Un doublé qui a fait l'effet d'une petite bombe. SFR annonçait, lundi 7 février par communiqué, qu'il annulait l'augmentation prévue du prix des abonnements mobiles à la suite de la hausse de la TVA à 16,9% sur les mobiles, effective au 1er février. Moins d'une heure après, Orange baissait les armes à son tour.
Motif évoqué par SFR? «Les informations et les rumeurs contradictoires circulant depuis début janvier ont généré une grande confusion auprès de nos clients», plaidait alors par communiqué Frank Cadoret, directeur général grand public de SFR. Seuls 5 millions de ses clients étaient concernés par la hausse de la TVA, mais «tous pensaient l'être», nous précise SFR. Dès le 1er février, l'opérateur a dû faire face à un afflux d'appels et à «20 000 demandes de résiliations supplémentaires», avouait Frank Cadoret au Monde, le 7 février.
D'autant que, depuis début février, les pratiques de SFR, pointées du doigt par l'UFC-Que Choisir, ont fait beaucoup parler d'elles. D'après l'association, SFR concentre alors 70% des plaintes, contre 16% pour Orange et 8% pour Alice et Free (groupe Iliad).
Dans la foulée, SFR s'est fendu d'envois de SMS auprès de ses clients, précisant les avoir «écoutés [...] et a décidé de ne pas mettre en œuvre le projet d'augmentation des tarifs pour ses abonnés mobile à la suite de la hausse de la TVA». La marque a pris soin de monter in extremis une campagne publicitaire visible dans la presse quotidienne depuis le 9 février. Conçue par Leg, elle est signée «Non à la TVA? SFR dit oui à ses clients» (Stratégies n°1620 du 10 février 2011).
Orange, bon gré mal gré, a pris la même décision que SFR: «Nous nous en doutions, mais c'est quelque chose que nous déplorons, que nous avons dû gérer dans l'urgence», nous lâchait un porte-parole d'Orange le 7 février au soir. Avant de rectifier le tir quatre jours plus tard, et de préciser: «Nous avions élaboré des scénarios, nous y étions préparés.» L'opérateur historique s'est contenté d'une simple communication par SMS et via son service client. Mais il est vrai que contrairement à SFR, il n'a pas été pris d'assaut par un afflux d'appels, d'autant que seuls 3,5 millions de ses clients étaient concernés par la hausse de la TVA.
SFR «débordé»
Dans les faits, les deux leaders du marché ont bien été confrontés à une situation de communication de crise. Pour le plus grand plaisir de Bouygues Telecom, qui avait affirmé dès le 20 janvier dernier son opposition à la hausse de la TVA (Stratégies n°1619 du 3 février 2011) mais aussi de l'opérateur mobile virtuel Virgin Mobile, qui enjoignait ses clients potentiels d'«arrêter de [se] faire tondre». «SFR s'est laissé déborder. D'où son revirement le 7 février, sur le mode du "Je vous ai compris", face à la pression exercée à la fois par ses clients, la blogosphère, les associations de consommateurs, les autorités de régulation et les pouvoirs publics», résume Tea de Pesloüan, directrice générale adjointe et directrice du département affaires publiques et gestion de crise à l'agence Burson-Marsteller. Parallèlement, l'UFC-Que Choisir «s'est positionnée en arbitre, en tentant de rationaliser le débat», ajoute-t-elle. Une position royale. «Dès novembre, nous avions préparé un kit juridique, qui a été téléchargé au moins 500 000 fois, et lancé un appel à témoignages pour dénoncer les pratiques déloyales des opérateurs», précise Édouard Barreiro, chargé de mission TIC de l'association. Avec un retour sur image garanti.
Avec ce revirement, au final, les grands perdants seront peut-être Bouygues Telecom et Virgin Mobile, qui ont misé sur un positionnement commercial différenciant. À noter enfin un point de détail: en annulant la hausse des abonnements, Orange et SFR privent leurs clients de la possibilité de résilier leur contrat gratuitement.