à-vis de la publicité classique, demande des contenus originaux», explique Yves Schladenhaufen. Ayant en mémoire le succès planétaire en 1999 du film Buena Vista Social Club de Wim Wenders, le directeur marketing et son agence M&C Saatchi GAD espèrent, avec 7 jours à La Havane, créer un sentiment positif autour de Cuba. «Havana Club est la seule marque cubaine mondiale, rappelle Daniel Fohr, directeur de création et cofondateur de l'agence. Ce qui est bon pour La Havane est donc bon pour la marque.»
L'idée qu'Havana Club et son agence caressaient depuis pas mal de temps prend donc forme aujourd'hui avec l'intention de «remettre la capitale cubaine à l'esprit des Européens», gros consommateurs de rhum. Les marchés clés d'Havana Club, une des quinze marques prioritaires du groupe Pernod Ricard, sont en effet l'Allemagne, la France et l'Italie, où la marque est leader des rhums premium, suivis de l'Espagne et de la Grande-Bretagne. Le Canada, le Mexique et le Chili offrent aussi de gros débouchés. Et si les États-Unis lui sont interdits (embargo des produits cubains oblige), la marque ne désespère pas d'y diffuser 7 jours à La Havane. Pour l'heure, Wild Bunch a déjà signé la distribution du film dans vingt-huit pays.
Pour la 22e marque de vins et spiriteux la plus vendue dans le monde et 28e de son secteur en termes de valeur de marque (classement Intangible Business), Pernod Ricard ne compte pas lésiner sur les moyens. Sont en effet prévues d'imposantes opérations promotionnelles (avant-premières, promotions, jeu-concours, courts-métrages autour du tournage, site spécial pour le film), même si officiellement les objectifs restent qualitatifs.