Un an après le lancement de son outil Firefly, le géant américain des solutions créatives a annoncé, à l’occasion du Adobe Summit, de nouvelles fonctionnalités pour permettre aux services marketing de plonger dans le grand bain de l’IA générative.

Ce n’est pas encore l’âge de la maturité mais l’intelligence artificielle générative a passé un cap, 18 mois après l’apparition des premiers acteurs, OpenAI en tête. Arrivé sur le marché quelques mois plus tard avec son outil Firefly, Adobe veut aujourd’hui faire entrer cette technologie de rupture dans le quotidien des marketeurs, que le géant américain a réunis les 26 et 27 mars à Las Vegas pour son événement annuel dédié à l’expérience client, le Adobe Summit.

« 2024 sera l’année où l’IA générative sort du terrain de jeu pour entrer dans les processus de production des marques », a expliqué lors de la keynote d’ouverture David Wadhwani, président digital media d’Adobe. « L’IA générative va permettre l’hyperpersonnalisation à grande échelle, c’est ça l’enjeu aujourd’hui », a complété Anil Chakravarthy, président digital experience.

C’est dans ce contexte qu’Adobe a annoncé toute une palette de nouvelles fonctionnalités et solutions, à commencer par Firefly Custom Model. Celui-ci va permettre aux marques d’entraîner le modèle de génération d’images avec leurs propres assets, afin que les visuels créés par Firefly respectent l’univers graphique de la marque. Avec Firefly Services, les directions marketing vont également pouvoir créer des centaines de visuels en quelques secondes seulement, qui respecteront leur territoire graphique tel qu’il aura été défini avec Firefly Custom Model.

« Jusque-là, nous n’avons jamais eu la possibilité de créer autant de variations d’images en si peu de temps. C’est quelque chose qui va profondément changer la création de contenus », a insisté Wes Hopkins, principal technical evangelist chez Adobe.

Selon l’étude IBM « GenAI and the future of work », présentée lors du Adobe Summit, 56 % des responsables marketing interrogés pensent justement que la création de contenus est la fonction marketing qui sera le plus impactée par l’IA générative. « Pour pouvoir proposer des expériences hyperpersonnalisées, les marques vont devoir produire une quantité énorme de contenus. En faisant ça, l’IA générative va permettre aux marketeurs de dégager du temps pour se focaliser sur les tâches importantes et créatives », a estimé Karen Feldman, vice-présidente marketing et communication chez IBM.

Volume de contenus ingérable

Dans cette même logique, Adobe a annoncé la création de GenStudio, qui entend réunir tout ce dont un marketeur a besoin pour concevoir et piloter ses campagnes. « Aujourd’hui, le volume de contenus requis devient ingérable. On nous demande de livrer davantage, avec des budgets stables ou diminués dans certains cas. Grâce à l’IA générative, GenStudio entend permettre aux spécialistes du marketing de créer plus facilement et plus rapidement du contenu pour leur marque. En un clic, vous pourrez par exemple transformer une campagne Facebook qui fonctionne très bien en un email complet », a détaillé à Stratégies Don Bennion, senior director de GenStudio.

Autre annonce, l’intégration d’Assistant IA dans Adobe Expérience Platform. Concrètement, cet assistant conversationnel pourra répondre en langage naturel aux questions que lui posent les professionnels du marketing, qu’elles portent sur des analytics passés ou sur toutes autres datas sur lesquelles il aura été entraîné. Une sorte de ChatGPT du marketing de l’entreprise en somme.

Pistes et bonnes pratiques

Les 11 000 professionnels du marketing qui étaient réunis à Las Vegas durant ces deux jours ont aussi pu échanger sur leur vision de l’IA générative et la manière dont elle va probablement changer le métier de CMO. Peu de cas d’usage encore, cette technologie étant très récente, mais un début de pistes et de bonnes pratiques, qui ont été partagées lors des différentes conférences par les clients des solutions Adobe.

« En plus de la création de contenus en elle-même, l’IA générative simplifie la manière dont on les passe en revue et on les valide », a expliqué sur la grande scène Lidia Fonseca, vice-présidente exécutive, directrice du numérique et de la technologie chez Pfizer. Le laboratoire pharmaceutique a ainsi utilisé l’IA générative pour créer les textes et les images de son nouveau site dédié au cancer, Let’s outdo cancer, conçu « en seulement trois semaines », ainsi que pour traduire ses sites en différentes langues. « Les sites internet sont un élément central pour nous adresser aux patients. Le contenu est au cœur de notre transformation et, avec l’IA générative, nous avons complètement changé notre chaine de production de contenus », a-t-elle souligné.

Pour accélérer l’usage de l’IA générative dans l’entreprise, le CEO de Pfizer a d’ailleurs fixé comme objectif aux dirigeants qui lui sont directement rattachés de développer deux use cases chacun, a encore raconté Lidia Fonseca.

Nouveaux business modèles à inventer

Au sein du groupe Tapestry, propriétaire de la marque de luxe Coach, l’IA générative a été utilisée pour source d’inspiration, grâce à la fonctionnalité Firefly Custom Model. « Nous avons commencé par essayer de créer un sac Coach dans Firefly, à partir d’une vingtaine de visuels de nos sacs. Rapidement, le résultat était très proche de nos sacs. C’est extrêmement prometteur. Nous avons ensuite partagé les images générées avec notre équipe créative ; ça peut les inspirer », a détaillé J.J. Camara, senior director au sein du département digital product creation de Tapestry.

Dans les créations publicitaires en revanche, il peut y avoir un risque à trop utiliser l’IA générative, met en garde Rachel Mercer, MD customer experience & design chez JP Morgan Case : « La plupart des contenus générés par l’IA se ressemble. Les marques vont donc devoir intégrer aux images générées leur propre identité visuelle ou mettre en avant leur héritage. Ce n’est que comme ça qu’elles se différencieront dans l’usage de l’IA générative. »

Au-delà de la création de contenus ou le design des produits, l’enjeu de l’IA générative est bien plus large, selon Amit Manurkar, VP digital content & martech au sein du groupe Marriott. « L’IA va opérer un virage : on va passer d’un gain d’efficacité à quelque chose qui va vraiment changer les règles du jeu. Il y a de nouveaux business modèles à inventer avec l’IA. La combinaison de l’IA générative et du machine learning va ouvrir de nouveaux horizons», a-t-il esquissé. Le marketing et plus largement les entreprises sont aux prémices d’une révolution à laquelle Adobe entend bien contribuer.