Avec un positionnement radicalement B to B et sécurisé, la jeune pousse LightOn ne mise pas sur les paillettes. Mais cela ne l’a pas empêchée de réussir la première introduction en Bourse française de l’IA.
À la française. Loin des projecteurs et sans flonflon, LightOn fait son bonhomme de chemin. La jeune pousse qui édite son modèle d’IA a un positionnement différent des autres acteurs du marché : résolument B to B, avec une approche pragmatique, orientée « métier », pour aider les entreprises à automatiser les tâches. Née en 2016, LightOn avait au départ une tout autre activité : les hardwares photoniques (des puces d’ordinateurs qui traitent des signaux lumineux et non pas électriques). « Notre processeur était très bon sur les problèmes de grandes tailles, mais compliqué à passer en production », se souvient Laurent Daudet, un des quatre fondateurs et PDG de la start-up. « En 2020, nous avons été scotchés par les capacités de GPT-3 [le papa de ChatGPT]. Nous avons compris que l’IA progresserait en passant à l’échelle. L’interface en langage naturel a été un déclic. L’IA pouvait ne plus être une affaire d’ingénieurs. On s’est dit que les entreprises se jetteraient sur ces modèles », détaille-t-il. Ni une, ni deux, LightOn change de modèle. Si l’équipe, issue de la recherche, pense adapter ses processeurs aux IA, elle se focalise très vite sur ses modèles de langage [LLM], avec des puces classiques. Pendant deux ans, elle développe ses algos sur le supercalculateur Jean Zay, du CNRS. Cette vision lui a donné un temps d’avance pour proposer les premiers LLM français alors même que ChatGPT est encore inconnu du grand public…
Circuit fermé
En mars 2023, elle lance sa plateforme Paradigm. « L’approche est simple : c’est nous qui allons à la donnée », résume Laurent Daudet. Le but est de permettre aux entreprises d’entraîner leurs agents d’intelligence artificielle, sur leurs données, dans leur écosystème. « Tout se fait en circuit fermé, et aucune donnée ne sort », argue le PDG. Le modèle travaille sur le cloud où sont hébergés les documents propices à l’entraînement. Une approche différenciante, adaptée aux questions de souveraineté pour des acteurs aux données sensibles : organisations publiques, santé, défense… Et toutes les grandes industries qui ne veulent point trop pactiser avec les entreprises étrangères, ou qui souhaitaient, par sécurité, développer leurs propres IA. « Nous pensons que l’avenir est au multiclouds. Les entreprises géreront différents systèmes en fonction de la confidentialité des données et de la sensibilité des tâches. Notre plateforme permet de s’adapter aux multiples situations », avance-t-il. Dès juillet 2023, LightOn dévoile son grand LLM star : Alfred. Disponible en open source, il a la particularité de ne pas halluciner en s’autorisant à déclarer « Je ne sais pas », lorsqu’il n’a pas la réponse. Ce que les autres IA ont tendance à ne pas faire…
Plus d’un an après son lancement, « Paradigm a fait ses preuves, indique Laurent Daudet. Vient alors la phase de commercialisation plus massive. » Si avec 40 personnes à son bord, LightOn a toujours été financée par son propre chiffre d’affaires (7,3 millions d’euros en 2023), elle vient de réaliser son entrée en Bourse fin novembre 2024, et vise les 40 millions d'euros d’ici à trois ans. « Nous voulions rester indépendants technologiquement et pour notre business model. L’accueil a été très bon », se félicite le PDG, qui a profité d’une démocratisation de l’IA auprès des petits porteurs [actionnaires qui ne possèdent que quelques actions]. 2025 sera-t-elle l’année de la visibilité pour cette jeune pousse qui respire la sagesse ?