Pour la première fois, le bitcoin a franchi jeudi 5 décembre la barre des 100 000 dollars, un mois pile après l’élection aux États-Unis de Donald Trump, fervent promoteur des cryptomonnaies.
L'« effet Trump » n’en finit de doper la plus importante cryptomonnaie par la capitalisation : vers 03 h 06, heure française, le bitcoin s’échangeait à 103 800,44 dollars. Un record. Un tel niveau, loin d’être imaginé il y a 16 ans lors de la création de la monnaie, crédibilise un peu plus le secteur des actifs numériques, parfois soumis à des controverses, qui voit comme une aubaine le retour du dirigeant républicain à la Maison Blanche, surtout avec Elon Musk à ses côtés. Car après avoir qualifié les cryptomonnaies d’escroquerie durant son premier mandat, Donald Trump a changé son fusil d’épaule pendant sa campagne en partie financée le secteur. Il jure désormais qu’il fera des États-Unis « la capitale mondiale du bitcoin et des cryptomonnaies ».
Conséquence : le bitcoin, qui oscillait autour de 69 000 dollars le 5 novembre, jour de l’élection, a gonflé de plus de 46 % depuis. Son cours s’est même envolé de plus de 8 % dans la nuit de mercredi à jeudi : à l’origine de cet accès de fièvre, le président élu a annoncé qu’il prévoyait de nommer l’avocat républicain Paul Atkins à la tête l’Autorité américaine de régulation des marchés financiers (SEC). « Cette nomination stratégique a électrisé la communauté des cryptos, confortant l’optimisme quant à un paysage réglementaire plus accommodant » et plus généralement « une approche indulgente à l’égard du marché en plein essor des actifs numériques », observe Stephen Innes, de SPI Asset Management.
L’an dernier, Paul Atkins avait critiqué publiquement les responsables de la SEC, estimant qu’ils auraient dû se montrer « plus accommodants » avec les entreprises des « cryptos » et accusant leur approche de détourner les entrepreneurs du marché américain. « Paul reconnaît que les actifs numériques sont cruciaux pour rendre l’Amérique encore plus grande qu’elle l’a jamais été », a commenté Donald Trump sur sa plateforme Truth Social. Paul Atkins succédera à Gary Gensler, dont l’approche répressive à l’encontre des devises numériques hérissait le secteur - et dont la démission anticipée en novembre avait déjà fait bondir le cours du bitcoin.
Réserve stratégique
Alors que la frénésie des spéculateurs a repris après la trêve de Thanksgiving, la perspective d’une régulation assouplie nourrit « l’espoir de voir les cryptomonnaies s’intégrer plus profondément dans la vie économique », note Samer Hasn, de XS. com. L’envolée a aussi été alimentée par l’éventualité de la création par Donald Trump d’un ministère chargé des cryptomonnaies, relevait récemment Kathleen Brooks, experte pour le courtier XTB. « Pourrait-il être le président qui permettra aux cryptomonnaies de se généraliser, les Américains pourront-ils les utiliser pour payer leurs impôts ? Il y a davantage de chances que cela se produise », a-t-elle ajouté.
Le Salvador a été en 2021 le premier pays à adopter le bitcoin comme monnaie légale, sans convaincre la population. Donald Trump pourrait aussi créer une réserve stratégique de bitcoins aux États-Unis, principalement grâce aux jetons saisis par la justice, ce qui légitimerait davantage la devise auprès d’autres pays.
De nombreuses cryptomonnaies et sociétés du secteur ont vu leur cours exploser après l’élection américaine, à l’instar du fournisseur de services Bitcoin MicroStrategy et de la plateforme d’échanges Coinbase. Le dogecoin, crypto créée initialement pour plaisanter, et dont Elon Musk s’est entiché à partir de 2019, a aussi surfé sur la vague. Elon Musk a d’ailleurs été nommé par Donald Trump à la tête d’une « commission à l’efficacité gouvernementale », dont l’acronyme en anglais est « Doge ».
Le bitcoin est né en 2008 d’un rêve libertarien : échapper au contrôle des institutions financières en s’appuyant sur une technologie (« blockchain ») qui permet d’enregistrer de manière décentralisée et infalsifiable les transactions grâce à un réseau d’ordinateurs dans le monde entier. Le bitcoin, comme les autres cryptomonnaies, sera au fil des années impliqué dans plusieurs scandales financiers, devise privilégiée des pirates informatiques ou pour monnayer des activités illicites. Le bitcoin est aujourd’hui en quête de respectabilité : outre l’expérience du Salvador, suivi par la Centrafrique, certains commerçants l’acceptent comme moyen de paiement, comme l’a fait Elon Musk pour ses voitures Tesla - avant de faire volte-face.
Aux États-Unis, deux nouveaux produits de placement (ETF), l’un suivant la performance du bitcoin, l’autre celle de l’éther, la deuxième principale cryptomonnaie, ont attiré des dizaines de milliards cette année, contribuant à l’envolée du cours.