Frédéric Raillard, fondateur et CEO de Fred & Farid, est par ailleurs fondateur et Head of Gen Ai d'[Ai] magination, studio global de production via l’intelligence artificielle. Après avoir vécu en Chine et en Californie, il habite désormais à New York et était de passage à Paris. Rencontre avec un fou d’IA.

Comment s’est développé [Ai] magination ?

Frédéric Raillard : [AI] magination m’a donné un second souffle. L’IA, c’est « better, faster, cheaper » [meilleur, plus rapide, plus économique] mais aussi « more sustainable », même si c’est énergivore, car on n’a pas besoin de prendre des avions pour aller sur des lieux de tournage lointains, par exemple. Nous travaillons pour McCann Worldgroup, Havas London, Adam & Eve London, Syneos Health et Future Brand. Nous venons de remporter sans compétition le budget Fox News : pour la société de production cinématographique, nous réalisons des « trailers » [bandes-annonces] d’émissions TV. Nous avons également travaillé pour des marques comme LVMH, L’Oréal, Longchamp, Toyota Europe, Pernod Ricard, Royal Salute, Glenlivet, Heineken, Valentino…

Comment abordez-vous l’IA en tant que créatif ?

L’IA me donne tout d’abord la liberté extraordinaire de créer sans aucune contrainte. En plus, l’IA permet d’entrer dans l’inconscient collectif de la société, de l’humanité. Il y a peu, de Lascaux en passant par les Sumériens, Léonard de Vinci ou Hollywood, la création d’images était l’apanage d’une caste. 20 % de l’humanité produisait de l’image. Aujourd’hui, il existe 8 milliards de prompteurs. Le monde entier va prompter. Dans les écoles maternelles, des enfants de 4 ans seront capables de produire des films…

Mais sommes-nous tous égaux face au prompt ?

Après, effectivement, c’est comme sur Instagram. Tout le monde se prend pour un photographe, mais in fine les meilleurs comptes sont ceux des vrais photographes… Nous allons arriver à un point où on va produire trop de contenus avec pas assez de gens pour les voir. Des productions de malade feront deux vues…

Comment les marques vont-elles pouvoir émerger dans ce contexte ?

Je crois fortement à la résurgence de la Big Idea et du storytelling pour émerger dans le brouhaha, le flot incessant d’excellent contenu… Nous vivons dans une société où l’on fait la promotion de la machine : dire de quelqu’un qu’il est une « machine », c’est un compliment, c’est une valeur… C’est la première fois que l’homo sapiens se trouve face à une intelligence supérieure. Mais nous allons nous retrouver dans une quête comme celle du film Wall-E, où le robot poussait à redécouvrir son humanité. Vis-à-vis des machines, nous ne sommes plus compétitifs, en matière de rapidité, de rigueur… La machine est plus fiable, ne fatigue jamais… L’être humain est obsolète, sauf sur l’émotion, la sensibilité, l’animalité. Qu’est-ce qui nous différencie de la machine ? Notre statut de mortel, tout d’abord, qui nous pousse à créer. Chez [AI] magination, je recrute des gens avec une sensibilité, des gens émotionnels, des gens qui ont le sens du beau. L’imperfection, aujourd’hui, c’est une qualité. Notre humanité est notre seul avantage compétitif face à la machine.

N’y a-t-il pas un risque à foncer tête baissée dans l’IA ?

Un journaliste me disait l’autre jour que l’on était même pas face à une disruption, une révolution, mais bel et bien face à un changement de civilisation. Médecine, culture, éducation, armée… L’IA va rentrer dans tous les pores de la société, comme l’eau s’infiltre dans la moindre fissure. On se trouve face à deux IA en ce moment : une IA un peu cynique, celle de la Silicon Valley, qui rend les humains obsolètes sans se soucier des conséquences. Chez [AI] magination, on est déjà au stade deux de l’IA. Nous voulons avancer en conscience. Sur notre site, on peut lire « We need AI but AI needs us »… Nous nous servons avant tout de l’IA pour améliorer l’humain.

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