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Après avoir laissé les grandes entreprises technologiques en paix pendant plus d'une décennie, les autorités américaines de la concurrence essaient finalement d'intervenir: plusieurs affaires antitrust très médiatisées pourraient changer radicalement leurs modèles économiques.

Lancés sous les gouvernements Trump puis Biden, l'agence fédérale de la concurrence (FTC) et le ministère de la Justice ont désormais cinq dossiers en cours contre les géants américains de la tech, dont deux contre Google qui pourraient entraîner la scission de l'entreprise. La plus récente de ces procédures a été lancée en mars contre Apple par la FTC, qui accuse le fabricant de l'iPhone d'abuser de sa position dominante dans le secteur des smartphones haut de gamme.

Washington était resté largement silencieux sur les risques d'étouffement de la concurrence dans le secteur des technologies depuis la longue bataille contre Microsoft, des années 1990 à l'accord passé au début des années 2000.

Inspirés par des initiatives prises en Europe et ailleurs, les juristes du gouvernement assurent que les pratiques des plateformes numériques empêchent d'éventuels concurrents d'émerger et nuisent aux consommateurs.

Mais aucun changement significatif n'est attendu rapidement: entre les enquêtes, les éventuels procès et inévitables appels, ces affaires pourraient durer jusqu'à une dizaine d'années. La première plainte, déposée en 2020 contre Google à propos de son moteur de recherche, pourrait déboucher sur une première décision dès la fin de l'année.

Considérations politiques

Dans un dossier séparé, le ministère de la Justice poursuit également Google pour sa position dominante dans le secteur de la publicité numérique. Amazon et Meta (Facebook, Instagram) font eux l'objet de poursuites de la FTC. Les élus américains, qui n'ont jusqu'à présent pas réussi à se mettre d'accord sur une réforme du droit de la concurrence à l'ère d'internet, applaudissent ces procédures.

Mais de nombreux avocats et acteurs du monde des affaires estiment qu'elles sont motivées surtout par des considérations politiques, pour donner l'impression au public que l'administration est ferme face aux abus de pouvoir des titans technologiques.

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Les autorités antitrust défendent fermement leurs dossiers, évoquant la nécessité de protéger les consommateurs.« Il vaut mieux examiner les faits réels plutôt que de se fonder sur des impressions », a déclaré Lina Khan, présidente de la FTC, lors d'une conférence organisée à Washington par l'association du Barreau américain.

« Nous nous attaquons vraiment aux problèmes qui affectent la vie des gens, notamment les soins de santé et les technologies numériques », a-t-elle ajouté. La juriste a insisté sur la nécessité de ne pas s'enliser dans « des théories dépassées qui sont clairement en contradiction avec ce que nous voyons de nos propres yeux », assurant que les dossiers de son agence « sont adaptés à l'année 2024 ».

Ses détracteurs mettent en avant une opinion largement répandue au sein de la communauté juridique, selon laquelle les affaires portées par le gouvernement Biden reposent sur des bases légales peu solides.

« Plus audacieuse »

« En fin de compte, ils mettent le droit de la concurrence sans dessus dessous », a estimé un cadre supérieur d'un grand groupe technologique, sous couvert d'anonymat.

Dans une enquête informelle menée auprès de 19 spécialistes réputés du droit de la concurrence, la majorité a estimé qu'il serait difficile pour les plaignants de parvenir à leurs fins. Les dossiers contre Google sont considérés comme les plus solides pour le gouvernement et ceux contre Amazon comme les plus faibles.

« Dans l'ensemble, on peut dire que l'on s'attend à ce qu'il y ait plus d'affaires perdues que d'affaires gagnées », a écrit Daniel Crane, professeur de droit à l'université du Michigan, qui a piloté cette enquête.

« Si c'était à refaire, j'aurais été plus audacieuse, car nous n'avons pas beaucoup de temps », a de son côté déclaré à Washington Margrethe Vestager, tsar de la concurrence de l'Union européenne. « La concentration augmente dans toutes les juridictions ».

En poste depuis près de dix ans, elle a lancé sa propre vague d'affaires contre les entreprises technologiques, et certaines ont également été accusées d'être farfelues. Le mois dernier, l'UE a infligé à Apple une amende de 1,8 milliard d'euros pour avoir empêché les services de streaming de musique de proposer des options d'abonnement aux utilisateurs en dehors de l'App Store.

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