Dossier ENTREPRISES

Dans un secteur accaparé par les hommes, elles sont une minorité active à porter, concrétiser et développer un projet entrepreneurial. Zoom sur cinq start-up créées ou cocréées par des femmes. Un article également disponible en version audio.

- Eqwin, par Nina Caput et Anaïs Izaac

Il y a presqu’un an, Nina Caput et Anaïs Izaac lançaient leur activité axée sur les courses hippiques avec Eqwin, une application qui permet de devenir propriétaire virtuel de chevaux de courses. Un pari pour deux jeunes femmes dans « un milieu pourtant très masculin et acceptant difficilement les évolutions », reconnaît la première. Mais elles ont « été prises au sérieux car provenant du même univers des chevaux » : Nina Caput est une ancienne cavalière professionnelle ayant évolué ensuite dans la blockchain, son associée Anaïs Izaac, la fille d’un entraîneur, qui s’est spécialisée dans le marketing et l’innovation.

Après avoir créé en avril 2022 leur entreprise installée à Chantilly, levé 2 millions d’euros et recruté une dizaine de personnes – « dont 60 % d’hommes plus âgés » -, elles ont donc lancé leur produit en juin 2023. Avec l’objectif « d’amener un nouveau public aux courses » et étendre leur activité à de nouveaux territoires, « comme l’Irlande et l’Angleterre, qui sont des pays passionnés de courses hippiques, avec le Japon, Hong Kong et l’Australie ».

- Carbon Maps, par Estelle Huynh, Patrick Asdaghi et Jérémie Wainstain

Lorsque Patrick Asdaghi lui a proposé fin 2022 de participer à Carbon Maps, la proposition tombait à pic. C’était l’occasion pour Estelle Huynh de satisfaire son envie de se lancer dans l’entrepreneuriat, en s’associant au fondateur de la start-up de livraison de repas FoodChéri, et à Jérémie Wainstain, cocréateur de The Green Data, spécialisée dans l’analyse de l’agrobusiness. Malgré plusieurs expériences dans le conseil - Greenwich, Bearing Point -, puis à la direction des produits et des opérations dans la tech - Transatel, Mojix -, elle ne se sentait « pas capable de monter une société toute seule, de peur de ne pas être prise au sérieux », car « cumulant être jeune, femme et issue de la minorité asiatique ».

Depuis début 2023, Estelle Huynh dirige les opérations de la start-up, qui accompagne les entreprises de l’agroalimentaire dans l’évaluation de leur empreinte environnementale. Une activité en pleine expansion, les marques devant se préparer à afficher un éco-score sur leurs produits. Après la France, Carbon Maps vise maintenant l’international, où elle doit affronter « une sérieuse concurrence en provenance de Scandinavie, du Royaume-Uni, des USA, des pays très en avance » dans cette démarche.

- Gamma Pulse, par Carmen Dumitrescu

« Trouver des fonds consiste à se battre contre des moulins à vent », selon la physicienne Carmen Dumitrescu, fondatrice de Gamma Pulse. Pourtant, la société créée en 2017, au sein de la pépinière de l’École polytechnique, innove à l’ère des pandémies. En octobre 2020, Gamma Pulse a conçu un purificateur d’air, Killvid, capable de détruire les virus grâce à la technologie du plasma. Validé par l’Inserm en 2021, il devait être rapidement commercialisé pour équiper les hôpitaux, les écoles, les lieux fermés recevant du public…

Mais l’entrepreneure, après une première levée de fonds auprès d’un industriel, doit encore trouver 5 millions d’euros. Elle se confronte depuis six mois « à un milieu des affaires difficile, souvent constitué d’hommes ». Carmen Dumitrescu se remémore les réunions pour son ancienne start-up au cours desquelles « les interlocuteurs s’adressaient essentiellement à [son] associé », le chercheur britannique Peter Choi. Autre écueil, le risque zéro affiché par les investisseurs français, « qui attendent le million d’euros de chiffre d’affaires avant de mettre de l’argent ». Elle dit aujourd’hui regretter « d’avoir suivi il y a un an le conseil de rejeter une offre faite par des Chinois. » Les conseilleurs ne sont pas payeurs.

- HappyPal, par Alyssa Emmungil

Les activités sociales et culturelles occupent une place essentielle dans le développement du bien-être en entreprise. Alyssa Emmungil, cofondatrice et présidente d’HappyPal, plateforme offrant aux Comités sociaux et économiques (CSE) des services et avantages pour les salariés, est convaincue qu’elles représentent « un bon moyen de créer du lien social ». D’où l’idée, avec son associée Rim Zerhouni, qui était élue au CSE de son ancienne entreprise, de simplifier la gestion souvent complexe des avantages.

Elles ont concrétisé leur projet en 2019 et, depuis, HappyPal a convaincu un millier de CSE - dont celui de la RATP, de Meta, de Doctolib… - d’adopter leur solution, en privilégiant l’expérience utilisateur, qu’il soit un élu ou un salarié. « La base du comité de la RATP est passée depuis 2021 de 10 000 à 46 000 agents », se réjouit Alyssa Emmungil. Entretemps, HappyPal est passée à une quarantaine de salariés et a doublé son chiffre d’affaires. Fin 2023, la start-up a bouclé une deuxième levée de fonds, sur un marché convoité, les avantages salariaux représentant plus de 20 milliards d’euros par an. Mais, constate la dirigeante, « en tant que femmes, il faut être deux fois plus convaincantes pour mobiliser les investisseurs ».

- Tehtris par Élena Poincet et Laurent Oudot

Si la cybersécurité est un secteur porteur, il figure aussi parmi les bastions les plus masculins. C’est pourtant cet univers qu’Élena Poincet a choisi de pénétrer, en créant Tehtris en 2010, après s’est associée à Laurent Oudot, un hacker éthique. Ils ont réussi à en faire l’un des fleurons français de la lutte contre le cyberespionnage et le cyber-sabotage, ainsi que du renseignement sur les cyber-menaces. Mais après plus d’un quart de siècle passé dans différents corps d’armée - dont la DGSE -, où elle était souvent l’unique femme, elle connaît « les défis inhérents à tout environnement où l’on introduit de la nouveauté. Ce qui est nouveau suscite souvent de l’appréhension, explique-t-elle, même s’il est aujourd’hui prouvé que la diversité apporte innovation, nouvelles idées et nouvelles méthodes de travail, essentielles pour le progrès ».

Armée de sa solution de cyberdéfense Tehtris XDR AI Platform, la scale-up a bouclé deux levées de fonds conséquentes, recruté plus de 250 personnes et installé des bureaux en Espagne, Allemagne, au Danemark, Canada, Japon et à Singapour. Et Élena Poincet compte encore développer l’implantation à l’international d’une entreprise évoluant dans un cyberespace sans frontières.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.

Lire aussi :