Au revoir Marcel. Canderel se sépare de l'agence de Publicis qui gérait son budget français depuis deux ans et entamera en 2017 une nouvelle communication avec BBDO qui a remporté sa plateforme internationale. Créée en France en 1980, la marque d'édulcorant du groupe Merisant s'exporte en effet en Europe et jusqu'en Afrique du Sud et au Mexique, même si son image reste intimement liée aux Parisiennes de Kiraz popularisées par Young & Rubicam pendant presque dix ans.
À l'origine, Canderel est un médicament lancé en pharmacie. Son nom est un condensé de «candy», sucre en américain, et «airelle», la petite baie qui évoque la légèreté. Ce n'est qu'en 1988, lorsqu'il arrive en grandes surfaces sur le créneau du sucre 0%, que l'édulcorant commence à communiquer.
«La première étape a consisté à faire de la pédagogie sur le produit, retrace Olivier Badinand, vice-président, directeur général France et Benelux. La publicité montrait un PDG avec le slogan “Ça ne change rien et c'est ça qui change tout”.»
Deux ans plus tard, alors qu'elle atteint déjà 90% de notoriété, la marque est prête pour un message plus féminin autour de la gourmandise. Cette copie signée «À nous la liberté» durera jusqu'à l'avènement des Parisiennes en 1994. «Les Parisiennes l'ont fait basculer d'une marque alimentaire à une marque iconique, affirme Olivier Badinand. L'utilisation de l'affichage en format “sucette” Decaux était aussi très novateur.»
Aux commandes de cette saga qui se poursuivra jusqu'en 2002, un trio composé de Bruno Le Moult, directeur de création de Young & Rubicam (disparu en 1997), du directeur artistique Thierry Gounaud et d'un concepteur-rédacteur nommé Frédéric Beigbeder. Ils ont l'idée de piocher parmi les dessins réalisés par Edmond Kirazian pour Jours de France dans les années 60 pour composer des campagnes sexy et drolatiques (l'illustrateur travaillait aussi pour Playboy). Parmi leurs saillies: «Mais pourquoi font-ils des chaises aussi larges?», «Ah si seulement tous les nudistes prenaient du Canderel», «J'en avais assez qu'on me traite de gros pédé» (il y a aussi des jeunes hommes dans la série).
Les personnages filiformes font l'objet d'un livre en 2000, cosigné par Frédéric Beigbeder. En pleine période 99 francs, l'auteur épargne l'annonceur: «J’adore dire du mal des clients frileux et des commerciaux cyniques, écrit-il. Malheureusement la campagne Canderel m’en empêche. […] Non, l’annonceur ne nous censura pas, ou rarement. Oui, il accepta d’être méchant, snob, frivole, libre de ton, profond dans la forme […]. Je suis vraiment persuadé que si toutes les campagnes de publicité ressemblaient à celle-ci, le monde serait nettement plus vivable, car moins laid.»
L'après-Parisiennes
Cependant au bout de huit ans se pose la question de l'après-Parisiennes. «Elles cannibalisaient la marque, l'humour empêchait de communiquer sur les innovations produits, souligne Olivier Badinand. Elles correspondaient aussi à une époque d'apologie de la minceur et nous voulions revenir à la gourmandise.»
En 2004, un film présente une scène de ménage sans fin autour d'une tasse de café. Devenue une marque lifestyle, Canderel fait illustrer son format pocket par des créateurs de mode: Sonia Rykiel, Kenzo, Jean-Charles de Castelbajac, Christian Lacroix, Chantal Thomass… «Lorsque nous avons appris que Karl Lagerfeld était un fervent consommateur de Canderel, nous en avons fait notre porte-parole. En 2006, il a signé la série des ”Péchés mignons”, repris sur les packagings et en presse féminine», précise le vice-président.
Soupçonné de favoriser le cancer, l'aspartame est remplacé par le sucralose en 2012. Dans le même temps, la marque profite de la diabolisation du sucre et se positionne sur le plaisir sans les inconvénients. Les innovations produits et packagings s'enchaînent: sticks, doypack, version liquide, poudre cristallisée…
Désormais conseillé par Marcel, l'annonceur revient en 2015 à l'illustration et à la télévision avec la dessinatrice Malika Favre et le slogan «Les filles ont changé, Canderel aussi». Grâce à ses investissements en média (7,6 millions d'euros investis en 2015, dont les trois quarts en TV, selon Kantar Media) et en magasin, la marque retrouve 50% de parts de voix et 36,8% de part de marché sur les édulcorants, face à des marques de distributeur à 16,8% (source Nielsen au 7 août 2016).
Cette année, c'est le Finlandais Pietari Posti qui illustre la dernière vague, en attendant la nouvelle copie de BBDO.
1988. Premier slogan «Ça ne change rien et c'est ça qui change tout».
1994-2002. Saga des Parisiennes.
2015. Retour à l'illustration et à la télévision avec Marcel et Malika Favre.