La Cour suprême américaine se penche le 10 janvier sur le sort du très populaire réseau social TikTok, menacé d'interdiction imminente aux États-Unis si sa maison mère chinoise refuse de le vendre, comme l'exige une loi récente.
Une loi « inconstitutionnelle » ? En pleine confrontation stratégique entre les États-Unis et la Chine, le Congrès américain a, en avril 2024, adopté une loi qui vise à prévenir les risques d'espionnage et de manipulation par les autorités chinoises des 170 millions d'utilisateurs de TikTok revendiqués aux États-Unis. Pour cela, la loi - adoptée à une large majorité d'élus démocrates et républicains et promulguée par le président Joe Biden - fixe à la maison mère du réseau social, ByteDance, la date limite du 19 janvier pour céder l'application à un autre propriétaire. TikTok et ByteDance, mais aussi les organisations de défense de la liberté d'expression, affirment que la loi contrevient au Premier amendement de la Constitution américaine garantissant cette liberté. Telle est donc la question que devront trancher les neuf juges de la Cour suprême à majorité conservatrice. La Cour a accepté en décembre 2024 se saisir de la loi, mais sans la suspendre comme le demandaient TikTok et Bytedance.
« Personne ne peut sérieusement contester que le contrôle de TikTok par le Parti communiste chinois via ByteDance représente une grave menace pour la sécurité nationale », affirme la conseillère juridique de l'administration Biden, Elizabeth Prelogar, dans ses arguments écrits. « L'accumulation par TikTok de masses de données sensibles sur près de 170 millions d'Américains et leurs contacts en fait un puissant outil d'espionnage », ajoute-t-elle, faisant valoir que « la loi vise le contrôle par un adversaire étranger et non pas la liberté d'expression ».
Le réseau social a contesté à plusieurs reprises avoir transmis des informations au gouvernement chinois et assuré qu'il refuserait toute requête éventuelle en ce sens. Ses avocats affirment que la loi est « inconstitutionnelle » du fait qu'elle cible exclusivement TikTok et réclament à la Cour a minima une suspension de son entrée en vigueur afin de statuer sur cette question.
Repreneurs potentiels
L'entreprise sait aussi pouvoir compter sur la sympathie du président élu Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier et a confié éprouver un « faible » pour TikTok. Donald Trump, qui a reçu en décembre le patron de TikTok Shou Zi Chew dans sa résidence de Floride, Mar-a-lago, a dans une intervention inhabituelle demandé à la Cour de suspendre la loi pour lui donner le temps, une fois à la Maison Blanche, de « chercher une issue négociée qui éviterait une fermeture à l'échelle nationale de TikTok ».
Donald Trump avait pourtant lui-même tenté d'interdire TikTok à l'été 2020, lors de son premier mandat, à coup de décrets qui n'avaient pas abouti. Il s'est depuis ravisé, appelant les électeurs attachés au service à voter pour lui. Le républicain voit dans TikTok une alternative à Facebook et Instagram, les deux plateformes de Meta, qui l'avaient temporairement exclu après son soutien aux participants à l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021.
Une des solutions envisagées en cas de maintien de la loi serait que ByteDance revende ses parts à des investisseurs non chinois, une possibilité que l'entreprise a constamment repoussée. Mais plusieurs repreneurs potentiels se sont tout de même manifestés, notamment le milliardaire américain Frank McCourt, qui milite pour des réseaux sociaux plus sûrs via son organisation, Liberty Project. « Nous avons présenté une proposition à ByteDance » pour lui racheter TikTok aux Etats-Unis, a annoncé Frank McCourt le 9 janvier dans un communiqué.
L'AFP, parmi plus d'une quinzaine d'organisations de fact-checking, est rémunérée par TikTok dans plusieurs pays pour vérifier des vidéos contenant potentiellement de fausses informations.