Pendant plus d’un an, Samy Bouyssié, producteur et auteur, et Basile Monnot, réalisateur, ont accompagné Inoxtag depuis l’annonce de son challenge de gravir l’Everest. Le 13 septembre est sorti Kaizen, un documentaire de 2h30 qui suit le youtubeur durant toute son épopée.
Comment est-ce que vous avez conçu ce documentaire ?
Basile Monnot : J’avais déjà collaboré avec Inoxtag quelques années auparavant, et nous avions des visions communes sur des projets et ambitions à venir un jour. Puis, il est venu me dire qu’il montait l’Everest. On s’est dit qu’il y avait une réelle opportunité de faire un gros projet là-dessus. Après de longues discussions, on a accepté de le suivre et on a imaginé une direction documentaire qui diffère des codes habituels. On cherche à immerger le spectateur dans l’histoire, comme si on vivait avec lui toute l’épopée. On a limité le concept d’interview, en misant sur du in pour avoir un vrai effet d’immersion.
Samy Bouyssié : Inoxtag, c’est quelqu’un qui débute dans ce milieu-là et on le découvre à travers ses yeux. On essaye de faire ressentir, faire vivre les choses, plutôt que de les raconter a posteriori. On avait envie de pousser visuellement le documentaire et pas en faire une vidéo YouTube classique.
À partir de quand est-ce que vous avez commencé à tourner ?
B.M : On a commencé à tourner un peu avant l’annonce. Le documentaire dure 2h30, mais il y a de quoi faire le double en termes de contenu.
S.M : Il a fallu qu’on coordonne tout ce qu’on avait envie de shooter. Il y a différents types de contenus comme l’intimité, l’authenticité. En termes d’équipe, il fallait trouver des cadreurs qui soient aussi bons que des alpinistes.
Ça représente une équipe de combien de personnes ?
B.M : Ça dépend parce qu’Inès a fait beaucoup d’ascensions de montagne qui ne sont pas forcément dans le documentaire, mais le but était d’avoir deux personnes pour le filmer.
S.M : Il y avait une équipe en haute montagne et une autre au camp de base. Avec Basile, on était au camp de base à 5 700 m, où on documentait aussi ce qu’il se passait puisque juste déjà pour y arriver, il y a dix jours de trek.
B.M : Ça permettait aussi de laisser se eposer ceux qui allaient monter plus haut et qui ont tenté l’ascension avec lui. On a aussi dû s’entraîner physiquement pour être en capacité de les suivre.
S.M : Plein d’équipes ont travaillé dessus, que ce soit des sound designers, des personnes sur l'étalonnage... On a dû même se faire une station de post-production au camp de base pour qu’on puisse traiter les rushs et ne pas perdre de temps. On n'a eu que deux mois pour faire un documentaire de 2h30, ce qui est très peu. Surtout que contrairement à un film où on sait ce qu’on va sélectionner, là en fonction de l’issu, tout peut changer. Quand l’expédition se termine, c’est une nouvelle histoire qui commence au montage.
B.M : On s’est appuyé sur un grand talent qu’est Quentin Eiden, le chef monteur, qui est aussi auteur de ce projet, et qui a commencé à travailler dessus en amont. Étant donné qu’on livre aussi à des cinémas, il y a un autre export, donc une double dose de travail. Le compositeur Mim (Emilien Bernaux) a tout donné au dernier moment et a principalement composé tout le documentaire. Ce qui est aussi fou, c’est qu’on s’est inventé en se demandant comment est-ce qu’on fabrique ça. C’est un peu un ovni vu les conditions dans lesquelles on était, alors on s’est créé des process de travail pour bien déléguer les choses.
S.M : On a fait un documentaire avec très peu d’interviews, donc ça demandait de filmer tout le temps pour avoir cette narration. Ça a été un vrai challenge car on voulait aussi que ça corresponde à l’authenticité d’Inoxtag, à son audience, mais aussi que ça soit un documentaire qu’on puisse regarder au cinéma.
Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer durant le tournage ?
B.M : La plus grosse, c’est de se dire que tout peut servir, donc ça veut dire filmer constamment. C’est un marathon de plus d’un an et demi.
S.M : L’autre challenge qu’on oublie, et heureusement, c'est que tout le monde est sain et sauf à la fin, mais il n’y a pas qu’Inoxtag. Nous sommes beaucoup derrière. A la montagne, même si vous êtes le meilleur alpiniste du monde, le plus préparé possible, il peut avoir un aléa et ça peut devenir vite dangereux. On s’est testé pour vérifier que tout le monde puisse résister à l’altitude, on a dû être attentifs à chaque détail.
Comment s’est déroulé le tournage ?
S.M : Inoxtag est très investi, c’est un vrai producteur lui aussi. On a fait une sorte de petite coloc pendant un an.
B.M : En région parisienne, tourner, c’est assez classique, mais en haute montagne il y a un vrai enjeu de part le froid, par exemple dans la gestion des batteries, il faut qu’elles résistent. Il y a une technique : on les met contre son torse sous la combinaison pour qu’elles restent au chaud. C’est une vraie gestion.
S.M : Les drônes à une telle altitude ne volent pas pareil. Il y a aussi la possibilité de tout mettre en œuvre pour les images et qu’au final, ça ne fonctionne pas. On est fier de nos images, mais ça a été un vrai challenge.
B.M : On s’est aussi beaucoup appuyé sur l’expertise de Mathis Dumas pour filmer en montagne. Il a pu tester le matériel en amont et nous aider grâce à son réseau.
Pensez-vous que ce genre de format avec des créateurs (-rices) de contenus a vocation à se développer dans les années à venir ?
S.M : Squeezie l’a récemment fait, il y a aussi Seb, Le Grand JD... Au-delà de faire des documentaires pour les créateurs de contenus, la question, c’est plutôt de se dire : est-ce qu’on fait des documentaires sur des histoires qui sont fortes. Essayer de monter l’Everest, c’est une histoire qu’on pense forte.
B.M : Le fait de pouvoir financer des documentaires avec des marques et de se dire qu’on peut le diffuser sur internet, ça, c’est récent.
S.M : Les créateurs de contenus sont aussi des producteurs, ils savent eux-mêmes raconter des histoires, ce n’est pas simplement des incarnants. Par les créateurs de contenus, on peut plus facilement comprendre des audiences ; ce sont les meilleurs pour prendre des décisions à certains moments du storytelling, même si on apporte notre regard après.
Comment vous sentez-vous à l’approche de la diffusion du documentaire ?
B.M : Très heureux. Il y a quelques jours, on faisait encore des nuits blanches, à ajuster les détails pour le peaufiner au maximum dans les deadlines convenues.
S.M : On a essayé de faire quelque chose qui soit le plus honnête possible. C’est aussi la première fois qu’un contenu est diffusé si largement au cinéma et dans le monde. Là, on a dépassé les 200 000 entrées réservées, et c’est assez fou de se dire que les gens vont se déplacer pour aller au cinéma partager cette expérience ensemble, malgré le fait que ce soit gratuit le lendemain sur YouTube. On ne s’attendait pas à ce que ça fasse autant d’entrées.
B.M : Merci internet.