Avocats, comédiens, juristes, Tiktokeurs... Tous étaient présents le 21 mars au Théâtre Mogador, à Paris, pour assister au Procès de TikTok. Objectif de cet événement organisé par l’Iscom, faire réfléchir sur le réseau social chinois par le rire. Reportage.
Le 21 mars dernier, le Théâtre Mogador, situé dans le IXe arrondissement de Paris, enlevait son décor du Roi Lion le temps d’une soirée pour laisser place au Procès de TikTok, un événement organisé par l’Iscom. Au cœur des débats, une question : doit-on supprimer l’application ? A la manière d’une véritable audience, plusieurs orateurs professionnels, des avocats, des juristes et des comédiens, accompagnés par l’orchestre CentOr, se sont retrouvés sur scène pour défendre ou à l'inverse accuser la plateforme chinoise. A leur côté, une dizaine de Tiktokeurs* ont été appelés à la barre pour témoigner devant les 1 600 personnes présentes dans le public. Une première pour ces influenceurs et créateurs de contenus aux millions d’abonnés.
Cet événement avait un double objectif, selon les deux créateurs de l’événement, Eliott Nouaille, professeur de rhétorique au sein de l'école de communication, et Quentin Deme, professeur d’économie et de finance. «Nous voulions apporter de l’humour et de la réflexion autour du réseau TikTok, corriger les mœurs par le rire. Et montrer que ces Tiktokeurs sont capables de monter sur scène aux côtés d’acteurs», précisent-ils. Habituée à recevoir un public plus âgé, la sublime salle du Théâtre Mogador voit cette fois-ci deux générations se réunir. Entre humour et discours inspirants autour du réseau social, ce tribunal fictif présentait plusieurs problématiques : hypersexualisation, narcissisme, désinformation…
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Afin de préparer au mieux l’audience, les Tiktokeurs ont été sélectionnés au préalable grâce à leurs contenus et leur écriture. Se filmer dans sa chambre et jouer au théâtre présente beaucoup de différences, c’est pourquoi ils ont été formés pendant deux mois. «Ils étaient dubitatifs au début, mais après quelques exercices, ils y ont pris goût. Ce ne sont pas des professionnels, il faut apprendre la rigueur de la scène et de la répétition», précisent Eliott Nouaille et Quentin Deme.
Le jour J, à tour de rôle, les orateurs professionnels sont venus à la barre accuser ou défendre la plateforme. Au son des musiques cultes de TikTok jouées par l'orchestre CentOr, ils appuient leur discours avec des références et un ton propres au réseau social. Certaines de ces citations semblent diviser la salle entre le rire et l’incompréhension. L’écart générationnel se fait sentir. Chloé-Claudia Sediang, juriste, est sur scène pour défendre la plateforme. «Ce procès marque la rencontre entre deux mondes. D’un côté, nous avons dû former les Tiktokeurs qui n’avaient pas forcément les codes de l'éloquence. Ici, on ne peut pas mentir ou recommencer la scène plusieurs fois. Puis, nous avons dû adapter notre plaidoirie au public, qui est différent de celui d’un théâtre, et donc connaître les références actuelles de la plateforme. Cela permet d’aller chercher le public là où il est», reconnait-elle.
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Et même si elle a pris position en faveur de TikTok sur scène, la juriste admet avoir quelques craintes concernant l’application : «Je m’interroge sur la viabilité de la plateforme et au niveau de l’âge aussi. Beaucoup d’utilisateurs n’ont pas l’âge requis. Qu’est-ce qu’on veut vraiment en faire et mettre en avant ? Est-ce éducatif ou simplement pour faire rire ?»
Après un peu plus de deux heures d’écoute, de rire et d’interrogation, le public attend le verdict. Doit-on supprimer ou non l’application ? Là encore, la salle semble partagée par l’acclamation de la jeune génération et l’air dubitatif du public non-consommateur de cette plateforme au milliard d'utilisateurs. Mais pour les deux professeurs, «il faut comprendre que l’on peut débattre autant pour que contre, c’est à chacun de se faire une idée». L'affaire est loin d'être classée.
*Les Tiktokeurs présents lors du procès sont @Ogee-off, @Monsieurprof, @Evacstt, @Djaysonkaravane, @Emilietalk, @Logfive, @Mayariif, @Batzair et @Lucasobonnet.