Avec le Digital Services Act, la Commission européenne planche sur les dark patterns, ces designs d’interface qui manipulent les utilisateurs. Stratégies reprend les bases.

- Que sont les dark patterns ?

Les dark patterns ou « interfaces sombres » caractérisent tout ce qui, dans une interface d’un site ou d’un service, trompe l’utilisateur, ou le manipule, c’est-à-dire l’induit à faire un choix sans qu’il n’en soit totalement maître. « Historiquement les dark patterns étaient plutôt répandus pour les services d’abonnements, quand vous vous inscriviez à un service payant et qu’il était bien plus facile de s’abonner que de se désabonner », résume Marc Mossé, avocat au cabinet August Debouzy. « Par la suite, sur le numérique, le droit a commencé à s’y intéresser pour tous les débats autour de la protection des données personnelles, lorsqu’il a fallu recueillir le consentement des internautes », ajoute-t-il. C’est là que les éditeurs de sites ont commencé à user de malice pour faire accepter d’une manière ou d’une autre aux visiteurs le dépôt des cookies tiers. En jouant sur les polices d’écriture, les couleurs, ou les dispositions « contre-intuitives » des boutons « refuser », par exemple. Mais les dark patterns ont été régulièrement pratiqués dans l’histoire des arnaques par certains margoulins…

- Le DMA et le DSA vont-ils être plus sévères ?

Des deux règlements européens récemment entrés en applications, c’est le Digital Services Act qui s’attaque plus spécifiquement au design malencontreux des interfaces. L’article 25 est même très clair à ce sujet : « Les fournisseurs de plateformes en ligne ne conçoivent, n’organisent ni n’exploitent leurs interfaces en ligne de façon à tromper ou à manipuler les destinataires de leur service ou de toute autre façon propre à altérer ou à entraver substantiellement la capacité des destinataires de leur service à prendre des décisions libres et éclairées », indique l’article. « Mais le texte va même plus loin en indiquant que la Commission européenne pourrait publier des lignes directrices afin de préciser cette notion, et expliciter les façons avec lesquelles on pourrait la mettre en œuvre », précise Marc Mossé. Le monde du design numérique est donc encore dans l’attente d’éclaircissements. Mais certaines pratiques pourraient être visées : « demander de façon répétée un choix qui a déjà été fait, l’ouverture de fenêtres contextuelles qui viennent troubler l’acuité visuelle de l’utilisateur, ou encore rendre plus difficile la désinscription à un service que l’inscription », concrétise Marc Mossé. Ou encore ces « impasses » procédurières, qui empêchent de trouver les informations que l’on souhaite.

- Le design sera-t-il plus compliqué ?

Entre technique marketing et manipulation, la différence est-elle limpide ? « Il ne s‘agit pas de prohiber la créativité, mais plutôt de qualifier clairement ce que pourrait être un design abusif, au sens où il pourrait exploiter des biais cognitifs de l’utilisateur et lui faire prendre des décisions qu’il n’aurait pas prises spontanément », rassure Marc Mossé. La régulation des designs trompeurs n’est pas nouvelle. « Mais dans une économie numérique de l’attention, et d’orientation de cette attention, ça sera un élément très important », prévient-il. Notamment pour tout ce qui sera recueil des données personnelles. Il faudra que les pratiques des plateformes ne deviennent pas dark.

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